Le ciel est à vous de Jean Grémillon
(1944)
Un peu déçu par ce Grémillon dont j’attendais peut-être un peu trop. C’est clairement un bon film, mais vu le sujet j’espérais quelque chose de l’ordre qualitatif de L’amour d’une femme, et même si ça y ressemble par bien des aspects c’est aussi un film qui se tient moins bien. Comme L’amour d’une femme donc, on est clairement dans du film féministe avant l’heure : on va suivre un couple dont le mari est un réparateur mécanique doué, alors que la femme se contente de rester au foyer, jusqu’à ce qu’un aérodrome se met en place à côté de chez eux et que la femme se découvre une passion pour piloter les avions. Sans surprise, plus qu’un film sur l’aviation, c’est davantage un film sur l’émancipation d’une femme, et même d’un couple en général : non seulement la femme prend de plus en plus d’assurance en cours de récit, mais on constante en plus un gros changement dans le rapport de force entre ce couple, qui commence façon classique pour l’époque (l’homme travaille pendant que la femme s’occupe des enfants) et qui va aller sur quelque chose de résolument moderne (plus le film avance, moins le personnage de Vanel prend des décisions et laisse sa femme prendre les rênes de sa propre destinée).
Le souci à mon sens, c’est qu’autant l’émancipation avait des répercussions dans L’amour d’une femme, qui venait noircir le tableau et donner de la profondeur au récit, autant ici c’est résolument plus classique et sans surprise : une fois que la femme découvre sa passion on devine vite où ça va aller, et la suite du récit ne va pas faire mentir cette intuition (au point de rendre le suspens final autour du retour de l’héroïne un peu inutile). Ça donne une histoire pas désagréable à suivre, mais qui manque d’un petit quelque chose pour être réellement marquante, et qui a en plus quelques longueurs alors que le film n’a pas une durée énorme. Du coup, c’est plus du côté de la mise en scène de Grémillon (fonctionnelle mais classieuse), de l’ambiance décrite (le petit bled français avec les personnages du médecin ou de la belle-mère) ou du jeu des comédiens (Madeleine Renaud et Charles Vanel sont excellents) qu’on va retenir des choses après vision. Un Grémillon plein de qualités donc, mais je lui préfère clairement Remorques ou L’amour d’une femme.
6,5/10