The Last Duel (Le dernier duel) de Ridley Scott
(2021)
On est assez loin de ce que j’attendais, moi qui espérais un véritable retour aux sources, avec un Scott qui pourrait boucler la boucle qu’il avait commencé avec The Duellists, mais au final le film n’a pas grand chose à voir avec son premier long (si ce n’est que ça parle d’un duel entre deux hommes, et que la majeure partie du métrage est tourné en Dordogne) et ce n’est peut-être pas plus mal au fond. Scott s’intéresse donc ici à une histoire particulièrement intéressante, celle du dernier duel judiciaire fait en France qui a vu s’affronter deux hommes pour définir la justice divine sur une histoire de viol d’une des compagnes, et même si le côté opportuniste du projet, en pleine période #MeToo, peut faire peur, c’est au final l’une des grandes qualités du métrage que de parler d’un sujet sensible à travers son antécédent des siècles auparavant. Pour raconter l’histoire, Scott, Affleck et Damon décident de partir sur une structure à la Rashomon, et même si le procédé s’avère justifié dans le temps et avec un véritable impact sur le propos, je trouve dommage que ça ne soit pas complètement exploité : les différences entre chaque versions de la vérité sont bien là (le personnage de Damon passe d’un mari attentionné et honorable à un mec pathétique agissant de façon égoïste) mais les séquences communes sont finalement assez similaires, et ça va se jouer du coup plus sur des détails visuels qu’autre chose (les regards, la façon dont la femme nlève ses chaussures sur une scène cruciale, etc…) là où j'attendais des visions très différentes sur les actes de chacun.
De plus, cette structure empêche longtemps le film de décoller, puisqu’on revoit trois fois plus ou moins la même chose, mais heureusement à partir du moment où le point de vue féminin est abordé il y a un vrai souffle tragique qui accompagne le récit, aboutissant sur une dernière demi-heure qui permet de finir sur le film sur note positive. Pas convaincu aussi par le choix de faire du point de vue de Marguerite la vérité absolue (cf le carton qui dure avec juste "The Truth" restant, dans le genre effet facile ça se pose là), ça aurait sûrement mérité plus d'ambiguïté aussi de ce côté là, pour le coup c’est un choix qui me paraît fait pour être consensuel avec notre époque (idem pour la toute fin avec le gamin et les cartons qui versent trop dans le happy-end alors que le plan à l’entrée de Paris résumait parfaitement le truc). Le film m’a pas mal surpris par son côté intimiste : il y a bien quelques scènes guerrières durant les deux premières heures mais ça ne dure jamais plus de deux ou trois minutes, et clairement tous les enjeux se jouent sur les discussions dans les pièces sombres d’un château, ou dans les relations entre personnages qui évoluent d’un récit à l’autre. Tout ça pour finir sur une dernière scène qui figure parmi les plus violentes de la carrière de Scott : le fameux duel du titre n’est clairement pas un pétard mouillé, rarement on aura autant ressenti le poids d’une armure de chevalier dans un film, et il y a une grosse tension pour peu qu'on ne connaisse pas l'issue du combat (c'était mon cas, autant dire que j'étais bien aggrippé à mon siège).
Scott emballe ça plutôt bien, même si j’aurais tendance à dire que sa mise en scène est un peu en mode automatique à l’exception du duel, c’est pas la claque visuelle que j’espérais même si ça fait toujours plaisir de voir la Dordogne utilisée dans un film d’époque (elle est nettement mieux mise en valeur dans The Duellists). Damon et Driver sont bons, mais c’est clairement Affleck et Jodie Comer qui volent le film : le premier aidé par un personnage de noble qui se complait dans la luxure, la seconde porte toute une partie du film sur ses épaules alors que je n’avais personnellement jamais entendue parler de cette actrice auparavant. Sans être le film majeur de Scott que j’espérais, ça reste quand même un bon retour au film d’époque de sa part, et ça laisse plutôt de bons espoirs pour son film sur Napoléon.
7/10