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Bob le Flambeur - 7,5/10

MessagePosté: Mer 27 Jan 2016, 20:24
par osorojo
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BOB LE FLAMBEUR

Jean-Pierre Melville | 1956 | 7.5/10
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Il y a dans Bob le flambeur un certain nombre des composantes qui ont fait le succès de Jean-Pierre Melville : l’amitié entre truands, ce chien de hasard qui aime jouer son salopard, des flics ni cons, ni extrémistes, et l’appât du gain forcément, celui qui fait qu’une poignée d’hommes confient leur destin à une pièce truquée dans l’espoir d’empocher un bon paquet d’oseille.

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Un brouillon de luxe en quelque sorte; Melville en est à son quatrième long métrage et, déjà, sa signature graphique est de la partie : des noir et blancs profonds, souvent contrastés et parfaitement exploités : lorsque la lumière décline, la photo devient peinture. Le coup d’œil du maître fait forte impression quand il croque avec sensibilité une vieille France teintée de petites influences américaines, que ce soit dans l’image ou dans la bande son d’ailleurs. En résulte une ambiance fortement typée qui véhicule une forte dose de mélancolie qui vire en énergie pure lorsque les âmes hésitantes passent enfin à l'action.

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Il manque certes un petit quelque chose à Bob le flambeur pour aller tutoyer les plus grandes réussites de Melville, mais une certaine sympathie s'installe d'emblée pour les destins qui y sont contés. Roger Duchesne y est pour beaucoup, de même que l’écriture de son personnage, certes classique, mais efficace lorsqu’elle quitte les sentiers balisés : l’amitié mystérieuse qui lie ce truand sur le retour au commissaire qui le pistera suffit à à faire de Bob un personnage qui vaut le détour. Quant au titre de flambeur que porte le bonhomme, il sert de fil rouge à une histoire en deux temps qui prend grand soin de ne pas brûler les étapes : après l’immobilisme et la routine vient l’adrénaline d’un casse qui se monte : Bob se métamorphose, oublie temporairement les cartes pour redevenir la légende décrite par ceux qui ont connu l’homme lorsqu’il était un truand redouté.

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Finalement, il n’y a guère que la manière avec laquelle Melville insère dans la préparation du coup, le grain de sable qui fait tout voler en éclat, qui ne convainc pas vraiment. Entre la grande gigue qui se pavane sur la piste avant de fricoter avec l’ennemi et le complice à la veste amovible, l’adversité manque un peu d'audace, même s'il faut être audacieux pour dépeindre la gente féminine avec autant de cynisme (les femmes sont généralement soit fourbes, soit maladroites... heureusement, certaines sont pourvues d'un sens de l'honneur). Mais l’oisiveté de l’ensemble, l’attitude souvent désinvolte des différents personnages, leur côté rêveur également, fait qu’on se laisse emporter et qu’on accompagne Bob dans ses frasques jusqu’à ses derniers tours de cartes, qui se font un écho amusant au titre : quand Bob gagne, il perd quand même, la faute à sa mère, qui l’a fait si joueur.

A chacun son dû - 7/10

MessagePosté: Dim 31 Jan 2016, 16:54
par osorojo
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A CHACUN SON DÛ

Elio Petri | 1967 | 7/10
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Les épaules solides de Gian Maria Volonte, le charme farouche de Irene Papas et la classe à l’italienne de Gabriele Ferzetti, voila le petit secret de A chacun son du, un whodunit rital qui brillotte par le coup d’œil acerbe de son metteur en scène. Comme à son habitude, Elio Petri croque ses contemporains avec une mine particulièrement affûtée, rompue à l’exercice d’un trait rigide qui ne connaît pas le compromis.

Sous ses faux-airs de whodunit classique, A chacun son du brosse le portait peu glorieux d’une Italie traditionaliste qui préfère les œillères à la conciliation. Les âmes pures en quête de vérité finissent dans les gravats d’une mine abandonnée alors que les notables usent de leur pouvoir pour modeler la société qui les fait vivre à leur juste mesure. Petri n'adoucit son propos à aucun moment et conclut son film de la meilleure des manières, sans espoir ni procès d’intention : son dénouement, si noir soit-il, s’ancre dans un réel bel et bien palpable, de quoi frissonner.

Pour le reste malheureusement, la platitude de la mise en scène étonne quelque peu, La dixième victime qu’il avait tourné 2 ans auparavant fait meilleure impression ; et on est loin de l’inspiration graphique dont fera preuve le bonhomme quelques années plus tard dans Enquête sur un citoyen au dessus de tout soupçon. Sa direction d’acteur redoutable est par contre bien de la partie : Gian Maria Volonte trouve encore le ton juste et ses acolytes sont d’un croustillant à toute épreuve, à l’image du petit mafieux sans scrupule auquel Gabriele Ferzetti prête ses traits.

Mais celle qui fait tourner toutes les têtes, c’est la belle Irene Papas qu’Elio Petri met superbement en valeur —de quoi raviver mon intérêt pour la découverte de Z—. Tour à tour tiraillée entre des intérêts personnels parfaitement calculés et ses propres désirs charnels qu’elle a bien du mal à gérer, elle est véritablement le point de pivot de A chacun son du, qui, plus qu’un film policier revendicateur, se trouve finalement être un beau portrait de femme.

La La La at Rock Bottom - 6,5/10

MessagePosté: Sam 06 Fév 2016, 22:41
par osorojo
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LA LA LA ROCK BOTTOM

Nobuhiro Yamashita | 2015 | 6.5/10
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Une petite tranche de vie en mode comédie romantique subtile qui constitue un agréable moment de détente. Souvent légère, mais aussi parfois touchante, portée en tout cas par deux protagonistes dont la simple esquisse suffit à rendre crédible une alchimie naissante qui se nourrit d'un quotidien rythmé par une passion commune pour la musique. Ici se trouve tout l'intérêt de la rencontre qui se joue à l'écran, et c'est aussi paradoxalement le gros bémol du film. Car même si le petit gars qui se découvre une âme de chanteur assure vocalement, il confirme tout simplement que la jpop c'est vraiment un truc à vous faire saigner les oreilles, mais alors, massivement :eheh:

M'enfin, la partition rafraîchissante de Fumi Nikaido, qui confirme tout le bien que je pense d'elle depuis que je l'ai vue dans le touchant Au revoir l'été, fait qu'on endure les moments musicaux pour profiter du reste, à savoir la complicité qu'elle partage à l'écran avec Subaru Shibutani, starlette jpop de son état, qui s'en sort avec les honneurs dans un rôle de petite frappe pas vraiment gâtée par la vie. En bref, un petit film qui manque de densité, mais dont l'ambiance musicale, sinon de qualité, particulièrement bon enfant, un premier rôle qui se cherche mais propose de belles choses et une actrice montante que l'on n'a pas envie de quitter, font qu'on s'y attache.

Re: [oso] Ma prose malade en 2016

MessagePosté: Sam 06 Fév 2016, 23:12
par Mark Chopper
la partition rafraîchissante de Fumi Nikaido, qui confirme tout le bien que je pense d'elle depuis que je l'ai vue dans le touchant Au revoir l'été,


Je ne savais pas que tu l'avais vu celui-là.

(Sinon je kiffe le morceau final et j'assume :mrgreen: )

Re: [oso] Ma prose malade en 2016

MessagePosté: Sam 06 Fév 2016, 23:41
par osorojo
J'étais allé le voir au cinoche, et j'ai beaucoup aimé :)

Pour la zik, ptain, t'es grave, c'est tout pété comme truc :eheh:

Re: [oso] Ma prose malade en 2016

MessagePosté: Dim 07 Fév 2016, 00:00
par Mark Chopper
Ça m'a filé la patate comme jamais :eheh:

Todo Modo - 7,5/10

MessagePosté: Dim 07 Fév 2016, 12:11
par osorojo
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TODO MODO

Elio Petri | 1976 | 7.5/10
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Elio Petri continue sa charge critique sans faire dans le détail ; Todo Modo c’est la mise à nue des institutions politiques italiennes, des politiques qui se goinfrent sur le dos des pauvres bougres qui les ont placés sur un trône dont ils ne veulent surtout pas se lever. Film exigeant de par la farouche démonstration textuelle qui le porte — les dialogues y sont savoureux, très réfléchis —ainsi que par la galerie importante des personnages qu’il fait s’agiter, il sait récompenser les efforts de celui qui s’y implique au moyen d’un dernier acte émoustillant : la farce politique acerbe migre en slasher rigolard, de quoi faire tomber le rideau final dans une atmosphère curieusement légère vu ce qui a précédé sa chute.

Sous couvert d’une farce à grande échelle, Petri joue les juges radicaux et pointe du doigt toutes les institutions qu’il juge manipulatrice. Outre le corps politique dont il brosse une image détestable, c’est l’église qui prend un gros coup de marteau derrière la nuque. Représentée comme une entité opportuniste qui donne les pleins pouvoirs à des prêtres mal intentionnés prêts à donner l’absolution sans condition pour asseoir une puissance qu’ils développent dans l’ombre aux côtés de pantins de pouvoir pour le compte de leur maison mère.

Todo Modo paraît un peu longuet, dans sa première heure notamment, la faute à un travail de sape motivé par la répétition —répétition des prières, des gestes, de certains dialogues—. Mais son casting 5 étoiles, mené au front par un Gian Maria Volonté définitivement très à l’aise sous la caméra d’Elio Petri dans des rôles exigeants assez loin de ceux qui ont fait sa réputation, fait rapidement oublier son rythme chancelant. Autour du bougre, on retrouve Marcello Mastroïani qui s’en donne à cœur joie en cativo padre, Ciccio Ingrassia, investi corps et âme dans un rôle difficile, ou encore la bonne ganache de Piccoli, cheveux gominé vers l’arrière, pour un passage certes furtif mais croustilant. Quant à tous les autres acteurs secondaires, c’est tout simplement un tour de force que relève Petri pour coordonner autant de monde dans des séquences qui tutoient le burlesque sans tomber dans le ridicule.

Après les excellents Enquête sur un citoyen au dessus de tout soupçon et La classe ouvrière va au paradis, Todo Modo s’inscrit dans l’œuvre dénonciatrice de son auteur directement inspirée par le contexte social et politique particulier des années de plomb. S’il est un peu plus difficile à appréhender que les deux films précités, sa forme narrative étant plus volatile, il n’en est pas moins cinglant, ni indispensable, tant il trouve sa place avec cohérence dans une œuvre engagée qui n’épargne personne.

Besieged City - 7,5/10

MessagePosté: Lun 08 Fév 2016, 19:50
par osorojo
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BESIEGED CITY

Lawrence Ah Mon | 2008 | 7.5/10
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Découverte dans la douleur d’un cinéaste qui ne met pas de gants. Besieged City fait l’effet d’une infernale descente aux enfers qui ne laisse aucun répit aux petits cœurs meurtris qui le découvrent : l’oppression commence dès que la lumière s’estompe et que l’écran subit l’assaut de jeunes adolescents désœuvrés. S’ensuit alors une spirale de violence sourde caractérisant un ensemble de destins croisés on ne peut plus chaotiques : il ne fait pas bon survivre dans la région de Tin Shui Wai.

Rugueux, indomptable, désespéré, le film de Lawrence Ah Mon ne fait pas dans le portrait nuancé. Il est bien question pour lui d’aller au bout des choses, la société qu’il dépeint est condamnée à l’autodestruction. Sa jeunesse y est sans repère, livrée à elle-même, elle n’a d’autre choix que la protection que lui offre l’appartenance à un gang et le pouvoir qui en découle. Celui de redistribuer les cartes, de troquer sa casquette de victime pour endosser le masque du bourreau. Vouloir vivre tranquillement entre les deux camps est une utopie dangereuse, qui ne peut devenir réalité qu’à grand renfort de drogues ou d’alcool, seuls remèdes pour supporter l’insupportable.

Frénétique et rageur, Besieged City donne parfois l’impression d’être raconté par un crayon un peu trop gras, Lawrence Ah Mon corsant plus qu’il n’en faut les destins de certains protagonistes, à l’image de celui de sa jeune chef de bande fougueuse dont l’innocence a été ravie bien trop tôt par un père aux mains plus que baladeuses. Mais finalement, cette surenchère dans l’horreur est la mécanique qui permet à son film de se tenir, celle qui rend crédible les agissements de tous les jeunes diables qui errent dans les rues malfamées d’un Honk Kong en déroute sans jamais penser aux conséquences de leurs agissements.

Mention spéciale aux différents acteurs, tous très jeunes, qui s’en sortent avec les honneurs dans des rôles scabreux. En imaginant deux secondes que le film ait été tourné dans notre pays, on imagine aisément que la sauce eut vite pu tourner. Il n’en est rien ici, même si Besieged city donne parfois dans le trash un peu trop radical, sur la distance il fonctionne terriblement, et ne manque pas de laisser son spectateur définitivement K.O. lorsque le dernier coup de latte signe la fin des hostilités.

Re: [oso] Ma prose malade en 2016

MessagePosté: Lun 08 Fév 2016, 19:55
par Jed_Trigado
Complètement d'accord avec tes deux dernières critiques.

Sinon Lawrence Ah-Mon c'est vraiment un réalisateur qui gagnerait a être connu, faut vraiment découvrir Spacked Out et la trilogie Lee Rock qui m'ont fait forte impression, sans parler d'une pelletée de films alléchants mais hélas souvent introuvables sur quelconque support que ce soit (je tuerais pour avoir une copie de Queen of Temple Street ou Gangs :chut:).

Re: [oso] Ma prose malade en 2016

MessagePosté: Lun 08 Fév 2016, 19:56
par osorojo
Merci pour les deux titres, j'vais essayer de les choper, j'ai fini le film complètement KO mais avec une furieuse envie d'en voir d'autres ! :mrgreen:

Macadam à deux voies - 8/10

MessagePosté: Mar 09 Fév 2016, 20:01
par osorojo
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MACADAM A DEUX VOIES

Monte Hellman | 1971 | 8/10
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Voilà un chouette archétype du film anti-spectacle poussé à son paroxysme. Macadam à deux voies est un road movie épuré à l’extrême uniquement rythmé par le rugissement des moulins, que des allumés du bitume qui ne vivent que lorsque les vilebrequins suent de l’huile à grosses gouttes, poussent sans cesse dans leur zone rouge. Malgré cette quête de l’adrénaline par la vitesse, Monte Hellman filme une Amérique au ralenti, dépourvue de tout intérêt sinon celui de ses routes sinueuses mortelles et de ses relais routiers déserts tout juste bons à servir de cadre à la rupture douloureuse d’une histoire d’amour qui n’a jamais vraiment pris la peine de se construire.

Ses personnages désincarnés errent sans but sinon celui de se procurer les quelques dollars qui leur permettront de continuer leur route. En filmant la rencontre de 4 âmes en pleine dérive, qui se partagent temporairement un itinéraire commun, Hellman parvient à faire de l’absence de substance de ses marionnettes le principal intérêt de Macadam à deux voies. Des silhouettes qui n’ont rien à raconter, qui ne sont jamais définies par ce qu’elles furent et se contentent d’être, de n’exister qu’à travers les actions qu’elles réalisent devant l’objectif. Manger, boire, conduire, dormir, provoquer, profiter d’une vie oisive, s’inventer des vies fantasmées, constituent le seul programme d’une vie sans horizon. Lorsque l’un des personnages se risque à se laisser dominer par ses sentiments, il se fait immédiatement rappeler à l’ordre, son bolide surpuissant peut aisément être remplacé par un deux-roues au moteur encore plus bruyant.

Macadam à deux voies ou la stratégie de l’échec qui rappelle l’excellent Point Limite Zero et sa fuite inexorable vers le néant. De cette course impliquant des pauvres bougres aux profils aussi disparates qu’inexistants ne ressort aucun vainqueur. Les cartes ont été distribuées dès le départ, à aucun moment les pilotes ne pensent à l’issue de leur cavalcade sauvage, seul le déroulement de cette dernière leur importe. En témoigne cette fin implacable qui symbolise la fin de l’affrontement, le constat de l’échec et le retour à la case départ. Seul le mythomane du groupe —excellent Warren Oates— profite de l’expérience pour gratiner un peu plus son prochain mensonge.

Re: [oso] Ma prose malade en 2016

MessagePosté: Mar 09 Fév 2016, 22:41
par Val
J'aime de plus en plus ce film (même si j'avais été dérouté la première fois, comme le montre ma "critique"), mais je l'ai revu plusieurs fois depuis et il est rentrée dans mon top 100.

Bonne critique. :super:

Re: [oso] Ma prose malade en 2016

MessagePosté: Mar 09 Fév 2016, 23:01
par osorojo
Ah c'est cool ça, je m'étais dit, il est raide le père Val avec celui là :mrgreen:

Après, on peut totalement passer au travers et trouver ce film bien chiant je pense, si on n'accepte pas son côté lancinant malgré ses courses à 300 à l'heure ^^

Re: [oso] Ma prose malade en 2016

MessagePosté: Mar 09 Fév 2016, 23:03
par Val
Sur celui-là, je me souviens que l'itw de l'ami Thoret sur le DVD Carlotta m'avait permis de le voir d'un tout autre oeil après ma première vision et de le réévaluer grandement. :super:

Et puis Warren Oates a sans doute ici son plus grand rôle. :love:

Re: [oso] Ma prose malade en 2016

MessagePosté: Mar 09 Fév 2016, 23:05
par osorojo
Faudrait que je prenne le temps de regarder ce genre d'interventions, j'suis sur qu'il a plein de trucs à dire pour enrichir la séance (comme d'hab ^^).