On a du mal à se rappeler à quel point on ignorait ce qui se passait entre la mort d'une personne et sa présentation à cercueil ouvert. A part quelques films d'horreur qui nous emmenaient faire un tour irréel et amusé par la morgue (
à la "Contes de la Crypte" ou "Destination Finale"), le peu d'information sérieuse qui filtrait hors de ces sous-sols donnaient des frissons dans le dos et venaient s'accumuler dans notre dossier mental "Les Mystères de la Mort". Ca, c'était avant Six Feet Under.
Dès son générique métaphorique, les tabous sautent. La main de l'être aimé est perdue et son corps est emmené sur un brancard, non pas vers la lumière mais vers la morgue. Les fleurs fanées supposent la décomposition post-mortem, des litres de liquides sont injectés et une main gantée passe le dernier maquillage sur le visage immobile et beau, malgré le décès. Le cercueil est alors emmené au cimetière où la dépouille retourne à la terre, au pied de l'arbre qu'elle aimait tant contempler.
Tant de franchise était unique en 2001, et encore plus sur le petit écran. C'est une véritable prouesse qu'a réalisé Alan Ball en créant cette série de tous les superlatifs. Non content d'emmener le spectateur fouiner dans le sanctuaire des croque-morts, il lui impose explicitement une relation homosexuelle sérieuse et réaliste, et masculine qui plus est ; du jamais vu à cette ampleur. On peut ainsi suivre pas à pas, et non à l'emporte-pièce comme c'est la règle habituellement, les doutes, l'exploration de la sexualité, le déni ou le fameux coming-out.
L'envie de faire quelque chose de différent ressort constamment dans tous les domaines. Les réactions aux problèmes de la famille Fischer et de son entourage sont souvent contraires à nos attentes, et ce contre-pied, parfois joyeux et parfois glauque, nous plonge dans des situations inexplorées. Typiquement, le thanatopracteur a souvent un dialogue intérieur avec le mort sur lequel il travaille, révélant ses peurs face à la faucheuse ou à ses problèmes personnels. Par exemple, David est confronté à la peur de sa sexualité quand il est hanté par un jeune homme mort d'avoir été "pédé", et Rico à celle d'être père quand il doit pratiquer son art sur un nouveau-né. De tels épisodes sont particulièrement profonds et affrontent de face l'inéluctabilité de la mort et la fragilité de la vie.
Contrairement à ce qu'on pourrait en penser et comme l’a dit Nico,
Six Feet Under est un hymne à la vie. Je terminerai cette ode par les événements qui m’ont le plus marqué et pourquoi (attention, SPOILERS sur les 5 saisons) :