par maltese » Dim 06 Déc 2020, 12:52
Mank : 6/10
Fincher s'est fait plaisir, ça se sent, et j'ai envie de saluer, dans le contexte cinématographique actuel, la réalisation d'un projet aussi personnel et qui n'intéressera pas énormément de monde en-dehors des milieux plus cinéphiles (toujours bien de voir qu'on peut financer des projets pareils, même si ça peut décevoir). Pourtant, le propos sur la puissance des images et leur récupération à des fins politiques est évidemment d'actualité, mais dans le traitement de l'histoire, on reste dans quelque chose de réservé aux initiés. Ce n'est pas un problème en soi, même si ça peut clairement gêner pour la bonne compréhension des enjeux de l'histoire et de ses personnages. Perso, j'ai la "chance" d'avoir justement lu très récemment une biographie sur William Randolph Hearst, personnage au parcours vraiment passionnant et fascinant ; je ne m'attendais pas à ce que le film de Fincher lui donne autant d'importance, donc ce n'était pas une lecture de "préparation" au film, mais au final ça m'a beaucoup aidé à apprécier tout ce qui tourne autour de ce personnage (et Charles Dance en impose toujours autant dès qu'il apparaît à l'écran). Un complément intéressant donc.
Mais néanmoins, j'ai trouvé l'ensemble assez déjà-vu, surtout sur la forme : le film en noir et blanc pour faire "ancien" mais qui parle clairement de notre époque, les effets de style plus visibles pour faire "vieux film" et qui rappellent le Fincher des débuts, les plans vus cent fois ailleurs (l'arrivée dans le studio hollywoodien, la présentation des scénaristes...), la B.O. assez sage de Trent Reznor et Atticus Ross, le personnage principal de faux cynique au grand cœur, l'humour de connivence avec le spectateur ("Je leur ai dit, ça va être un flop leur Magicien d'Oz là")... Quand au traitement de l'écriture du Citizen Kane, on reste un peu sur le côté ; hormis quelques scènes intéressantes avec Orson Welles (peut-être ce qui m'a le plus séduit dans le film, on sent le rapport compliqué entre le scénariste et le réalisateur, mais ça prend peu de place), on se contente surtout de voir ce qui a motivé Mank à écrire ce script (pourquoi pas, mais rien de bien neuf là-dedans; les conséquences de l'écriture de ce film ne sont regardées que de loin).
Ca se laisse regarder, il y a pas mal d'éléments qui retiennent l'attention (les scènes avec Hearst, avec Louis B. Mayer...), c'est propre, bien réalisé, bien interprété, mais je suis tout de même resté à distance. Paradoxalement, compte tenu du propos assez fort justement, c'était sans doute un peu trop propre pour moi.