⌲ PRISONERSde Denis Villeneuve avec Hugh Jackman, Jake Gyllenhaal, Viola Davis, Maria Bello, Melissa Leo, Terrance Howard, Paul Dano.
Histoire: Dans la banlieue de Boston, deux fillettes de 6 ans, Anna et Joy, ont disparu. Le détective Loki privilégie la thèse du kidnapping suite au témoignage de Keller, le père d’Anna. Le suspect numéro 1 est rapidement arrêté mais est relâché quelques jours plus tard faute de preuve, entrainant la fureur de Keller. Aveuglé par sa douleur, le père dévasté se lance alors dans une course contre la montre pour retrouver les enfants disparus. De son côté, Loki essaie de trouver des indices pour arrêter le coupable avant que Keller ne commette l’irréparable… Les jours passent et les chances de retrouver les fillettes s’amenuisent…
Voilà un film qui répond à toutes les attentes, qui justifie toutes ses comparaisons et ses compliments.
Qui justifie son titre avant toute chose. Car Prisoners est un titre évocateur qui porte plusieurs sens. Prisonniers, tous les personnages le sont plus ou moins, directement ou indirectement. Prisonniers de quelqu'un d'autre de qui ils dépendent de leur vie, prisonniers de leurs croyances, prisonniers de leur colère, de leurs frustrations qui surpassent à un moment donné leurs principes moraux, leur intégrité. Il y a un jeu de miroirs, de glaces qui renvoient un reflet qui montre une autre facette de l'humanité que vous pensez avoir. Les personnages sont tour à tour prisonniers, bourreaux, victimes, coupables, tout ça se brouille et la vérité est quasiment impossible à percevoir. Qu'est ce qui est bon, juste, et tout est-il relatif selon la position qu'on occupe ?
Prisoners est un film complexe filmé avec justesse, froideur, recul. Quand on a Roger Deakins (Fargo, No Country for Old Men, Skyfall) comme chef op', ça facilite déjà pas mal de choses. La photo est superbe, et notre ami Denis Villeneuve (que je découvre pleinement, ici) n'est pas non plus un manche derrière la caméra. Il dirige ses acteurs avec une justesse implacable et absolument tout le casting est au top, voir au delà. Par là j'entends Jake Gyllenhaal qui prouve une fois de plus qu'il est l'un des plus doués de sa génération. Certes, Hugh Jackman a tendance à tirer la couverture mais dans un autre registre, Gyllenhaal, qui campe un détective ultrafocus au look de serial killer fétichiste, maîtrise parfaitement son sujet, plante son regard bleu là où il faut, quand il faut et avec une précision chirurgicale. Le cadre joue beaucoup avec son visage et s'en sert pour animer le récit jusqu'au bout. Le scénario est tenu de bout en bout, je défie quiconque de prédire la fin et de traiter le film de prévisible.
Il y a une sorte de faux rythme très séduisant qui fait, c'est vrai, penser à Zodiac de Fincher, d'ailleurs le côté implacable et froid de la réalisation fait beaucoup écho au metteur en scène de The Social Network. Certes, à quelques moments, l'histoire aurait pu plus faire confiance à son inspecteur, accélérer un peu le processus, ça peut paraître à certains endroits quelque peu attentiste, mais ça fait partie du charme de Prisoners. Pareil, on aurait aimé un peu plus de fougue dans certains plans, il y a des scènes qui sont coupées au mauvais endroit et qui créent une frustration, mais ça c'est de l’exigence devant un matériau qui l'est déjà tout autant.
Le film a une petite étincelle qui le met au dessus de bien d'autres cette année, possède une maîtrise qui force le respect et le place dans les meilleurs thrillers de ces dernières années. Bref, Prisoners est un film à voir, car à la hauteur de la réput' qu'il commence à se faire, et d'une subtilité inattendue.
8.5/10