Seconde vision et je revois le film un peu à la hausse. Forcément, à sa sortie française, alors qu’il recevait les éloges outre-Atlantique, c’était assez dur de ne pas être déçu : ce qu’on annonçait comme le plus beau film de Del Toro se révélait être une reprise de plusieurs choses qu’il avait déjà traité ailleurs, souvent en mieux, et il y avait un peu cette impression de voir un film mineur du cinéaste se faire récompenser alors que c’était plutôt il y a quelques années qu’il fallait le faire. Néanmoins, un peu comme
Crimson Peak,
The Shape of Water est un film qui mérite d’être revu avec les attentes mises de côté, et quand bien même ça reste à mes yeux loin des grandes réussites de son auteur, ça reste une belle histoire d’amour qui lui permet de s’ouvrir à un plus grand public.
De tous ses films, c’est celui qui est le plus typiquement américain à mon sens, notamment du côté des influences puisqu’on y cite autant la comédie musicale hollywoodienne que
L’étrange créature du lagon noir, tout en puisant dans un contexte historique particulier puisque l’action du métrage se déroule alors que les Etats-Unis sont en pleine paranoia de la menace soviétique. A cela s’ajoute une touche de Jeunet que je trouve de mon côté plutôt bien dilué (Jeunet a beau crier au plagiat, pour moi c’est vraiment de l’inspiration digérée, seule la séquence de la salle de bain renvoie directement à
Delicatessen), et ça donne un métrage particulièrement léger pour du Del Toro, mais tout en ayant un côté assez mature mis en avant, que ce soit du côté de la violence (qui arrive sèchement et de façon marquante, ça ne lésine pas sur l’hémoglobine, on a quand même un chat décapité et des doigts coupés en gros plan), du bad-guy (Michael Shannon qui se fait bien plaisir à jouer un salopard de premier ordre) ou encore de l’aspect sexuel (dès les premières minutes du métrage, on voit une femme se masturber dans sa baignoire, ce qui n’est pas très courant dans un film oscarisé).
Sans jamais être exceptionnel, le récit (qui est un peu un
Free Willy-like
) se tient très bien : l’histoire d’amour fonctionne, l’héroïne et le duo qu’elle constitue avec son voisin sont attachants, il y a un bel équilibre entre une certaine naïveté et une noirceur qui va prendre de plus en plus de place, et puis surtout c’est un film qui permet à Del Toro de se faire bien plaisir sur plusieurs séquences en termes de mise en scène et de poésie ambiante. La production design est à tomber, la photographie sublime, la musique de Desplat accompagne bien l’ensemble, et chaque acteur est pas loin de livrer le meilleur de lui-même (j’apprécie particulièrement Hawkins et Jenkins qui ont les personnages les plus travaillés du métrage), bref c’est un beau petit film de la part de Del Toro, dont le seul réel tort est d’avoir eu un battage médiatique et critique qu’un film comme
Le Labyrinthe de Pan aurait bien plus mérité. Ceci dit, je reste quand même très content du succès qu’aura connu le film, et si cela permet à Del Toro de livrer des projets plus facilement par la suite, tout le monde sera gagnant.