Everything everywhere all at once de Daniel Scheinert & Daniel Kwan
(2022)
(2022)
Seconde vision, et y’a pas à dire : c’est toujours aussi bon. Je pourrais écrire longtemps sur ce film qui m’inspire pas mal, mais j’ai en ai déjà tellement parlé ici et ailleurs que je vais essayer de synthétiser ma pensée autant que possible. Déjà, je ne peux qu’être heureux de constater à quel point le film semble trouver son public, alors que pourtant rien sur le papier ne le destinait à ça. J’ai lu parfois certains dire que le film ne fait que suivre une mode actuelle, celle du multivers, alors que j’ai l’impression que le fait que le film sorte entre un Spider-Man et un Doctor Strange soit plus un hasard de calendrier. En l’état, le film est surtout plus l’équivalent live action d’un Spider-Verse qui était déjà l’un de mes films préférés de la décennie précédente, pour le reste, on est vraiment en face d’un film assez hors-normes, le genre dont la proposition est tellement originale (dans le contexte actuel, je vois déjà ceux qui vont venir dire que le film n’invente rien alors qu’au fond, on s’en fout) qu’elle mérite d’être célébrée à une époque où tous les films qui marchent se ressemblent les uns les autres.
Entre le casting asiatique, où la seule star ne porte plus vraiment de projets sur son simple nom, son concept amené à l’extrême, ses nombreuses ruptures de ton, sa volonté de toucher à plusieurs genres en même temps, ses inspirations (on parle beaucoup de Stephen Chow, mais c’est l’évidence même que le film est ce qui se rapproche le plus d’un équivalent américain de Kung Fu Hustle) et son inventivité de chaque instant, Everything everywhere all at once n’a pas vraiment les atours d’un film des années 2020. C’est ce qui va clairement faire sa force, et ce jusque dans les choix narratifs des Daniels. A l’heure où les films d’action se veulent avec des enjeux toujours de plus en plus grandiloquents, cela fait plaisir de voir un récit qui va prendre quelque chose d’énorme (le mutlivers donc) pour parler de quelque chose d’intimiste. Plus qu’une histoire de sauvetage du monde, c’est surtout un récit sur l’unité familiale, chose que les Daniels annonce d’entrée dès le début de leur film (la famille réunie dans un reflet de miroir est littéralement le plan qui ouvre le métrage), sur l’importance des choix faits dans la vie, sur une sorte de résignation face à notre destin, bref on y parle en quelque sorte de la vie de n’importe quel nobody, et là encore je trouve ça fort à une heure où le cinéma commercial ne jure quasiment que par des personnages dont ce sont les pouvoirs qui les rendent héroïques, et non pas leur choix face à leur normalité.
Bref, tout un concept ultra dense de multivers (Doctor Strange par Raimi peut aller se rhabiller, ici ça exploite pleinement les délires possibles jusque dans l'absurde le plus total) pour parler d’une femme paumée qui doit se reconnecter avec sa fille, c’est plutôt osé, et si on ajoute à ça un message final à la simplicité telle qu’elle dénote particulièrement dans notre société aussi cynique, le film a vraiment tout pour me séduire sur ce point. Surtout qu’à ça se rajoute plusieurs possibles niveaux de lecture, notamment un que je trouve très approprié puisqu’il concerne le choix de Michelle Yeoh en lead du film : si les Daniels voulaient cette actrice en priorité, ça me paraît évident qu’ils ont écrit le script spécialement pour elle. Concrètement, le film explore ce qui pourrait être une version ratée de la vie de Yeoh, et qui va être mise en parallèle avec non seulement d’autres versions possibles, mais aussi et surtout un arc qui est justement celui de la véritable carrière de l’actrice, le film allant jusqu’à utiliser de véritables images d’archive pour brouiller les pistes. Ça ajoute un côté méta à un projet qui se prête parfaitement à ça, et surtout je trouve que ça apporte une puissance émotionnelle d’autant plus forte qu’on a vraiment l’impression de voir Michelle Yeoh jouer son propre rôle, ainsi que ses variantes.
Une émotion que va venir se mélanger à plein d’autres aspects que le film réussit assez brillamment : une densité narrative peu commune (le montage est, à ce titre, assez dingue tant il permet de faire coexister autant de storylines sans jamais mettre son public totalement à la ramasse, d’ailleurs l’utilisation des différents formats pour faciliter la compréhension d’un univers à un autre c’est assez mortel comme idée), un humour loin d’être un gadget puisqu’il participe activement à l’action (et communique avec le spectateur : sur les deux séances que j’ai eu, le public rigolait avec les cartons HAHAHAH de la scène des cailloux, comme s’ils lisaient à voix haute ce qu’il y avait à l’écran), mais aussi une efficacité formelle assez dingue. Sur ce point, je trouve le film difficilement attaquable : c’est généreux à souhait, inventif en diable, quasiment chaque séquence est une occasion pour les Daniels de se demander quelle serait la façon la plus originale de la mettre en scène (ça va jusqu’à même recréer le style Wong Kar-Wai sur certains passages, et le pire c’est que ça fait complètement sens !), et du coup on se retrouve avec une réalisation qui est à l’image du récit qu’elle illustre, bourrée de petits plans très malins et d’idées folles.
Globalement, le seul reproche que je pourrais faire au film serait sa durée un poil trop longue, mais pour le coup je préfère largement voir le verre à moitié plein, et me dire que c’est aussi la conséquence de la générosité du métrage, de la même manière que je pardonne ce défaut chez un réalisateur comme Peter Jackson. Et puis quel plaisir de voir Michelle Yeoh dans un film pareil à son âge, l’actrice délivre une excellente prestation pour un film qu’on pourrait qualifier de somme de sa carrière, l’actrice qui joue sa gamine est une jolie révélation, Jamie Lee Curtis est mémorable, et puis comment ça tue de revoir Demi-Lune dans un rôle aussi important, le mec est vraiment bon en plus. Pour le coup, y’a pas à chier : c’est un film qui mérite largement son succès, et le simple fait qu’il existe prouve qu’on est certainement pas dans le pire univers possible.
Entre le casting asiatique, où la seule star ne porte plus vraiment de projets sur son simple nom, son concept amené à l’extrême, ses nombreuses ruptures de ton, sa volonté de toucher à plusieurs genres en même temps, ses inspirations (on parle beaucoup de Stephen Chow, mais c’est l’évidence même que le film est ce qui se rapproche le plus d’un équivalent américain de Kung Fu Hustle) et son inventivité de chaque instant, Everything everywhere all at once n’a pas vraiment les atours d’un film des années 2020. C’est ce qui va clairement faire sa force, et ce jusque dans les choix narratifs des Daniels. A l’heure où les films d’action se veulent avec des enjeux toujours de plus en plus grandiloquents, cela fait plaisir de voir un récit qui va prendre quelque chose d’énorme (le mutlivers donc) pour parler de quelque chose d’intimiste. Plus qu’une histoire de sauvetage du monde, c’est surtout un récit sur l’unité familiale, chose que les Daniels annonce d’entrée dès le début de leur film (la famille réunie dans un reflet de miroir est littéralement le plan qui ouvre le métrage), sur l’importance des choix faits dans la vie, sur une sorte de résignation face à notre destin, bref on y parle en quelque sorte de la vie de n’importe quel nobody, et là encore je trouve ça fort à une heure où le cinéma commercial ne jure quasiment que par des personnages dont ce sont les pouvoirs qui les rendent héroïques, et non pas leur choix face à leur normalité.
Bref, tout un concept ultra dense de multivers (Doctor Strange par Raimi peut aller se rhabiller, ici ça exploite pleinement les délires possibles jusque dans l'absurde le plus total) pour parler d’une femme paumée qui doit se reconnecter avec sa fille, c’est plutôt osé, et si on ajoute à ça un message final à la simplicité telle qu’elle dénote particulièrement dans notre société aussi cynique, le film a vraiment tout pour me séduire sur ce point. Surtout qu’à ça se rajoute plusieurs possibles niveaux de lecture, notamment un que je trouve très approprié puisqu’il concerne le choix de Michelle Yeoh en lead du film : si les Daniels voulaient cette actrice en priorité, ça me paraît évident qu’ils ont écrit le script spécialement pour elle. Concrètement, le film explore ce qui pourrait être une version ratée de la vie de Yeoh, et qui va être mise en parallèle avec non seulement d’autres versions possibles, mais aussi et surtout un arc qui est justement celui de la véritable carrière de l’actrice, le film allant jusqu’à utiliser de véritables images d’archive pour brouiller les pistes. Ça ajoute un côté méta à un projet qui se prête parfaitement à ça, et surtout je trouve que ça apporte une puissance émotionnelle d’autant plus forte qu’on a vraiment l’impression de voir Michelle Yeoh jouer son propre rôle, ainsi que ses variantes.
Une émotion que va venir se mélanger à plein d’autres aspects que le film réussit assez brillamment : une densité narrative peu commune (le montage est, à ce titre, assez dingue tant il permet de faire coexister autant de storylines sans jamais mettre son public totalement à la ramasse, d’ailleurs l’utilisation des différents formats pour faciliter la compréhension d’un univers à un autre c’est assez mortel comme idée), un humour loin d’être un gadget puisqu’il participe activement à l’action (et communique avec le spectateur : sur les deux séances que j’ai eu, le public rigolait avec les cartons HAHAHAH de la scène des cailloux, comme s’ils lisaient à voix haute ce qu’il y avait à l’écran), mais aussi une efficacité formelle assez dingue. Sur ce point, je trouve le film difficilement attaquable : c’est généreux à souhait, inventif en diable, quasiment chaque séquence est une occasion pour les Daniels de se demander quelle serait la façon la plus originale de la mettre en scène (ça va jusqu’à même recréer le style Wong Kar-Wai sur certains passages, et le pire c’est que ça fait complètement sens !), et du coup on se retrouve avec une réalisation qui est à l’image du récit qu’elle illustre, bourrée de petits plans très malins et d’idées folles.
Globalement, le seul reproche que je pourrais faire au film serait sa durée un poil trop longue, mais pour le coup je préfère largement voir le verre à moitié plein, et me dire que c’est aussi la conséquence de la générosité du métrage, de la même manière que je pardonne ce défaut chez un réalisateur comme Peter Jackson. Et puis quel plaisir de voir Michelle Yeoh dans un film pareil à son âge, l’actrice délivre une excellente prestation pour un film qu’on pourrait qualifier de somme de sa carrière, l’actrice qui joue sa gamine est une jolie révélation, Jamie Lee Curtis est mémorable, et puis comment ça tue de revoir Demi-Lune dans un rôle aussi important, le mec est vraiment bon en plus. Pour le coup, y’a pas à chier : c’est un film qui mérite largement son succès, et le simple fait qu’il existe prouve qu’on est certainement pas dans le pire univers possible.
8,5/10