Le Crabe-Tambour de Pierre Schoendoerffer - 1977
Il s'agit d'un film qui m'avait profondément marqué. Depuis lors, j'ai vu d'autres œuvres du réalisateur, lu ce qu'il a fait avec Kessel ou autre et l'envie de le revoir est devenue toujours plus pressante avec le temps. Voilà, c'est fait.
Ben j'ai pas été déçu!
A travers les dialogues entre deux officiers de marine, on nous raconte la vie d'un troisième. Ca n'a pas l'air foufou comme ça, cependant en nous brossant le portrait d'un personnage un peu surnaturel, Schoendoerffer parle autant de ses trois personnages, que de la France sur la période concernée (fin de la WWII à la chute de Saïgon en 1975) et de l'état de son armée. Dans le fond, c'est passionnant, tout y passe, de la décadence d'un empire, à la fraternité à l'épreuve des engagements, à l'obéissance, à l'amitié... le tout à la moulinette des tragédies qui ont parsemé ces années (Indochine et Algérie). Ces conversations ont deux atouts majeurs. En premier lieu, ce ne sont pas de simples quidams qui devisent, mais des officiers, avec un rapport de hiérarchie, qui oblige à une grande retenue. C'est con, mais ça donne une force supplémentaire au propos. Mais surtout, on parle de Claude Rich et Jean Rochefort, au taquet de ce qu'ils savent faire et... c'est beau. Autant Rochefort, qui joue la gêne et l'autorité à la perfection, que Claude Rich, moins pince sans rire qu'à l’accoutumée et plus empathique.
Autour de cela, Schoendoerffer a décidé de présenter ses héros sans une once d'héroïsme, au milieu d'une mission ingrate dans le froid, où il filmera de façon quasi documentaire le quotidien de la Marine Française quand le temps des combats est terminé. Pourtant c'est à peine moins difficile, avec son lot de drames et des conditions extrêmes. Cela souligne parfaitement les échanges des personnages principaux et l'état général à ce moment, entre la défaite au Vietnam et le choc pétrolier avec son corollaire, le chômage de masse, qui devraient inciter à la tristesse et la nostalgie.
Pourtant ce n'est pas complètement le cas et quelques détails viennent apporter un peu d'optimisme, comme les délires étonnant de Dufilho, le regard d'Aurore Clément ou simplement le rire et le ton général de Perrin, qui ne perd jamais le cap. Au final, on trouve même une certaine poésie étrange dans les longs plans fixes sur cette mer étonnante en plein grand froid. Ce n'est pas la présence de
Kashmir de Led Zeppelin qui va atténuer ces impressions d'ailleurs.
Du coup, on ne ressent pas vraiment de nostalgie, ni même de mélancolie, mais plutôt un sentiment étonnant et quasi-lénifiant comme je n'avais jamais ressenti auparavant. Et c'est aussi surprenant qu'agréable.
10/10