Les avis de vos dernières lectures

[Olrik]

Après le dernier Claudine, petite pause aussi avec Colette. Je verrai peut-être un peu plus tard Chéri.

[Mark Chopper]

Bel-Ami / Guy de Maupassant (1885)

La littérature française du XIXème siècle ne manque pas de personnages arrivistes : Julien Sorel, Eugène de Rastignac, Aristide Saccard... Mais aussi Georges Duroy (surnommé Bel-Ami), créé par Maupassant. Un individu détestable, prêt à tout pour réussir (de préférence sans travailler dur) : il couche, il manipule, il trahit...

Nous sommes en terrain connu et, pourtant, j'y ai davantage trouvé mon compte qu'avec les personnages de Stendhal, Balzac et Zola cités plus haut. Je pourrais mettre en avant la fluidité de la prose de Maupassant pour expliquer cela mais, après tout, Balzac et Zola ne sont pas non plus des manchots lorsqu'ils mettent la pédale douce sur les descriptions.

Le style mis à part, deux éléments font à mon sens toute la force de Bel-Ami et expliquent pourquoi j'ai été à ce point happé par sa lecture (une lecture que je redoutais, pourtant, au départ). A savoir la peur / l'obsession de la mort propre à Maupassant et qu'il prête ici à ses personnages, mais aussi sa capacité à décrire froidement, cruellement et surtout justement les élites qu'il met ici en scène (journalistes, politiques et autres).

Pour ce qui est de la peur de la mort, le meilleur passage du roman reste à mes yeux cette promenade nocturne qui voit le fameux Bel-Ami raccompagner chez lui un poète vieillissant... Je pourrais citer plusieurs pages, mais je me contenterais de deux courts extraits :

La vie est une côte. Tant qu'on monte, on regarde le sommet, et on se sent heureux; mais, lorsqu'on arrive en haut, on aperçoit tout d'un coup la descente, et la fin, qui est la mort. Ça va lentement quand on monte, mais ça va vite quand on descend. A votre âge, on est joyeux. On espère tant de choses, qui n'arrivent jamais d'ailleurs. Au mien, on n'attend plus rien... que la mort.

Pensez à tout cela, jeune homme, pensez-y pendant des jours, des mois et des années, et vous verrez l'existence d'une autre façon. Essayez donc de vous dégager de tout ce qui vous enferme, faites cet effort surhumain de sortir vivant de votre corps, de vos intérêts, de vos pensées et de l'humanité tout entière, pour regarder ailleurs, et vous comprendrez combien ont peu d'importance les querelles des romantiques et des naturalistes, et la discussion du budget."
Il se remit à marcher d'un pas plus rapide.
"Mais aussi vous sentirez l'effroyable détresse des désespérés. Vous vous débattrez, éperdu, noyé, dans les incertitudes. Vous crierez "à l'aide" de tous les côtés, et personne ne vous répondra. Vous tendrez les bras, vous appellerez pour être secouru, aimé, consolé, sauvé ! Et personne ne viendra.
"Pourquoi souffrons-nous ainsi ? C'est que nous étions nés sans doute pour vivre davantage selon la matière et moins selon l'esprit ; mais, à force de penser, une disproportion s'est faite entre l'état de notre intelligence agrandie et les conditions immuables de notre vie.

Et que dire de cette description d'un homme politique, qui pourrait encore convenir à notre époque :

C’était un de ces hommes politiques à plusieurs faces, sans conviction, sans grands moyens, sans audace et sans connaissances sérieuses, avocat de province, joli homme de chef-lieu, gardant un équilibre de finaud entre tous les partis extrêmes, sorte de jésuite républicain et de champignon libéral de nature douteuse, comme il en pousse par centaines sur le fumier populaire du suffrage universel.

Bel-Ami c'est donc un style, des obsessions et une galerie de personnages intemporels. Difficile au final de ne pas être fasciné par l'irrésistible ascension de son anti-héros, une ascension qu'aucune morale ne viendra enrayer.

P.S. pour Pabel : en sachant que le personnage de Bel-Ami se tape tout ce qui bouge dans le roman, y compris une mère et une fille, je ne vois pas trop l'intérêt qu'avait ton prof à vous faire étudier "les symboles sexuels cachés" du roman. Sans doute un pervers lui-même

[Dunandan]

Bel ami est l'un des rares romans que j'ai apprécié comme lecture obligatoire au lycée, alors j'étais sûrement loin d'en saisir toutes les subtilités.

J'avais aussi beaucoup aimé Une vie de Maupassant que j'ai lu cette fois-ci sans contrainte académique.

[Olrik]

Cela faisait longtemps que je n'avais pas tâté du XVIIIe et encore plus de Restif de la Bretonne (ça devait être les Nuits de Paris ou l'Anti-Justine, sympathique roman pornographique écrit en réaction de la Justine de Sade). J'ai profité de deux bonnes occasions chopées sur internet (les deux volumes d'une partie de ses romans en collection Bouquins) pour lire cette Ingénue Saxancour, d'après une mésaventure qui était arrivée à sa propre fille, à savoir un sinistre mariage avec un sacré fils de pute, du genre violent et sadique.
Je m'attendais à de la noirceur, et j'en ai eu une généreuse rasade. Ecrit à la première personne, sous la plume d'Ingénue elle-même, le récit nous compte ses malheurs et dès la seconde partie, ça attaque très fort. A tel point que si on m'avait présenté des pages sans me dire qu'elles étaient de la plume de Restif, j'aurais volontiers imaginé qu'il s'agissait de Sade. Le type auquel on l'a mariée a tous les défauts, vil, veule, brutal, ordurier, tous les moyens sont bons pour enfoncer la pauvrette, y compris la violer en présence d'amis du même acabit que lui. Il va jusqu'à mettre dans l'embarras sa famille, que ce soit son père ou sa soeur. Peut-être à un moment y a-t-il un petit effet de longueur, il semble improbable que quelqu'un de sensé ait pu supporter autant d'avanies sans se révolter. Après, il faut aussi imaginer que demander le divorce à cette époque devait être particulièrement malaisé, et je ne parle même pas d'un effet metoo inexistant, encore que certains passages offrent quelques surprises, avec des mégères solidaires des malheurs d'Ingénue, qui interviennent pour faire peur à son tortionnaire.
Bref Ingénue Saxancour s'avère être une porte d'entrée curieuse mais possible, assez brève (ce qui ne gâche rien pour un auteur du XVIIIe), pour découvrir l'univers de Restif de la Bretonne. Sombre, certes, mais intéressant par sa plongée dans la société parisienne de l'époque et dans une législation ahurissante qui ne permettait que médiocrement de mettre hors d'état de nuire des monstres comme celui épousé par Ingénue.

[Mark Chopper]

Les mémoires de Sansa Stark en somme.

Si tu lis un jour Le Paysan perverti, je veux bien un avis.

[Olrik]

Les mémoires de Sansa Stark en somme.

Ma foi oui, maintenant que tu le dis, le sieur Moresquin, avec ses sodomies imposées, a un côté Ramsey.
Par contre, pour le Paysan Perverti, c'est effectivement si je le lis "un jour". Un ami l'avait lu et l'avait trouvé interminable (il est fort long). Cela dit je confonds peut-être avec le Paysan parvenu, de Marivaux, pas toujours évident de s'y retrouver avec ces titres de romans de l'époque.
je vais plutôt taper du côté de romans courts, à commencer par le pied de Fanchette. Le fétichisme du pied, ça me tente bien.

[Mark Chopper]

Au Bonheur des Dames / Émile Zola (1883)

Un bon cru zolien, malgré des longueurs (on sent passer certains passages descriptifs : Le Ventre de Paris me semble loin) et une histoire d'amour à laquelle on croit peu (elle jure avec la noirceur des précédents opus du cycle Rougon-Macquart). Mais l'intérêt est ailleurs... Il réside dans la mise en scène de ce grand magasin qui dévore tout sur son passage, qui ne cesse de grandir, qui fascine la bourgeoisie soumise aux apparences et qui détruit les petits commerces (et les vies) qui l'entourent. Son patron, Octave Mouret, apparaît ici comme le Jeff Bezos du Second Empire : un symbole du capitalisme carnassier.

[Olrik]

ne histoire d'amour à laquelle on croit peu (elle jure avec la noirceur des précédents opus du cycle Rougon-Macquart

J'aime bien justement que Mouret ne soit pas qu'un enfoiré de spéculateur sans âme. Et c'est parce que l'histoire d'amour paraît improbable chez lui qu'on prend plaisir malgré tout à déceler ces signaux infimes montrant qu'il commence à se faire embobiner par une femme. C'est d'ailleurs un juste retour des choses pour ce type qui utilisait les femmes dans Pot-Bouille pour faire sa propre ascension sociale. Et puis ça fait du bien parfois, un peu de lumière, dans les Rougon-Maquart.

[Mark Chopper]

Disons que le contraste avec sa personnalité de queutard dans Pot-Bouille m'a paru un brin improbable.

[Olrik]

Mais je crois me souvenir que dans Au bonheur, on explique à un moment que niveau entretien de la tuyauterie intime, ça se passe bien avant qu'il rencontre Denise, non ? Peut-être même qu'on précise qu'il y a un début d'assagissement, je ne sais plus.
En tout cas, autre environnement, autre libido. L'immeuble de Pot-bouille était le creuset de tous les vices, n'importe qui aurait succombé ! (et puis les généreux coups de piston étaient surtout distribués pour améliorer sa situation).

[Jack Spret]

"Dune, tome 1" de Frank Herbert - 1965

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C'est fait ! Je suis enfin libéré de mon inculture face à ce pilier de la SF qu'est Dune. Et quand je dis libéré, c'est le mot car je ne lirai pas les cinq autres tomes tant je suis déçu de ma découverte. Je m'attendais à prendre une claque retentissante à l'image de celle que m'a infligé Asimov avec sa saga "Fondation". Nous sommes très loin de ce niveau de génie et de prescience qu'était l'invention de la psychohistoire.
Attention, plusieurs concepts sont très intéressants dans Dune mais seulement esquissés. Tout comme la psychologie de ses personnages, Herbert ne distille que très peu d'informations et c'est à nous de recréer le puzzle. Bonne idée si et seulement si l'auteur ne nous bombardait pas de nouveautés fréquemment, nous noyant au début dans des principes que l'on a du mal à digérer. Certains diront que c'est ce qui fait la force du roman et, à plus grande échelle, de la saga. Je dirai plutôt qu'Herbert et son imagination foisonnante n'a pas réussi à installer correctement son univers, ce qui créer ce côté traînant sur les 400 premières pages (qui ne sont que de vulgaires complots de cour).
Le livre ne décolle qu'à la seconde moitié pour enfin prendre son envol et nous lâcher sur Arrakis (alias Dune), libéré de toutes contraintes de palais, permettant ainsi à l'aventure de réellement commencer. Seulement, l'erreur de vouloir décrire les pensées de chaque personnage (qui sont nombreux !) fait que l'identification ne fonctionne jamais et que nous sommes sans cesse renvoyer à notre fonction de spectateur/lecteur. Il faut ajouter à cela le côté froid, pompeux et cérémoniel des dialogues (nombreux eux aussi) et vous avez l'explication de ma déception.
"Dune " reste un solide monument de la SF de par sa capacité à créer un véritable univers dense et réaliste (quand bien même j'ai du mal avec les vers de sables) et d'amener la SF bien après la prise de pouvoir de l'intelligence artificielle, remettant l'humain au centre de sa destinée. Mais la direction que prend l'issue du roman et l'ennui né à de nombreuses reprises ne me feront pas revêtir à nouveau mon distille pour retourner dans le désert de Dune.

6/10

[Olrik]

nous noyant au début dans des principes que l'on a du mal à digérer.

Il faut ajouter à cela le côté froid, pompeux et cérémoniel des dialogues (nombreux eux aussi) et vous avez l'explication de ma déception.

Coïncidence, j'ai tenté Dune il y a deux mois et j'ai rapidement abandonné. Impossible de poursuivre la lecture avec autant de personnages qui chient du marbre.

[Mark Chopper]

Mais je crois me souvenir que dans Au bonheur, on explique à un moment que niveau entretien de la tuyauterie intime, ça se passe bien avant qu'il rencontre Denise, non ? Peut-être même qu'on précise qu'il y a un début d'assagissement, je ne sais plus.
En tout cas, autre environnement, autre libido. L'immeuble de Pot-bouille était le creuset de tous les vices, n'importe qui aurait succombé ! (et puis les généreux coups de piston étaient surtout distribués pour améliorer sa situation).

Il se tape une bourgeoise pour se rapprocher d'un banquier et quelques vendeuses pour rester au chaud l'hiver... Toujours chaud de la bite le père Mouret.

[Mr Jack]

Jack, tu m'as donné envie de lire...Asimov.

[Danette]

Un peu la même expérience sur Dune ; je ne l'avais jamais lu, je l'ai acheté il y a quelques mois et il me tombe un peu des mains.
J'ai un vraiment problème avec le fait d'avoir les pensées d'un peu tous les personnages qui sont exprimées, ça me gêne beaucoup dans le fait de comprendre qui parle.