Blade Runner (Final Cut) de Ridley Scott - 1982
Il y a pas mal de films dont on a très peur que le temps les abîme.
Blade Runner en fait partie et est même tout en haut de la liste.
En effet, le film a marqué par son ambiance. Or, une ambiance ça se démode très vite. Mais ici ça fonctionne toujours. J'ai du mal à déceler quelles en sont les causes. On perçoit par exemple assez fortement l'influence des 80s, avec des looks pas foufous chez les femmes. Punko futuriste chez les rebelles, années 40-50 pour Rachel, dont les années 80 ont consacré le revival. Sans parler des nappes de synthé de Vangelis qui marquent directement n'importe quelle pellicule de la décennie de l'infamie.
Pourtant le film passe entre les gouttes et il se dégage autre chose. Déjà, on n'a pas ce foutu côté fluo/flashy qui éclate la rétine dans les autres bobines de la même époque. Tout se passe dans la pénombre et l'obscurité, sans aucune lumière naturelle. Il pleut et la ville est déprimante. Les rues sont soit bondées soit désertées et ça donne un vrai sentiment de malaise. Mais la chose la plus folle et sans doute la plus importante, c'est que la direction artistique part un peu dans tous les sens et reste malgré tout cohérente. On a des véhicules et bâtiments futuristes, une pyramide d'inspiration inca, d'autres bâtiments Art-déco ou plus anciens encore et tout ça fonctionne. Ce qui est un sacré tour de force, surtout au regard de ce qui a pu être fait ces derniers temps et où l'on a eu des grosses plantades et une sauce qui ne prend pas. (oui, oui, je pense à
Jupiter au pays des Merguez.
).
Le fait que Scott prenne le temps de poser ses ambiances, de montrer les détails, mais aussi des plans d'ensemble, en stylisant ses cadres, jouant avec les lumières et unifiant ainsi visuellement chacun de ses décors avec des scènes bien pensées avec une atmosphère commune, est sans doute la clé de cette harmonie générale.
Le résultat, c'est une atmosphère rétro-futuriste oppressante à souhait, parfaite pour servir d'écrin à un film noir dont les thèmes de science fiction ont encore de l'intérêt aujourd'hui. D'ailleurs, heureusement que ces thèmes sont là, parce que c'est dans son aspect "noir" que le film a ses plus grosses faiblesses. Deckard n'est pas extrêmement intéressant, il sert juste à nous faire suivre une intrigue prétexte, pas franchement intéressante en elle-même. Il pourrait être le sujet de questionnements importants, mais ils sont laissés de côté au profit d'un twist en suspens assez artificiel. Harrison Ford l'interprète donc assez bien, sans excès et de façon froide.
Cela tranche fortement avec Roy Batty, éclatant malgré la noirceur générale de la pellicule et du ton du film, incarné avec une aisance folle par Rutger Hauer, qui le temps de quelques phrases déclamées en calebard, nous fout les poils en renversant le propos de départ du film et en créant dans la tête du spectateur un vertige visuel quant à ce qui n'est justement pas montré dans le film.
Je regrette un peu que l'on ne termine pas là-dessus...
9/10