Saison 3
« Can you smell that ? Hatred. There’s hatred in the air… »
Après une forme de statu quo amené par le choc des premières émeutes, la haine reprend doucement ses droits dans les cellules de Oz. De quoi la haine est-elle parente ? De la colère. Et où prend-elle sa source ? Dans la peur. La peur est une émotion. La haine est le résultat d’une émotion refoulée, comme le stress. Et que fait cette émotion refoulée, elle se propage dans l’esprit par le discours. A Oz, la haine est organisée. La peur de nouvelles émeutes a forcé les détenus à se retrancher derrière leurs appartenances, et il aura fallu d’un seul grain de sable pour tout faire s’effondrer. L’égo. Ça partait d’une bonne intention, pourtant. McManus, toujours lui, avait la belle idée d’exorciser les rancoeurs et la colère de ses détenus par le prisme du sport. Encore un joli programme idéaliste que Fontana va s’amuser à détruire par l’absurde. Le sport peut en effet être un vecteur de valeurs positives, et servir de défouloir en plus de permettre à ceux qui en ont besoin de retrouver une forme de contrôle dans leur vie sans projeter ses frustrations sur autrui. Mais le sport, dans le cadre d’une prison à haute sécurité, il sert à quoi ? Passer le temps, construire une armure corporelle pour pouvoir se défendre, en somme, il est un outil de survie comme les autres. La boxe, le noble art, aurait du servir de défouloir, mais reste un sport violent, propice aux paris et aux coups bas. Mettre un outil comme celui-là au services d’âmes pourries, c’était donner le bâton pour se faire battre. La compétition, qui est l’essence même du sport individuel, va faire ressurgir les fiertés, d’abord sociales, puis ethniques et raciales. Chacun va vouloir défendre non plus son poulain mais son identité, son appartenance, sa couleur de peau, et mettre l’autre au tapis, c’est avant tout imposer sa propre identité. Tout ça va faire bouillir les rancoeurs et blesser les égos. Parallèlement à la boxe, un autre programme va voir le jour. Un programme lancé par la psychologue/nonne visant à confronter la victime et son agresseur dans le cadre de séances thérapeutiques. Une nouvelle fois, l’idéal est beau : permettre à la victime de se faire entendre et au coupable de s’expliquer et de demander le pardon. Tout ça par les mots. Mais Fontana persiste et signe, les mots, à Oz, ne servent pas à guérir, ce sont des armes aussi mortelles qu’une lame de rasoir. La victime, qui est là soit parce qu’elle travaille là, soit parce qu’elle est forcée d’y être, sera toujours, en amont d’être la victime d’une agression, d’abord la victime du système. Le dialogue est impossible si le piège est déjà refermé sur vous. Que voulez-vous gagner à vous expliquer avec quelqu’un qui subit comme vous le système, et qui lui, n’a pas réussi à contenir ses frustrations et s’en ai pris à vous, qui subissez déjà etc etc. Fontana crucifie l’idéalisme pour mieux soulever les maux systémiques d’un système à bout de souffle. Le nerf de tout effort n’étant pas le souffle de la vision d’un monde meilleur, mais un budget suffisant pour mener plusieurs batailles sur le même front déjà bien rempli de cadavres. Même la santé devient caduque quand la politique publique décrète que soigner l’état mental d’un détenu ne sert à rien si son âme est pourrie. La sécurité des matons importe moins que l’image que peut refléter un gouverneur sur ses potentiels futurs votants. La puissance de son pouvoir presque divin sur la vie d’autrui amène une sorte d’aura soit purificatrice (la clémence d’un pardon) soit dominatrice (la conviction d’une exécution). On en oublie qu’entre les murs de Oz, les matons ne sont pas tous formés correctement, sont à moitié racistes, ou pauvres, ou mentalement fragiles. Mais surtout, ils sont en infériorité numérique. Suffit d’une étincelle, disons…le choc de deux silex : la haine d’un côté, et la folie de l’autre, pour créer un feu qui consumera tout le monde. L’étincelle vient d’Adebisi, qui après avoir volontairement donné le SIDA à un détenu pour affaiblir son gang, martyrise son propre clan pour insinuer son idéologie nihiliste. Tout est pourri, et tout ce qu’il reste, c’est la couleur de la peau. Noir contre blanc, gentils contre méchants, matons contre détenus, le combat est posé et perdu d’avance. Adebisi le sait, il veut simplement voir le monde brûler devant ses yeux. Tout est peine perdue, tout est illusion. La mixité raciale ? Un leurre. La rédemption ? Un mensonge. La probité ? Une imposture. Même l’amour et la passion ne sont qu’une façon de mieux appâter une proie pour mieux la dévorer. Tout est noir. Ou tout est blanc. Au choix. A moins que le choix, lui aussi, soit un mirage…Difficile de distinguer le vrai du faux, à Oz…
8/10