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Below sea level,
documentaire de Gianfranco Rosi, 1 h 53 min, 2016
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Si elle est d'une tristesse rude, la parole qui se démène jusqu'à la surface dans
Below sea level est dépouillée de toute artifice, l'occasion pour quelques âmes qui se sont retirées de nos routines meurtrières de partager leur expérience. Ce qui frappe d'entrée de jeu, c'est une volonté farouche de ne pas livrer un réquisitoire en faveur d'une vie alternative qui prendrait soin de démonter nos schémas d'existence, disons, majoritaires. Les pauvres bougres qui se meuvent devant la caméra de Gianfranco Rosi (lequel a passé quelques années à respirer la poussière du désert qui sert de réserve émotionnelle à son documentaire), ont souffert de coups du sort parfois gravissimes, vivre dans les conditions qui sont les leurs est une bataille de chaque instant et on le ressent très clairement à l'image. A aucun moment il n'est question d'une liberté gratuite, insouciante.
La richesse du docu, c'est la variété de sa palette de personnalités, touchantes, toutes à leur manière. Rudes à raison, parfois perdues dans leurs contradictions, à fleur de peau souvent, chacune des silhouettes qui s'aventure dans le champ de Gianfranco Rosi livre sans retenue, mais à son rythme, une détresse profonde dont l'authenticité ne saurait être remise en question.
Et quand elles ne verbalisent pas cette tristesse sourde qui les caractérise, ce sont leurs obsessions qui prennent le relais sous forme de monologues face caméra troublants. Des témoignages faisant la lumière sur une première vie qui les a rejetés, ou qu'ils ont choisi de quitter pour diverses raisons : quand ces dernières se contextualisent, les coeurs se serrent.
Côté mise en scène, c'est du portrait à 100%, donc caméra à hauteur d'homme; en résulte une immersion totale, idéale pour capturer états d'âme, confidences sur l'oreiller, philosophie sans comptoir ou concert intimiste encore au stade des balances hésitantes. On se sent invité en tant que spectateur à partager, l'espace d'un instant, un bout de route, à respirer un peu de poussière, la rudesse du climat, l'inconfort du métal qui seul subsiste alors que la chaleur finit par déserter les emplacements.
En somme,
Below sea level est une plongée sans bouteille ni concession au coeur des inadaptés de l'
American way of life. Bien loin du formatage aux Oscars de
Nomadland, les témoignages croisés patiemment recueillis par Gianfranco Rosi remettent en perspective ce que l'on considère bien souvent comme acquis pour rappeler, à qui l'aurait oublié, que tout peut vite basculer. Alors, même si l'on idéalise souvent une vie isolée de l'aliénation de nos sociétés modernes, dans la réalité, quand les moyens manquent, les sourires se fanent et l'inquiétude rôde : reste alors l'espérance que le moteur démarre quand la main le demande, délivrant l'autorisation éphémère de vivre un jour de plus.
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