Dans le genre film à la grosse réputation, ça se pose là : un film fleuve de 3H40 qui est la pièce maîtresse d’un réalisateur souvent oublié de la Nouvelle Vague française, Grand Prix du Jury lors de son passage à Cannes, à la fois adoré et rejeté par le public de l’époque, puis quasiment invisible depuis presque quarante ans à cause d’une histoire de droits. Pour le coup, j’avoue que je ne m’attendais pas à un miracle, mais j’étais quand même curieux de voir enfin ce film souvent cité (Gaspar Noé, par exemple, en parle régulièrement), et ce même si j’appréhendais énormément la longue durée du métrage. Manque de bol, ça va être mon principal grief envers le film : ça dure aussi longtemps qu’un
Irishman ou que
Heaven’s Gate, mais ça ne justifie JAMAIS sa longueur. 3H40 sur un mec qui vit mal une rupture et qui aime du coup deux femmes à la fois, c’est juste complètement abusé (d'autant que le postulat n'évolue pas ensuite, c'est vraiment ça du début jusqu'à la fin), et sans exagérer je suis certain qu’en coupant de façon généreuse il y a moyen d’avoir le même récit qui tient la route sur 1H30.
Car finalement, la majorité du film va se jouer sur des longues plages de dialogues, voire de monologues. Eustache semble être un amoureux des mots, peut-être même jusqu’à l’abus, et ça donne du coup un film où ça ne fait que parler, disgresser sur l'amour, la futilité de l'existence, les choses de la vie, ça n’arrête jamais, et je mentirais si je disais que les scènes ne se répètent jamais. Le film aura réussi à me faire entrer dans une sorte de transe, j’aurais vraiment du mal à décrire l’état de résignation dans lequel j’étais mais du coup je pense désormais savoir ce que ressent le héros de
Orange Mécanique lorsqu’il est forcé de regarder des images répétitives sur un écran. Les deux dernières heures notamment auront été de longs moments d’attente pour qu’il se passe enfin quelque chose, mais en vain
. Petite anecdote : sur la seconde heure de film, le personnage principal dit "vous me le dites si je vous ennuie à mourir ?" et j'ai difficilement contrôlé un fou rire nerveux, j'étais pas loin de crier "OUI" et de me casser de la salle.
Mais la cerise sur le gâteau, c’est vraiment la présence de Jean-Pierre Léaud en personnage principal. Pas besoin de le présenter, quiconque a vu un film avec ce mec sait de quoi il en retourne, et là du coup il faut imaginer un film d’une durée absolument pas raisonnable, où Léaud a la majorité des dialogues du film qu’il récite de la façon la moindre naturelle possible. Heureusement, les deux actrices qu’il a en face de lui sont nettement plus convaincantes, mais ça ne suffit pas pour faire oublier la torture made in Nouvelle Vague qui est d’entendre quoi que ce soit sortir de la bouche de ce héros/acteur insupportable
. Puis bon, même formellement le film n’a pas grand chose à sauver, c’est plan-plan au possible avec des champs contre-champs ou des longs plans fixes, parfois y’a des trucs de fous genre un regard caméra, c’est dire à quel point la mise en scène de ce film excite les sens
. Ceci dit, je ne suis pas complètement mécontent de l’avoir découvert, car oui j’ai passé une des séances les moins agréables de ma vie, mais désormais je pense que je relativiserais sur n’importe quel film long et bavard, et puis je sais désormais quel film proposer pour quelqu’un qui a perdu un pari (genre Logan la prochaine fois qu’il fera une estimation au box-office
).