Les Rougon-Macquart (tomes 1 à 4) / Emile Zola (1871-1874)
(soit :
La Fortune des Rougon,
La Curée,
Le Ventre de Paris et
La Conquête de Plassans)
Le hasard a voulu que, deux ou trois semaines avant le début du confinement, je passe devant la boutique d'un bouquiniste et que mon regard soit attiré par vingt volumes reliés : la saga des Rougon-Macquart, acheté pour 50 €. Une affaire.
Et comme le confinement se prête aux lectures de longue haleine, je me suis lancé. Pourtant, Zola et moi, c'était assez mal parti : en classe de seconde, un professeur de lettres alcoolique nous a demandés de lire
Germinal... et j'ai préféré regarder le film de Claude Berri pour gagner du temps. Mais c'était une autre époque.
Vingt-cinq ans après je ne m'attendais pas, à vrai dire, à être à ce point emballé. Zola qui décide de faire avec le Second Empire ce que Balzac avait fait avec sa Comédie Humaine et la Monarchie de Juillet, à savoir radiographier tout une époque via les destins de personnages censés la personnifier... OK, c'est incontestablement ambitieux, mais le risque de faire du sous Balzac reste élevé.
Mais là où Balzac, comme souvent avec les génies, se perd parfois dans ses longueurs et plie sous le poids de son ambition, je trouve que Zola tient. Alors d'accord, je n'ai lu que quatre romans sur les vingt... Mais il ne s'agit pas des plus réputés (contrairement à
Germinal, mais aussi
L'Assommoir et
Au Bonheur des Dames), je suis donc confiant pour la suite.
Toujours paraître d'actualité est le propre des classiques... Et j'avoue que voir une famille profiter d'une époque trouble (en l'occurrence : la chute de la République et l'avènement d'un nouvel Empire) pour s'imposer politiquement (
La Fortune des Rougon) et faire sa fortune (
La Curée), ça me parle assez en ce moment (des fortunes vont se faire et se défaire)... Mais c'est surtout le fait de revivre une époque sur le papier qui m'emballe : Zola qui décrit les Halles de 1870, c'est un bonheur capable de vous réconcilier avec les longues descriptions en littérature (il sait donner faim l'animal)... Au risque d'utiliser un cliché : on s'y croirait.
Zola met ainsi en scène des personnages tous liés, souvent par le sang, et chacun personnifie un vice de son époque : Saccard qui fait flamber l'immobilier avec ses trafics, l'abbé Faujas qui permet de traiter l'influence de l'Eglise sur les élections en Province...
Les romans de Zola, ce ne sont pas seulement des histoires d'ouvriers qui crèvent la dalle. C'est vraiment brillant, prenant, le tout écrit avec efficacité, sans se perdre en digressions interminables façon Balzac et Hugo... Sans le génie du style flaubertien également, mais on ne peut pas tout avoir.
Vraiment, un gros coup de cœur. En espérant que la suite soit du même acabit.