L’histoire raconte les mésaventures d’un frère et d’une sœur (Yoshio et Mariko) vivant ensemble dans un taudis. L’homme, qui boite terriblement du fait d’une jambe droite amochée, voit son quotidien s’aggraver avec la perte de son emploi. Pour survivre, il décide de prostituer sa sœur. Ah ! Petite précision : ladite sœur est déficiente mentalement.
Avec un tel pitch, on l’aura compris, Siblings of the Cape (Shinzo Katayama – 2018) a peu de chances d’être la comédie de l’année. Sans être non plus atroce dans sa plongée dans un Japon sordide pas tellement « Cool Japan », le film fait grincer des dents. En fait, j’ai eu l’impression en le voyant d’assister à la représentation live d’un arc du manga Ushijima de Shôhei Manabe. Il y avait eu un drama et plusieurs films qui l’avaient adapté mais après, voilà, on sait ce que valent ces adaptations avec un ripolinage de rigueur qui gomme les aspérités un peu choquantes. Là, point de ripolinage. On se prend du glauque dans les grandes largeurs.
Par moments, le film m’a fait penser à Une Affaire de famille, de Kore-eda, mais en allant bien sûr plus loin dans le désespoir. Et puis, Katayama n’a pas à sa disposition un Lili Franky ou une Sakura Ando, acteurs éminemment sympathiques qui permettaient de contrebalancer le sinistre de leur condition. Yûya Matsura campe un frangin dépassé par sa situation et assez méprisable dans sa démarche de prostituer une sœur qui n’est pas armée pour refuser. Quant à la sœur qui voit les passes comme autant de jeux rigolos (auprès de gus dont on sent bien la misère sexuelle), pas évident là aussi de se sentir léger en la voyant.
Oui, on est vraiment dans du Ushijima. On regarde tout cela, mi-méprisant, mi-fasciné, nous demandant jusqu’où le couple va tomber, mais espérant aussi un peu de lumière. Dans le manga, c’est souvent à pile ou face, rien ne la garantit. Les fins des arcs peuvent être atroces comme miraculeusement lumineuses. Siblings est un film dur, c’est certain, mais ne jouant pas non plus la carte d’une complaisance crapoteuse de tous les instants – et c’est ce qui le rend finalement estimable – et ménageant surtout une scène finale, à la jonction de la terre, de la mer et du ciel, loin de l’univers cafardeux du Japon urbain, source de toute cette misère dans laquelle se noient d’autres Yoshio et Mariko, qui, sans aller jusqu’à dire qu’elle nous annonce que les deux personnages vont dorénavant marcher sur l’eau, nous donne quand même un peu d’espérance et, pour un tel film, c’est déjà pas mal.