1) Love Exposure de Sion Sono
Tantôt dynmaique, tantôt introspective, tantôt contemplative, tantôt horrifique, tantôt épique, la mise en scène de Sion Sono défie toute loi de gravité. Love Exposure ne serait pas Love Exposure sans son casting. Quel putain de casting. Entre Koike, magnétique perverse et manipulatrice à la complexité émotionnelle mortelle, Yu avec son air candide, son rire navrant et attachant et puis Yoko, impossible de ne pas tomber amoureux de la somptueuse et fougueuse Yoko, et son sourire à tomber à la renverse, et ses airs de guerrières écolières. Difficile de parler d’un tel film, foisonnant d’idées visuelles, qui allie grotesque assumé jubilatoire (la conférence des pervers) et classe hypnotique épousant une forme de liberté ravageuse, une générosité dans l’intention qui fait mouche, une folie attendrissante qui nous donne qu’une seule envie : repartir pour 4h de Love Exposure.
2) Intimité de Patrice Chéreau
L’œuvre de Patrice Chéreau se révèle exubérante tant dans l’expression corporelle que dans ses envolées lyriques presque surjouées, prenant au vol la captation pulsionnelle des corps qui s’entrechoquent dans un désir muet, où les émotions se font sourdes pour resurgir de plein fouet comme un boomerang. Il y a ce côté frénétique dans les déclarations, cet aspect théâtralisé qui ne fait que gonfler avec l’omniprésence d’une musique parfaitement accordée, une ressemblance naissante avec « Possession » Andrzej Zulawski sans l’hystérie et le fantastique notamment dans les séquences qui le lieront avec un ami d’enfance un peu borderline. « Intimité » peut paraitre désaccordé, sur une corde raide, une effusion grandiloquente d’émotion nourrie par deux performances d’acteurs fabuleuses. 3) Mauvais Sang de Leos Carax
Graphiquement, Mauvais Sang fait rencontrer l’artisanat de Godard avec le fétichisme d’un Wong Kar Wai. Difficile de parler de Mauvais sang tant l’œuvre est foutraque, insaisissable change de couleur, de ton, de paroles où le réalisme des sentiments rencontrent le surréalisme des situations et la grandiloquence des intentions. Le dispositif graphique n’est jamais lourd ni imposant mais est au service de son récit, fait vivre, voler une histoire attendrissante où les personnages sont tous contaminés par un spleen, nous place face à la vie, à la mort. Mauvais sang est un film poétique et désarticulé (comme son acteur principal) qui coure sans respirer vers un romantisme pur.
4) La pianiste de Michael Haneke
Comme souvent chez Haneke, le réalisateur va poser son regard clinique sur cette bourgeoisie mondaine à l’ancienne qui sclérose ses pulsions, qui tait ses propres fantasmes pour en faire des démons inavouables. Elle semble subir sa vie, alors sans doute peut-elle devenir maitre de son corps et de ses propres désirs. Mais cette fois ci, et c’est la plus force du film, tout cela est montré sans complaisance, ni jugement professoral, avec une distance qui va laisser place à une folie moribonde, désinhibée.
5) Le Miroir d'Andrei Tarkovski
Le film superpose les temporalités à sa guise, le réalisateur aspire à renvoyer ses pensées intérieures à une certaine réalité collective avec des images d’archives telles que celles de la guerre. Le film pourrait s’analyser de mille et une manière, mais il est aussi bien de se laisser envouter, transporter par ces moments de vie, à l’émotion grandissante, dans cette famille qui ressemble à beaucoup d’autres où l’on y voit un fils se remémorer la jeunesse de sa mère, où l’on y voit un homme semblant être en discorde avec son fils. Le Miroir propose une expérience léthargique dans les couloirs labyrinthiques de la mémoire d’un homme. Derrière, ce chaos narratif, qui peut sembler hermétique par son intimisme et son existentialisme parfois incompréhensible, se déroule devant nos yeux un film sensitif fascinant.
6) Hana bi de Takeshi Kitano
Le style Kitano est toujours aussi particulier avec ce mélange de genre et cette liberté de langages cinématographiques soufflant le chaud et le froid à chaque instant. Que dire, de la fin, réelle ou imaginaire avec les réminiscences d’un vrai moment de familles, avec le sourire de deux parents amoureux voyant pour la dernière fois la tendresse de leur fille, prenant le bonheur qu’il leur a été retiré. Deux balles restent, et sonnent le glas, pour faire s’échouer le son des vagues dans une tristesse qui résonnent de longues minutes après la fin du générique.
7) Breaking the waves de Lars Von Trier
Il n’y aucun artifice, ici l’épure est la plus brève, ne s'abaissant jamais à aucune trivialité de mauvais gout, excepté le dernier plan un peu too much visuellement. Ce personnage d’Emily Watson transcende le film avec une force qui bouscule tout sur son passage, l’actrice semble comme habitée, avec ses grands yeux bleus entre délire hystérique et larmes d’amour. Breaking the waves devient la quête existentielle d’une femme qui vie entre culpabilité et recherche de rédemption, où les transgressions maritales de cette femme deviennent une preuve de sa foi, une marque d’amour indescriptible. Jamais larmoyant mais toujours émouvant, le film de Lars Von Trier laisse difficilement de marbre, montrant cette femme sautant à jamais dans le puits sans fond de l’amour.
8 ) Millennium Actress de Satoshi Kon
Comme dans Perfect Blue, Satoshi Kon porte un regard sur l’univers du spectacle, parfois malveillant, comme cette jalousie et connivence entre actrices qui aura des répercussions grandissantes. Cette thématique de la relation entre un fan et une célébrité est aussi au cœur du sujet mais cette fois ci, est pensée de manière bienveillante. Dans Millennium Actress, le fan invétéré n’est plus horrifique et pervers, il est simplement protecteur, une sorte de chevalier servant qui n’a qu’un seul but, faire briller les yeux de sa princesse. Le cinéma est le premier vecteur de nos souvenirs, il nous permet de continuer à croire en nos combats et en nos espérances les plus folles, changeant de visage sans le dévoiler vraiment, permettant alors l’entremêlement des sens pour faire perdurer le plus pur des sentiments. Et Satoshi Kon nous le rend bien.
9) Videodrome de David Cronenberg
Cronenberg parle de l’omniprésence de la technologie, de ce support télévisuel qui change les consciences, qui s’immisce dans l’intimité des gens, qui s’insère dans notre esprit pour changer notre point de vue sur la réalité et modulant notre propre santé. Mais comme à son habitude chez réalisateur canadien, la technologie n’influe pas que sur l’esprit mais aussi sur la chair humaine, sur notre corps. D’ailleurs d’un point de vue visuel, les effets gore n’ont pas pris une ride et font toujours leur petit effet. Virtualité ou réalité, tout cela n’a plus d’importance car la télévision nous dévoilera notre propre fin. Cronenberg nous balance au visage une œuvre mystique, morbide, d’une radicalité magnifique.
10) Cure de Kiyoshi Kurosawa
Le génie de Cure se trouve dans cet aspect humain, où Kurosawa s’interroge sur la fascination humaine pour le Mal, le démon qui sommeille en chacun de nous. Cure n’est pas un film de sérial killer comme les autres. Cure est fascinant, son réalisateur épure au maximum, minimalise ses effets dans tous les compartiments de son œuvre. Cure est presque hors du temps, envoutant le spectateur comme Mamiya hypnotise ses victimes qui deviennent elles-mêmes des coupables. Un peu à l’instar de la série Paranoia Agent de Satoshi Kon, Cure presse la gâchette sur une société nippone où un dénominateur commun, déclencheur des affres de tout un chacun, ouvre les vannes de la torpeur d’individus à la stabilité plus qu’approximative. Cure, se finit alors dans une perfection trouble grisante, dans une expectative nihiliste indicible.
MA PLUS GRANDE DECOUVERTE DE L'ANNEE: