Les Enfants du paradis / Marcel Carné (1945) La crainte de se retrouver face à un film poussiéreux, interminable et soporifique peut tenir de longues années durant un cinéphile à distance de certains classiques à la réputation pourtant éprouvée... Tel était mon cas avec
Les Enfants du paradis, célèbre long-métrage signé par le duo Marcel Carné (à la réalisation) et Jacques Prévert (à l’écriture). Il faut dire qu’un film de trois heures, tourné pendant la Seconde Guerre mondiale, contant des amours dans le microcosme de la pantomime et du théâtre en pleine Monarchie de Juillet m’attire moins, sur le papier, qu’un film d’action des années 1980 ou un
pinku eiga avec de jolies japonaises dénudées (à chacun ses déviances)... Mais sa récente disponibilité sur Netflix m'a donné l'envie de tenter l'aventure et le fait est que le film mérite amplement sa réputation de chef-d'œuvre du réalisme poétique : une beauté formelle qui ressuscite un vieux Paris et fait regretter que le duo Carné/Prévert n’ait jamais adapté un roman-feuilleton de Balzac ou d'Eugène Sue, une excellente gestion du rythme (le film, de toute façon, est découpé en deux parties équilibrées, avec entracte, qui le rendent parfaitement digeste), des acteurs touchés par la grâce (Jean-Louis Barrault en mime romantique, Pierre Brasseur en comédien fantasque, Marcel Herrand en dandy du crime...), des scènes qui résonnent comme le plus bel hommage au théâtre jamais filmé, de l'humour, de la poésie, du romantisme...
Les Enfants du paradis, près de quatre-vingts ans après sa sortie, conserve son pouvoir de fascination. Une expérience à tenter, assurément.
Note : 9/10