Judas and the Black Messiah de Shaka King
(2021)
Comme chaque année, la saison des récompenses met en lumière des films qui n’ont absolument pas la carrure pour une telle mise en avant, et ce n’est pas la crise sanitaire qui va changer cette habitude. Ici donc, on a un petit drame historique qui a été vendu comme un des grands films de l’année, et même si le film possède quelques qualités c’est dans l’ensemble beaucoup trop moyen pour prétendre à être un film qu’on retiendra dans les années à venir. Sur ce point, je ne m’explique pas le succès critique phénoménal qu’a l’air de connaître le film outre-Atlantique, et comme d’autres films auparavant sur des sujets d’actualité (la ségrégation de la communauté noire dans ce cas précis) j’ai l’impression qu’on acclame plus le film pour son sujet que pour le reste. Pourtant, la base scénaristique est intéressante, avec le fait d’avoir comme héros l’homme qui a infiltré les Black Panthers et qui mènera à la mort de Fred Hampton, ça aurait pu donner quelque chose de vraiment bien, mais à l’image de son titre, le film ne recherche absolument pas la subtilité, et du coup on se retrouve avec un énième film manichéen sur la cause black, où les blancs sont tous condamnables pendant que les noirs les plus questionnables ont de bonnes raisons derrière eux. Il y a donc un côté je charge la mule qui est vraiment embêtant, et autant c’est quelque chose que je pouvais laisser passer dans un film comme Queen & Slim parce que c’était raconté sous forme de fable, autant là dans un film qui se veut très réaliste sur les événements qu’il décrit, c’est largement plus dérangeant.
Car ici, les Black Panthers sont traités comme des personnes ne recherchant pas la violence, pendant que chaque flic ou agent du FBI est un gros mangeur de donut prêt à sortir son arme à la première occasion, c’est hyper limite et réducteur comme vision pour le coup, et je pense que le sujet aurait mérité bien plus de nuances. Même sans prendre en compte cet aspect, et malgré une photographie léchée et des performances d’acteurs solides (j’ai d’ailleurs largement préféré Stanfield à Kaluuya), le film a quand même du mal à tenir sur la longueur : autant la première moitié est convaincante, autant la seconde s’effondre peu à peu sur elle-même. La faute à une structure qui cherche à avoir le cul entre deux chaises : autant le film aurait bien fonctionné avec juste le point de vue de Stanfield, en assumant son statut de personnage principal, autant tout ce qui amène à une sortie de biopic sur Hampton et le mouvement qu’il représente rend le métrage assez lourdingue. Un film pas dénué de qualités donc, mais globalement ça reste un drame moyen qui serait resté dans l’ombre il y a encore quelques années, et qui a profité des mouvements OscarsSoWhite/BlackLivesMatters pour se faire une petite place. Pas étonnant que la sortie salles n’ait pas été longtemps considérée chez nous : un tel film est fait pour marcher aux States uniquement à mon sens.
5,5/10