Comme en 2017, Scott souffle le chaud et le froid la même année : d’une part il arrive à livrer un film original pour l’industrie cinématographique actuelle, tout en violence et propos passionnant à analyser (
Alien Covenant/
The Last Duel), de l’autre il livre la reconstitution d’un fait divers intéressant sur le papier mais qui donne quelque chose de particulièrement anecdotique (
All the money in the world/
House of Gucci). Il y a vraiment l’impression de revoir un
All the money in the world bis, avec cette sensation d’un Ridley Scott en mode automatique, filmant sans conviction une histoire tirée en longueur, et qui se repose en grande partie sur son casting prestigieux.
Au fond, le récit de la famille Gucci, des problèmes en coulisses qui aboutiront sur la revente des parts de la société aux investisseurs, jusqu’au meurtre de l’un des membres, avait réellement un gros potentiel sur un film de cinéma. Manque de bol, Scott filme ça sans aucune réelle vision artistique, et pour le coup je rejoins complètement ce qu’a pu dire Philippe Rouyer du film il y a quelques jours : à se reposer sur ses multiples caméras filmant la même scène, pour choisir ses plans au montage, Scott révèle qu’il n’a absolument aucun angle pour attaquer son sujet, aucune idée de ce à quoi ressemblera le film terminé. Toute sa mise en scène est sacrifiée sur l’autel de la rapidité de tournage, et après 2H40 de métrage (c’est tout de même l’un des films les plus longs de la carrière du bonhomme) c’est quand même dingue de se rendre compte qu’il n’y a pas une scène qui ressort, pas une seule séquence inspirée en termes de réalisation pure.
Comme dit plus haut, Scott se repose entièrement sur son script et ses acteurs, mais même là il y a à redire. Côté scénario, c’est affolant de constater que le film a beau tirer en longueur, cela n’empêche pas des facilités vraiment gênantes en cours de récit. Un exemple parmi d’autres : il est question un moment de droits de succession pour obtenir les parts de la société Gucci. Des droits à hauteur de plusieurs millions, que les personnages semblent ne pas avoir vu leur réaction. Scène suivante : ellipse, les parts ont été obtenues, sans aucune justification de la part du script
. Un raccourci particulièrement gênant sur un film qui, pourtant, peut se permettre de prendre le temps de poser ses enjeux et personnages. Du côté du casting, il y a du bon et du mauvais : autant Lady Gaga et Al Pacino s’en sortent très bien, autant Jeremy Irons et Adam Driver sont bons sans être mémorables, mais alors il faudra m’expliquer ce que fout Jared Leto, qui donne l’impression de jouer Mario du début jusqu’à la fin
(et je n’exagère absolument pas, le mec semble sortir d’un autre film
). Idem pour Salma Hayek, je pige pas trop l’intérêt de caster l’actrice pour un personnage pareil
.
Si on ajoute à cela une photo peu inspirée (là aussi, conséquence d’un tournage que j’imagine trop rapide), un montage pas convaincant pour une telle fresque (même monteuse que All the money in the world, pas de surprise donc), et des placements de chansons souvent WTF, nous sommes vraiment loin de la réussite d’un film comme The Last Duel. Reste que
House of Gucci, à l’instar de
All the money in the world, ne me paraît pas honteux pour autant, ça se suit même avec un minimum d’intérêt et sans ennui : ce n’est ni un bon, ni un mauvais film, c’est juste un opus particulièrement anecdotique et mineur dans une longue filmographie.