Comme
Spectre il y a six ans, la déception est de mise, et quand bien même ce baroud d’honneur by Craig a ses qualités, ça reste quand même un ultime film particulièrement bancal. La meilleure chose à retenir de l’ère Craig, c’est tout de même que la volonté de lier à tout prix chacun des cinq films aura été une fausse bonne idée. D’une part parce que la plupart des films n’ont pas été pensés comme l’élément d’un tout cohérent, d’autre part parce que ce qui fait aussi la force d’un Bond, c’est justement le fait qu’il soit un élément parmi tant d’autres dans une gigantesque saga, mais qu’il peut quand même s’apprécier comme un divertissement qui se suffit à lui-même (ce n’est pas pour rien que
Casino Royale et
Skyfall sont les meilleurs films de Craig).
Ici donc, ça part de base avec un gros handicap, à savoir faire suite à un film dont la seconde moitié était écrite de manière assez catastrophique, et sans surprise ça a bien du mal à assumer ce fardeau : le film aura beau entièrement se baser émotionnellement sur la relation entre Craig et Seydoux, ça ne marchera jamais, et on se débarrasse de l’organisation Spectre comme si c’était un élément gênant, lui faisant perdre du coup toute l’aura qu’on avait tenté de lui donner dans le précédent opus (souvenez-vous l’excellente scène de réunion à Rome de
Spectre, ici on a l’opposé total en termes d’ambiance et de dramaturgie
). Mais le principal souci de ce film, au fond, c’est d’être pensé comme un film de conclusion, et d’avoir été développé dans l’urgence, ce qui donne un script qui mélange bonnes et mauvaises idées, mais dont le mixage ne donne jamais une impression de maîtrise.
C’est simple : le film ne semble jamais savoir où aller, dure pour le simple plaisir de durer (la partie à Londres…
), passe à côté de jolies opportunités (sérieux, la menace qui vient à la base de M, ça aurait pu donner un super script avec Bond qui agit pour éviter la disgrâce de son employeur, et ce n’est pas du tout exploité !), et ne se distingue réellement que lors de son dernier acte, par une fin particulièrement osée (même si pas toujours bien gérée dans chacun des aspects, la réplique finale est ridicule
) mais aussi par une volonté de retour aux sources (beaucoup critiquent le fait d’avoir une base secrète de bad-guy, mais c’est justement un exotisme qui me manquait dans l’ère Craig, idem pour Ana de Armas qui disparaît en quelques minutes alors qu’elle est 100 fois plus une Bond Girl que Seydoux). Le bad guy par Malek est loupé, ses motivations traitées par-dessus la jambe, ses décisions souvent WTF (pourquoi se débarrasser de la gamine alors que c’est son seul atout face à Bond ?!), et je ne parle même pas du sous-fifre à l'œil bionique qui est ridicule vu qu’il se fait péter la gueule par Bond dès la première scène d’action
. Je passe sur le côté volontairement woke, mais pas trop, du film : c’est finalement très inoffensif, et on sent que c’est juste pour donner une posture plus qu’autre chose, j’ose espérer que ça en restera là dans la saga 007, Bond qui se tape pas plusieurs meufs c'est pas vraiment Bond.
Formellement, c’est plutôt joli et maîtrisé, mais ça a le défaut de passer derrière deux films de Mendes qui avaient une réelle personnalité, et forcément la comparaison fait un peu mal, d’autant qu’il n’y a jamais de scènes d’action qui ressortent. Un petit mot tout de même sur le score de Zimmer qui était une de mes plus grosses craintes, mais qui s’avère être finalement la meilleure BO bondienne depuis le départ de David Arnold. Certes, ça ne retrouve pas le lyrisme de ce dernier, mais dans le genre score qui sort l’artillerie lourde ça se pose là (et enfin quelqu’un qui réutilise le thème de
Au service secret de Sa Majesté). La chanson de Billie Eilish est vraiment très belle, et marque un beau contraste avec les précédentes chansons de l’ère Craig. C’est pas aussi nul que
Quantum of Solace, c’est un poil meilleur que
Spectre, mais ça reste un film à des années-lumières des sommets de
Casino Royale et
Skyfall, clairement les deux films que le temps retiendra de cette sixième incarnation de Bond. Maintenant, je n’ai plus qu’à prendre mon mal en patience en attendant l’annonce du futur 007, qui j’espère reviendra à une classe et un flegme british plus prononcé (pour le coup, je n'ai jamais été aussi heureux de lire James Bond will be back à la clôture d'un film de la saga, il est grand temps de passer à autre chose).