Très belle surprise ce petit film qui, j’ai l’impression, est assez méconnu, alors que c’est facilement le meilleur film de Grangier à mes yeux, et je serais surpris qu’il ait un meilleur film que celui-là dans sa filmographie. Pour le coup, c’est vraiment un projet qui aurait pu être réalisé par Hitchcock, on y retrouve la même simplicité et la même intelligence dans l’écriture, avec un pitch tout bête qui va aboutir sur quelque chose de très psychologique, où les relations entre personnages et la subjectivité du spectateur sont mises à mal. On va donc suivre Ventura en livreur de journaux parisien, et qui va empêcher un suicidaire de se noyer dans la scène et le prendre sous son aile à contrecœur (et il va bien le faire savoir
). En souhaitant l’aider à reprendre pied dans la vie, il va finir par se retrouver dans une sombre histoire où il va sérieusement douter de la véracité de ce qu’on lui raconte, jusqu’à un point de non-retour que je ne détaillerais pas jusqu’ici, sous peine de gâcher l’intérêt du métrage.
C’est vraiment un film où le mieux, c’est d’en savoir le moins possible pour se retrouver dans la même situation que Ventura en tant que spectateur : l’agacement, l’attachement, puis le doute, la remise en question de ce que l’on prenait pour acquis. Sur ce point,
125 rue Montmartre est un joli exercice de style ludique, super bien foutu et qui ne place pas ses ambitions trop hautes. Le fait est que Grangier gère à merveille un récit de ce style, et même formellement ça lui permet d’emballer ça très bien, dissimulant les limites techniques du réalisateur pour sublimer une simplicité efficace. C’est un film que je rapprocherais assez facilement de
Un témoin dans la ville de Molinaro : outre le fait d’y trouver pour l’une des premières fois un Ventura en premier rôle (1959 aura vraiment été l’année charnière pour le comédien, entre ces deux là et
Marie-Octobre), on y trouve la même volonté de faire du cinéma simple mais qui fonctionne, avec en prime un supplément de noirceur bienvenue (pour le coup, à un certain moment de
125 rue Montmartre, on en vient à se demander si le personnage principal n’est pas tout simplement fou). Si on ajoute à cela les supers dialogues d’Audiard (qui se régale sur ce film, Ventura a plein de punchlines qui foutent le sourire aux lèvres) et un casting impeccable (Ventura évidemment
, mais aussi Robert Hirsch en mec bien pathétique et Jean Desailly en commissaire à qui on ne la fait pas), ça donne un super film, hautement recommandable, et sur lequel j’ai finalement très peu de réserves.