Comme souvent avec Schumacher, je ne savais pas trop sur quoi j’allais tomber, lui qui alterne régulièrement entre le chaud et le froid (enfin en vérité c’est plutôt entre le tiède et le froid
). Ici, c’est une bonne surprise, et ça se range facilement parmi ses meilleurs films, en grande partie grâce à l’originalité du projet qui n’a pas vraiment d’équivalent dans le paysage hollywoodien à mon sens. On va donc avoir une histoire dans la lignée de
Seven (Fincher était un temps envisagé sur le film), toutes proportions gardées, avec un privé qui va enquêter sur un univers underground gritty et malsain et qui va peu à peu perdre tout repère de moralité et de ce qui est bien ou mal. Pour un film à gros budget (40 millions tout de même, avec une star en tête d’affiche), c’est plutôt couillu, d’autant que ça questionne aussi les apparences trompeuses avec par exemple une grande fortune du pays qui va s’avérer impliqué dans la création d’un snuff movie, et à côté de ça un jeune vendeur dans un sex shop qu’on va prendre d’abord pour un pervers alors qu’il a finalement un regard très lucide sur sa vie et l’univers dans lequel il évolue.
Même si le film traite souvent à demi-mot tout ce qui touche à la sexualité, ça ose quand même prendre des directions étonnantes (le perso de Cage laisse entendre à un moment que plus il voit des choses hardcore, plus il commence à les trouver excitantes), et même du côté de l’intrigue le film a quelques surprises dans sa poche avec notamment un milieu de film où on boucle d’un coup la partie enquête pour partir vers autre chose. Alors clairement, c’est pas du niveau de
Seven, et je pourrais aisément pointer du doigt les défauts que le film possède, entre un traitement parfois un peu trop hésitant, des personnages over the top, ou des facilités scénaristiques, mais
8mm arrive tellement à contrebalancer ça avec des bonnes idées derrière, ou au moins de la bonne volonté, que ça ne me donne pas du tout envie de cracher sur le projet, bien au contraire : ça a beau être un film inégal par moments, c’est un film que j’ai plutôt envie de défendre.
Schumacher emballe plutôt bien l’ensemble, c’est jamais remarquable mais la descente dans l’univers underground ne sonne jamais faux et il y a plusieurs scènes dont l’ambiance est vraiment réussie (la découverte du film notamment). Côté casting, Cage est bon sans être exceptionnel, il en fait peut-être un peu trop dans le dernier acte mais c’est justifié par le script et la direction que prend le personnage, c’est pas de l’interprétation en roue libre. Joaquin Phoenix, malgré finalement peu de présence à l’écran, a l’un des personnages dont l’écriture est la plus pertinente, et sinon on a plein de seconds rôles sympathiques avec notamment Gandolfini, Stormare, Catherine Keener, et il y a même un jeune Norman Reedus dans un petit rôle. A défaut d’avoir un excellent film, on a tout de même quelque chose de recommandable pour peu qu’on adhère à l’univers et à son traitement. C’est un film qui ferait un très bon double programme avec le
Tesis d’Amenabar, et c’est le métrage que je préfère de son réalisateur jusqu’ici.