La Route de Salina de Georges Lautner - 1970
Voilà un des derniers Lautner qui me faisait vraiment très très envie...
Comme espéré, il est très étonnant. Pas d'un point de vue scénario, car s'il essaye de ménager du suspens, on sait parfaitement où l'on va et Lautner a déjà donné dans ce genre de film à l'atmosphère pesante dans
Galia ou
Les Seins de Glace. Ce qui tranche davantage avec le reste de la filmo de son auteur, ben c'est sa façon de mettre en boîte de vraies belles séquences de ciné avec de beaux paysages, des cadres chiadés et une musique vraiment extra. Il avait déjà expérimenté des sons très contemporains avec la BO de
La Grande Sauterelle signée François de Roubaix, mais là il tape dans le vrai psyché Hippie et nous sort Christophe, la flûte de Ian Anderson et Clinic. Cela plonge le film dans une atmosphère étrange, ce, aussi bien que
More accompagné de Pink Floyd, dont il partage beaucoup de points communs. Il est dommage en revanche que Lautner n'ait pas trouvé quelques artifices pour nous faire davantage sentir la chaleur du lieu.
Au milieu de cela, il nous dresse le portrait de deux femmes, Lautneriennes jusqu'au bout des ongles, à savoir la jeune blonde libre qui apparaît dans chacun de ses films (quand on fait le compte, c'est juste dingue, de Mireille Darc veuve et lesbienne qui envoie chier tout le monde dans
Fleur d'Oseille à Miou-Miou bigame dans
Attention! Une Femme peut en cacher une autre, c'est une figure obligée), ici incarnée par Mimsy Farmer, si sensuelle et ingénue qu'on sent étonnamment poindre son côté vénéneux de façon naturelle. Mais il y a aussi une seconde figure, moins ostensible dans le ciné de Lautner, celle de sa propre mère, Renée Saint Cyr, qu'il a très souvent fait jouer et qui apparaît ici sous les traits d'une Rita Hayworth d'âge mûr, seule et éprise de son fils (merci Sylvain Perret et son très long entretien en bonus du BR de la collec de Thoret pour avoir débusqué cela!). Elle joue magnifiquement bien un rôle complexe et pivot de l'histoire. Il n'y a donc rien d'étonnant que Lautner ait souvent déclaré que c'était son film préféré et sans doute le plus personnel.
Ces portraits sont d'autant mieux présentés qu'elles sont chacune scrutées du point de vue du personnage principal, peu flamboyant et bien joué par un Robert Walker Jr dans les clous.
Le film n'est cependant pas exempt de défaut, que ce soit la chaleur peu représentée déjà citée, mais aussi une dernière partie qui s'éternise un brin et un montage en flashback assez bateau, cela reste malgré tout un film hypnotisant et un passage obligé pour ceux voulant comprendre l’œuvre du papa des tontons.
7/10