Un mondeFilm de Laura Wandel · 1 h 13 min · 2022 — 4/10
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Nora à la rentrée, Nora à la cantine, Nora à la piscine, Nora dans le bac à sable, Nora au portail, Nora fait des maths, Nora apprend à lire, Nora montre les crocs, Nora est perdue, et c'est bien normal... personne ne lui dit plus quoi faireCar si la jeune Maya Vanderbeque propose une partition plutôt solide du haut de son jeune âge (c'est rare, les enfants, généralement, jouent très mal, et c'est bien normal...), elle est malheureusement bien seule à se débattre... j'irai même jusqu'à dire que plus le film avance et plus elle est abandonnée par une réalisatrice qui compte un peu trop sur la capacité de sa jeune actrice à émouvoir et peine à articuler un propos dont elle s'épuise à la surface sans parvenir à en extraire le coeur.
J'ai par exemple été surpris de constater qu'autour de la jeune actrice les adultes étaient très peu impliqués. Hormis peut-être sa professeure principale, qui tempère les choses à l'occasion, le corps enseignant est représenté comme essentiellement absent, puisque toutes les personnes autres que Nora n'existent tout simplement pas à l'image, et le rendent d'ailleurs bien à la réalisatrice.
Puisque cette dernière ne filmait que le visage perdu / en larmes / en détresse / en colère / apaisé de son actrice, à grands coups de focales grande ouverture, de manière à ne contextualiser les décors et l'arrière-plan qu'au moyen d'un bokeh changeant, ils ont préféré rendre les armes très tôt : à quoi bon.
C'est bien dommage parce que la note d'intention du film est particulièrement louable. Le harcèlement scolaire est une saloperie en cela qu'il est l'illustration des parts sombres de l'être humain, peu importe son âge.
Mais je trouve l'exploitation du sujet ici à la fois un peu confuse parce que d'autres sujets, que l'on devine mus par une intention vive de bien faire, viennent la parasiter — quid du questionnement sur le rôle de père au foyer par exemple — et surtout incomplète : en ne filmant qu'une fillette perdue et, par intermittence, son frère perdu lui aussi, deux personnages auxquels elle fait porter tout le poids du monde pour illustrer très mécaniquement, à l'aide de petites saynètes plus ou moins inspirées, l'ensemble de ce qu'elle a sans doute répertorié comme faits divers scolaires révoltants, on en revient à presque remettre en cause ce que l'on voit.
A savoir que l'on peut facilement se sentir transporté de force par l'image vers une émotion finale — belle et bien là je le concède— qui finit par paraître factice.
Je m'en suis personnellement voulu de porter ce sentiment à ce moment-là et ai fini la séance un peu circonspect en me posant cette triste question : n'ai-je donc décidément pas de coeur :'(