Domino de Tony Scott
(2005)
Des films de Tony Scott que j’ai vu, sachant qu’il ne m’en reste qu’une poignée à découvrir, c’est clairement celui que j’aime le moins, et pourtant c’était pas faute d’être prévenu du contenu. Après le succès de Man on Fire, Tony Scott en profite pour réaliser un projet qu’il porte à bouts de bras depuis les années 90, à savoir l’adaptation cinématographique de la vie de Domino Harvey, jeune mannequin à la famille aisée qui finira par devenir une chasseuse de primes. Un sujet délicat à mettre en place à Hollywood donc, d’autant que Scott a bien l’intention de le traiter de façon frontale, sans concessions, et c’est ainsi qu’il va se retrouver avec une dream team pour l’accompagner : Hadida à la prod, en bon habitué des projets casse-gueule, et Richard Kelly au script, lui qui est alors en état de grâce après son premier film Donnie Darko.
Malheureusement, des grands noms ne suffisent pas à faire un grand film, et Domino en est une bonne démonstration tant c’est, à mon sens, le film du too-much pour Tony Scott, autant sur le plan formel que sur ce que ça raconte et comment ça le fait. Globalement, j’ai trouvé qu’il n’y avait pas grand chose qui fonctionnait dans ce film, et souvent parce que le métrage cherche justement à aller à l’opposé du conventionnel. C’est particulièrement flagrant du côté du script où Kelly se retrouve avec une histoire assez basique en l’état, mais qu’il complexifie autant que possible pour faire croire que c’est bien plus dense que ça ne l’est. A l’arrivée, on se tape des idées inutiles (l’intro dans la caravane, pour raconter ensuite comment Domino en est arrivé là, ça ne sert strictement à rien et ça fait plus effet de petit malin qu’autre chose), et une histoire bien pénible à suivre alors qu’à côté de ça les personnages restent des fonctions grossièrement écrites (c’est particulièrement flagrant sur les protagonistes joués par Rourke et Ramirez, qui n’ont pas grand chose à défendre). Pire encore, pour rendre les personnages un minimum mémorable, le film se sent obligé de pousser les curseurs du vulgaire et de l’excentricité au maximum, et ça donne un film qui donne constamment l’impression de te dire “t’as vu comment je suis intéressant ? Je suis complètement à contre-courant.” alors qu’en fait il est juste totalement dénué de la moindre subtilité et préfère faire dans la graveleux et le ridicule (sérieux cette scène de lap dance et la façon dont c’est amené, c’est peut-être la pire séquence de la carrière de Scott, en tout cas la plus gênante).
Faut dire aussi que le film n’est pas aidé côté casting : Keira Knightley, malgré le fait que j’aime l’actrice, est un miscast de choix, et comme dit plus haut le reste de la distribution n’a pas grand à défendre : Rourke et Ramirez sont là sans être là, Walken et Suvari ont des rôles trop bigger than life pour être pris au sérieux, et je parle même pas de Tom Waits qui vient faire coucou pour débiter son discours en mode drogué total. Puis vient la question de la forme, et là pour le coup je suis très partagé car le film est à la fois une expérimentation visuelle totale, avec le style de Tony Scott qui n’aura jamais été autant poussé, mais à côté de ça il est clair que ça n’aide pas à rendre le film particulièrement agréable à regarder : on est constamment attaqué de toute part par des effets totalement gratuits (filtres, accélérations de montages, fondus, montage ultra cut et j’en passe) mais sans réelle réflexion derrière, et une BO sans aucune cohérence. Du coup, Domino est vraiment le film de la démesure pour Scott qui, heureusement, se calmera par la suite (Déjà vu est nettement meilleur). C’est aussi un film vraiment pénible sur la longueur malgré des qualités formelles intéressantes, à défaut d’être vraiment convaincantes. Aisément le moins bon film de son réalisateur en ce qui me concerne.
4/10