C’est toujours pas avec ce film que je vais réévaluer Argento, car si clairement le bonhomme sait y faire en termes de mise en scène, c’est souvent au service de scripts franchement pas glorieux, et là c’est peu de le dire tant le scénario donne l’impression d’avoir été pensé au dernier moment sur ce film. A la limite, j’ai rien contre des scripts prétextes si ça se tient un minimum sur la durée, mais sur
Opéra on sent bien que Argento a pas vraiment pensé à son histoire au-delà de la situation de départ (une chanteuse obtient le rôle principal dans un grand opéra, et se voit martyrisé par un tueur qui assassine ses proches un par un en la forçant à regarder), et autant les vingt premières minutes se suivent bien, autant dès le meurtre du compagnon ça vire de plus en plus dans le grand n’importe quoi.
C’est assez impressionnant de constater à quel point le film est pensé juste par séquences, et que ces dernières ne sont pas logiques entre elles d’un point de vue narratif, le pire étant les réactions de l’héroïne, à qui on fait voir les pires horreurs, mais qui semble avoir juste eu une petite frayeur la scène suivante, la meuf ne paraît jamais traumatisée et ça rend assez collector certains passages qui en deviennent involontairement drôles. Et l’absurde ne se limite pas à ça : entre le deus ex machina des corbeaux qui savent qui est le tueur puis qui l’attaquent
, le coup du meurtrier pas mort parce qu’en fait, le cadavre retrouvé brûlé par la police, c’était un mannequin (non mais sérieux, qui écrit ça ?!
) et le final dans la montagne avec en dernier plan l’héroïne qui fait un câlin à la pelouse
, il y a moyen de dresser une longue liste de tout ce qui ne va pas dans ce film. Néanmoins, si la cohésion d’un long-métrage n’est pas le point fort d’Argento, il y a tout de même sa mise en scène, et là pour le coup si on le prend vraiment ce qui vient séquence par séquence, il y a clairement des choses à sauver.
Formellement, c’est le Argento le plus convaincant que j’ai pu voir avec
Suspiria, ça fourmille d’idées en tout genre, de passages bien classes (l’assassinat avec le tir à travers le judas, c’est top
) et de plans techniquement assez dingues (la vision subjective d’un corbeau en plein vol dans l’opéra), et même si ça ne suffit pas à faire un film, on va dire que ça sauve les meubles en partie. Dommage néanmoins que les meurtres perdent en impact sur la durée (pas aidé par l’utilisation constante de hard-rock), le premier avec le copain qu’on taillade au couteau reste le meilleur, et l’idée des aiguilles sur les paupières est surutilisé alors que c’est un bon concept à la base (j’aurais pas craché sur d’autres procédés pour la forcer à regarder). Côté acting, comme toujours avec Argento c’est au mieux moyen mais souvent nul, mention spéciale à l’héroïne constamment à côté de la plaque, et au bad-guy bigger than life. Un film très moyen qui, sans sa mise en scène, serait facilement rangé dans la catégorie nanar.