"Mémoires d'Hadrien" de Marguerite Yourcenar - 1951¤¤¤
Au delà de faire partie de la liste des "100 meilleurs livres de tous les temps", le roman de Yourcenar est un formidable travail d'érudition. Dès son plus jeune âge, elle nourrit l'envie de s'attaquer à l'histoire de l'empereur Hadrien sous le regard de son amant Antinous. De multiples rejets plus tard, elle revoit sa copie, se documente énormément et décide de se passer de narrateur en prenant directement Hadrien comme référent.
Cette longue lettre découpée en 5 chapitres retrace toute la vie de l'auguste empereur, de sa prime jeunesse à ses derniers instants. On ne peut qu'être admiratif devant une telle masse de travail, Yourcenar ayant compilé toute la documentation possible sur l'homme, le faisant s'adresser à son petit-fils Marc Aurèle comme si elle avait été sa confidente la plus proche ou qu'elle avait été témoin privilégiée de la rédaction de cette lettre.
L'auteur s'efface donc habilement devant sa maîtrise du personnage, le dépeignant, d'après les historiens, aussi fidèlement que possible et en accord complet avec ce que l'on connaît de l'homme, de sa philosophie à sa psychologie la plus intime. Il reste tout de même de longs moments d'ennui où, comme toute personne qui en viendrait à raconter sa vie de manière ample, radote et se perd dans des atermoiements qui ralentissent le rythme de l'oeuvre. Mais c'est un pilier de la littérature française à n'en pas douter !
"Les Billes du Pachinko" d'Elisa Shua Dusapin - 2018¤¤¤
Après "Un hiver à Sokcho", Dusapin continue à travailler le thème de la filiation mais cette fois-ci au Japon, et plus particulièrement dans la communauté des Zainichi, immigrés sud-coréens issus de l'occupation japonaise. Une nouvelle fois, c'est une vraie quête d'identité qu'elle nous propose par le biais de son personnage déraciné et aux multiples origines. Elle s'interroge sur sa place dans le monde, dans cette famille morcelée qui n'arrive même pas à communiquer à cause de la barrière de la langue.
Bien que la toile de fond et les personnages soient différents, on retrouve une certaine redondance dans les thèmes abordés, ce qui peut être un peu pénible étant donné que le livre est court et qu'il ne permet pas de travailler en profondeur cette thématique familiale. Mais le roman laisse un gout doux-amer en bouche qui n'est pas déplaisant, s'en dégage une mélancolie plus forte encore que dans son précédent livre et une vision du Japon qui nous est rarement proposé par des auteurs occidentaux.
Mais le côté innocent et presque candide du personnage peut exaspérer. L'auteur semble toutefois avoir fait le tour de la question au vu du synopsis de son troisième livre.
"Le Livre Jaune" de Michael Roch - 2019¤¤¤
Premier pas chez "Mu Editions" avec ce roman qui emprunte autant au "Roi en jaune" de Chambers qu'au mythe des Grands Anciens de Lovecraft. En donnant une teneur exotique à cette plongée abyssale dans l'horreur et dans la noirceur de sa propre âme, l'écrivain parvient à renouveler le genre surexploité du fantastique horrifique. Sa prose très poétique colore agréablement les premiers chapitres puis, lorsqu'on s'enfonce inexorablement dans la fameuse Cité de Carcosa, on en vient à rencontrer un véritable malaise car les mots, si plaisants au début, deviennent infâmes lorsqu'on se rapproche de l'inévitable.
La lecture ne nous enivre plus mais nous dégoûte, par toutes ces métaphores et figures de style employées. Est-ce que c'était le but de l'auteur ? Je ne pense pas mais alors qu'une autre histoire m'aurait fait abandonner le livre, cette dualité entre le plaisir de découvrir une littérature exigeante et la lourdeur de certains passages crée une atmosphère pesante qui sied bien à l'histoire et renforce son attractivité.
A lire pour les plus curieux !