Terminé l'essai " Les mêmes yeux que Lost" et c'était pas mal du tout. C'est vrai qu'une grosse partie du livre parle moins de la série que des liens que l'auteur fait avec pas mal de références mystico-religieuse, opposition Orient-Occident (en terme de valeurs , spiritualités et époques) etc... mais c'est toujours pertinent et recherché mais surtout logique et cohérent avec la série et toutes les références disséminées dans le show (notamment via les multiples bouquins qu'on y trouve et qui parfois, mènent à des vérités puis à des contre-vérités). On y trouve pêle-mêle des allusions à René Guenon et le Roi du Monde ou à l'Agartha (voir liens plus bas) ou encore les " Lois de Manu". L'auteur expose clairement son idée : Lost est une série où se confronte les croyances, les préjugés, les spiritualités et dans laquelle il n'y aucune vérité puisque, mis bout à bout, chaque élément en contredit un autre, et ce n'est pas l'absence de "vrai" guide ou prophète qui pourra ternir son regard sur Lost.
Mon regard :En effet, même Richard, un des persos les plus énigmatiques et mystérieux se révèle n'être qu'un homme brisé, pêcheur et traumatisé dans le seul épisode quasi entièrement bâti sur un flashback sur lui (saison 6 épisode 9). Celui que l'on pensait détenir un savoir qui échappe aux autres ne sait finalement rien de plus que Ben ou Locke. Ou de peu. Et quand Locke pense avoir raison, il a tort et se remet en question, puis c'est au tour de Jack, puis Ben etc...etc... mais chacun à sa façon pose un regard juste dans un premier temps, acceptable et compréhensible (vision subjective totalement influencé par leurs propres vies passés et surtout leur relation avec leurs pères respectifs). D'ailleurs, la sérié oppose rarement les personnages avec leurs mères. Elles sont bien présentes (pour Kate, Faraday, Hurley, parfois Jack, Sun, Walt) mais il n'y pas de traumas liés à elles. Sauf peut-être un personnage : l'homme en noir.
Le rapport qu'entretiennent les personnages avec leurs pères semblent similaires en tout point avec la relation Humanité/Dieu, qu'on retrouve surtout dans la Bible. Et pour aller plus loin, je trouve qu'on peut faire une filiation entre le rapport Jacob/candidats( ou plus largement les 108 élus) ; MIB/candidats (idem) et l'histoire de Job. Jacob laisse le libre arbitre aux hommes comme Dieu, et MIB n'y croit pas. Il combat donc la vision de Jacob et veut lui montrer qu'il a tort. Bizarrement aucun des deux essais ne parle de ce lien méta alors que je le trouve évident. Passons.
Pour info le nombre 108 est très important : c'est le résultat de l'addition des fameux chiffres de LOST. C'est la durée après la quelle Desmond doit appuyer sur le bouton etc...
les trois chiffres, qui le composent, représentant aucun objet (0), un objet (1), et une infinité d'objets (8, ou l'infini).
Et ces 3 voies sont les trois choix que laisse Locke Mib à Sawyer dans la grotte des noms. Tu viens avec moi et on s’échappe de l'île, on peut vivre notre vie, être libre (8), ou bien tu ne fais rien et tu vois comment ça se passe (0), ou alors tu deviens à ton tour un gardien (1). MIB "vend" donc la liberté à Sawyer car il sait pertinemment que c'est le fondement même du personnage : l'indépendance, la liberté, la solitude. Il ne vendra pas la même chose à Sayid et il n'a pas vendu la même chose à Richard non plus. On remarquera que les personnages qui paraissent les moins forts ou les plus marginaux/solitaires sont finalement les plus lucides et les moins influençables (Sawyer, Kate et Hurley par exemple).
La vision simpliste que l'on peut faire dans un premier temps sur l’opposition Jacob (bien) et l'homme en noir (mal) se révèle bien plus complexe que cela dans la saison 6. Jacob utilise parfois la violence, il trompe et manipule lui aussi à sa manière mais il est gardien de l'île et donc du "mal" qu'il a condamné mais qui existe toujours bel et bien et exerce même une influence tout en possédant de véritables pouvoirs. Un peu comme Dieu qui condamne l'ange déchu qui peut toujours malgré ça exercer son influence néfaste sur les hommes. Je constate aussi que les personnages finiront par devenir amis pour la plupart au fil des saisons. Altruisme, empathie, intimité. Dans le fond, c'est entre eux qu'ils avancent, en tissant des liens de confiance et c'est là leur véritable victoire, outrepassant même Jacob et l'île, puisque dans le fond, Jacob est invisible pour 99% d'entre temps. Ils doivent donc avancer, souffrir ensemble. Jacob n'est rien.
Paradoxalement au fait que depuis des années, Jacob suive la vie des candidats, les touchent, et les promettent à une rédemption "possible", rien n'est forcé. Il n'y a pas de destin sur la toile et tout peut arriver. Il y a d'ailleurs une liste de noms que l'on barre à chaque nouvelle mort (non prévue donc). Les candidats sont donc bel et bien libres de choisir. Même l'Homme en noir ne peut les forcer. Sa bouche il ne peut qu'utiliser la parole et les mots pour vomir de fausses promesses (que ne tient jamais Jacob notamment dans l'épisode 9 saison 6 où il dit à Richard qu'il ne peut ni faire revenir sa femme ni le confesser. Ce qui pose d'emblée une chose : la série n'est pas du tout catholique. Elle est tout à la fois (bouddhiste, juive, chrétienne, musulmane, athée etc...). Dans l'église finale, on peu y voir plusieurs symboles d'autres religions. Le point central autour duquel gravitaient tous les personnages était donc tout autre chose que Jacob et son frère. L'île déjà, mais surtout le clap de fin lumineux. Le grand mystère.
Voilà ce que je tire de cette série à ma seconde vision. A la fois une œuvre chorale où le plus important ce sont les personnages, leurs vies, leurs passés, et leurs quêtes de rédemptions, mais aussi une série qui mélange les genres pour livrer une expérience mystique et spirituelle dont même si plusieurs énigmes sont bien résolues, d'autres le sont moins et c'est là tout le "sel" du domaine de la Foi peu importe ce qu'il y a derrière (les personnages finiront par avoir foi en eux-mêmes et dans ceux les entourent avant tout. Foi dans leurs principes, dans leurs rôles, et pas celui qu'on leur donne au départ, mais celui qu'ils désirent vraiment, qu'ils acceptent sans être ni forcés ni influencés). Une série sur la confiance aussi.
De toute façon, la seule vraie réponse de Lost -dans sa globalité- et ses mystères ne peut se trouver qu' au delà de la lumière dans laquelle disparaissent les personnages et, donc, par extension, en nous-mêmes. Comme n'importe quel texte religieux que l'on referme en ayant l'impression d'avoir ingurgité le Savoir du Monde et que malgré tout, on ne sait toujours rien , que l'on va devoir digérer l'ensemble, le manipuler dans tous les sens, le torturer puis l'interpréter -ou non, en tirer des enseignements -ou non, les mettre en œuvre -ou non. Pour passer à autre chose ensuite.