[Mark Chopper] Une décennie sur BKR (2012-2022)

[osorojo]

Si c'est sa Twingo sans roue, le gage...

J'avais remis des roues
Mais elle a mal fini la pauvre

[Mark Chopper]

Wangan dōro / Yōichi Higashi (1984)

De la fin des années 1970 à la fin des années 1980, Yōichi Higashi aura consacré l'essentiel de son œuvre cinématographique à mettre en scène des personnages de jeunes femmes indépendantes (ou, du moins, de femmes qui gagnent peu à peu leur indépendance). De quoi trancher avec la production nippone de l'époque qui, à quelques exceptions près (notamment Hideo Gosha), affichait encore et toujours un patriarcat dominant. Higashi, ancien documentariste, évite les artifices narratifs (pas de trauma ou de conflit surfait ici) et suit ses héroïnes dans leur quotidien sans les juger... C'est le cas du personnage principal de Wangan dōro, interprété par Kanako Higuchi (actrice qui me rend toujours faible). Cette jeune femme a, semble-t-il, tout pour être heureuse dans un Japon en pleine expansion (les débuts de la fameuse bulle économique) : un conjoint qui lui laisse toute liberté et un travail où elle est appréciée (son patron, amoureux d'elle, lui laisse lui aussi toute liberté). Mais, de toute évidence, sa frénésie de consommation (qui la pousse à collectionner les cartes de crédit dans un premier temps puis, par la suite, à accepter des rendez-vous tarifés) cache un réel manque qu'elle finira par combler en s'affranchissant de toute attache. Au-delà du message qui peut parler en pleine crise de la quarantaine (l'épanouissement passe par la liberté absolue, et non par la vie de couple ou professionnelle), ce film sorti directement en vidéo au Japon vaut surtout pour son ambiance évanescente et sa magnifique interprète principale (et je pourrais en dire autant d'autres films de Higashi, notamment Four Seasons: Natsuko).

Note : 7,5/10

[Alegas]

Vera Cruz / Robert Aldrich (1954)

Mon problème avec le western, c'est que j'ai découvert le genre à l'adolescence avec Sergio Leone. Puis avec Clint Eastwood et Sam Peckinpah... Dès lors, malgré ma curiosité de cinéphile et tous mes efforts, j'ai toujours du mal avec ce qui a précédé. Je réalise bien que Vera Cruz, loin du western à la papa, préfigure l'orientation leonesque du genre : ici, même les bons sont un peu pourris sur les bords et les brutes / truands tueraient père, mère et meilleur ami pour de l'or... Mais je ne parviens pas à être enthousiasmé comme d'autres par cette histoire d'anciens soldats américains qui, la guerre de Sécession achevée, se vendent au plus offrant en pleine guerre civile mexicaine comme de vulgaires mercenaires. La force tranquille de Gary Cooper m'inspire un ennui poli et le surjeu dentaire de Burt Lancaster le fait paraître un brin ridicule par moments... Reste que Robert Aldrich emballe plutôt bien sa came (je pense notamment à un plan panoramique qui suit le regard de Lancaster, alors encerclé par des révolutionnaires) et que des sursauts de violence m'ont plusieurs fois sorti de ma torpeur. Je vois bien les qualités de Vera Cruz en le replaçant dans son contexte mais, une fois encore, le cinéphile que je suis, biberonné (ou presque) par le trio Leone / Eastwood / Peckinpah, peine à y voir le grand film que tant d'autres apprécient. My loss, really.

Note : 6,5/10

[Alegas]

Je me retrouve totalement dans ta description de découverte cinéphilique du western : à avoir découvert le genre par son plus beau représentant (Il était une fois dans l'Ouest) je n'ai jamais retrouvé ce niveau de perfection sur l'ensemble d'un autre film.
Ceci dit, plus le temps passe, et plus je commence à avoir une certaine affinité avec le western américain classique à travers quelques titres : La chevauchée fantastique, Du sang dans le désert, L'homme de la plaine, Le dernier train de Gun Hill, Le train sifflera trois fois, etc... Mais c'est souvent parce qu'ils ont un truc original à proposer, que ce soit narrativement ou thématiquement.

En western avec Lancaster, si jamais tu ne l'as pas déjà vu, je te conseille Les Professionnels.

[Mark Chopper]

Edo Porn / Kaneto Shindō (1981)

Coup de chapeau au gars qui a décidé de retitrer ce film Edo Porn pour son exploitation internationale alors que son titre original est Hokusai Manga... Si on ajoute à ce coup marketing machiavélique une vision de Kanako Higuchi dénudée sur l'affiche, on peut dire que le bougre sait vendre sa came frelatée. Dans les faits, rien de pornographique ici, mais un biopic chiantissime du peintre Hokusai par le réalisateur de L'Île nue (là, j'aurais dû me méfier)... Le film, cheap au possible, se déroule 90 % du temps dans la même pièce avec des acteurs qui surjouent tous horriblement (le problème vient sans doute de la direction d'acteurs, car le casting sur le papier n'est pas dégueulasse avec notamment Ken Ogata dans le rôle de Hokusai). Scènes qui manquent de liant, caméra statique, photographie le plus souvent terne, maquillages de vieillissement les plus pourris de l'histoire du cinéma et facteur chiant très très élevé... Edo Porn a tout de la torture filmique. Seul intérêt de cette expérience : le fait que Kanako Higuchi, ici dans un double rôle, soit dénudée dans la plupart de ses scènes. Mention spéciale à celle où Hokusai peint son fameux Rêve de la femme du pêcheur : voir l'actrice faire semblant d'avoir un rapport sexuel avec un poulpe en plastique sans doute acheté 100 yen par un pauvre accessoiriste m'a tour à tour excité (quand on voyait uniquement l'actrice), consterné (quand on voyait le poulpe se déplacer lamentablement) et donné envie d'arrêter le cinéma (mais pourquoi s'infliger pareille expérience ?). Bref : sans Kanako Higuchi en tenue d'Ève, c'était la bulle assurée.

Note : 1/10

[pabelbaba]

Et Oso qui trouve qu'on ne tente plus rien sur le fofo.

[Jed_Trigado]

T'as creusé le fond de la poubelle.

[Mark Chopper]

C'est le genre de film qui donne envie de limiter les prises de risque après.

[osorojo]

Et Oso qui trouve qu'on ne tente plus rien sur le fofo.

Bah j'peux dire ce que je veux, personne me prend au sérieux de toute manière.

@Mark : bravo pour la découverte Pour le Aldrich, en revanche, la carte du cinéphile trop formé, euh NOP

[Mark Chopper]

Pour le Aldrich, en revanche, la carte du cinéphile trop formé, euh NOP

Je n'ai pas ce problème avec d'autres genres, mais pour le western...

[osorojo]

Après c'est compliqué, je pense, d'associer le western à Leone tant ses films sont plus que ça.

Peut-être que tu n'aimes pas spécialement le western plus classique, et qu'il te faut un truc en plus (la violence radicale de Peckinpah, le monde d'enculé et l'humour noir d'Eastwood, ou le spaghetti de Leone).

Est-ce que tu aimes des westerns plus traditionnels ?

[Mark Chopper]

Est-ce que tu aimes des westerns plus traditionnels ?

Quelques uns, oui. Mais je ne peux non plus dire que j'adore ça.

[Mark Chopper]

Mermaid Legend / Toshiharu Ikeda (1984)

Un film tourné par Toshiharu Ikeda entre sa période roman porno pour la Nikkatsu (notamment le très beau Angel Guts : Red Porno) et Evil Dead Trap (assurément son film le plus connu en Occident)... Mermaid Legend débute comme un drame : un pêcheur opposé à l'implantation d'une centrale nucléaire dans une petite ville côtière se fait assassiner et son épouse se retrouve accusée de meurtre. Cette dernière s'échappe, se cache dans une maison close et sombre peu à peu dans une folie vengeresse et meurtrière... Le film prend son temps au début et s'oriente lentement mais sûrement vers le cinéma d'exploitation (avec scènes de sexe et de viol à la clé). Il bascule finalement, pour ses quarante dernières minutes, vers le revenge movie sanglant. Très sanglant même... Spoiler : l'héroïne va s'en prendre non seulement aux coupables du meurtre, mais également à tous les hommes qu'elle finira par croiser. J'en ai vu du sang gicler dans les films japonais mais là, c'est à faire passer les blessures infligées par les héros de Baby Cart et Lady Snowblood pour de toutes petites égratignures. Le film d'Ikeda, malgré son millésime 1980's, porte bel et bien la griffe du cinéma japonais enragé des années 1970. En résumé : un drame, un portrait de femme et une bisserie bien sanglante. Bref, un film qui ne mérite pas son anonymat en Occident.

Note : 7/10

[Mark Chopper]

Running with the Devil / Jason Cabell (2019)

Une petite surprise dans l'océan de bousasses tournées à la chaîne par Nicolas Cage au cours de la décennie passée pour rembourser ses dettes. Contrairement à ce que l'affiche essaie de nous vendre, il ne s'agit pas d'un film d'action dont il tiendrait la vedette avec Morpheus, mais d'un film choral sur le trafic de drogue. Ici Cage, officiellement cuistot et officieusement trafiquant de cocaïne, se voit confier un sale boulot par son patron : remonter toute la filière de leur trafic, de sa production en Colombie jusqu'à son arrivée au Canada, et découvrir qui vole le cartel et coupe sa dope avec de l'eau de chiotte. Ce qui donne au film un aspect documentaire assez passionnant, mais aussi un côté choral : nul rôle principal ici, mais de nombreux personnages anonymes réduits à leurs fonctions (on les appelle le fermier, le patron, le bourreau, le cuisinier...). Problème : les acteurs, faute de substance sur le papier, se reposent sur leur charisme pour exister. Et le charisme, ça fonctionne quand on s'appelle Nicolas Cage, Barry Pepper ou Cole Hauser... Mais moins, nettement moins, quand on se nomme Leslie Bibb ou qu'on enfle à vue d'œil comme Laurence Fishburne (théorie : plus il grossit, moins il est bon). Ceci dit le film, quatre-vingt-dix minutes durant, reste prenant avec de nombreux sursauts de violence et ménage même son lot de scènes inattendues. Du coup, ça fait bien le job pour une soirée.

Note : 5,5/10

[Val]

Un avis sur le bouquin de Victor Jestin ? J'ai lu son second qui sort à la rentrée et je l'ai beaucoup aimé.