par Val » Ven 06 Mar 2020, 18:22
Je vais avoir du mal à te répondre puisque tu fais exactement l'erreur que je pointe. Précisément, j'explique que jusqu'à il y a encore très peu de temps, on faisait un distinguo entre celui qui viole un enfant et celui qui a une relation avec une ado.
J'explique justement dans mon post que l'on avait tort, que l'on sait désormais très bien que les relations entre adultes et adolescents détruisent les adolescents en question. Mais je n'y suis pour rien si, a l'époque, dans un contexte de libération sexuelle on pensait autrement et que l'on prenait à la légère ces choses là.
Ce n'est pas moi qui l'invente. Et d'ailleurs, sur le sujet du distinguo, de façon très concrète, c'est encore le cas aujourd'hui. Pour avoir eu l'occasion, de part ma formation, de rencontrer avocats et juges et d'échanger sur ce sujet, on sait bien que même si la majorité sexuelle est à 15 ans, quand l'ado a 13 ou 14 ans, on fait du cas par cas. Non pas parce que l'institution judiciaire est composée de pédophiles "notoires et assumés" mais parceque l'on ne peut pas faire autrement, que ça n'a pas de sens de coller l'étiquette pédophile partout.
La pédophilie est un crime suffisamment grave pour que l'on évite de raconter n'importe quoi. Les personnes qui ont à faire avec ces drames dans leur quotidien professionnel sont les premiers à dire que l'on raconte n'importe quoi sur ce sujet. Les personnes pédophiles sont des gens malades qui souffrent de pulsions anormales et qu'ils ne parviennent pas à refréner. Un pédophile ne passe pas à l'acte une fois dans sa vie, mais malheureusement de nombreuses fois. Ce n'est pas en racontant n'importe quoi que l'on fait avancer la lutte.
Pour Polanski, j'ai suffisamment eu l'occasion de m'exprimer dessus depuis des années mais je vais recommencer. La question n'est pas de savoir si c'est bien ou mal, si il s'est passé noir ou blanc, si dans une réalité parallèle il aurait du être condamné ainsi ou ainsi mais, comme l'explique bien la vidéo de Anal Génocide, de s'intéresser aux faits.
Polanski a été arrêté, jugé et condamné. Contrairement à ce que l'on raconte, il n'a pas été condamné pour viol (on peut réécrire l'histoire tant que l'on veut, fantasmer, pour paraphraser Samantha Geimer, des "détails pornographiques" sur ce qui s'est passé, toujours est il qu'il n'est pas question de viol, que ça nous plaise ou non. Et d'ailleurs, quand bien même ce n'est pas le sujet).
A partir de là, c'est presque une question de philosophie du droit et de choix de société qui est posée. Contrairement à ce que certains peuvent penser, la justice n'est pas la vengeance tribale. La justice est une mesure de concorde. Elle suppose une idée exigeante et très élevée de l'espèce humaine : un homme ne peut pas se réduire à ses crimes et nul homme n'est un saint absolu ou un salaud absolu.
On pourrait penser qu'au contraire, quand un préjudice est créer et que l'on cause un grief a quelqu'un, il soit légitime que la victime se venge. Or, cette idée de justice privée a été abandonnée pour la première fois il y a près de 3 000 ans. Pourquoi ? Parceque l'on s'est bien rendu compte que cela n'aboutissait à rien, si ce n'est à encore plus de désolation et de désordre et que cela enclenchait des mécanismes de vengeance à répétition dont on ne sortait plus.
Puisque nul homme ne peut se réduire à un crime et que tout un chacun est susceptible de commettre un crime , et ce pour plein de raison, on a opté pour une mesure de concorde. Ce n'est plus la victime mais la société qui vient s'emparer du conflit. C'est la société qui, par l'intermédiaire du procès, vient marquer sa désapprobation de l'acte commis. Le procès permet alors à la victime d'être reconnu comme victime. La peine qui est ensuite prononcée n'est pas là pour satisfaire les instincts vengeurs de la victime mais pour marquer justement la désapprobation de la société et pour donner le sentiment à la victime que le préjudice qu'elle a subie n'est pas impuni (ce qui n'est pas la même chose). Aussi, cela permet au coupable de ne pas rester un "coupable" toute sa vie mais d'avoir la chance de se racheter, de s'amender et de devenir un homme meilleur. Et ce quelque soit son crime.
Et c'est là que je veux en venir avec Polanski. On peut penser ce que l'on veut de l'homme. On peut même le détester, refuser de faire la différence entre son crime et ses films (c'est pourquoi je peux même comprendre le geste de Adèle Haenel, prise par l'émotion eu égard à son vécu, même si je ne peux m'empêcher de trouver qu'elle avait préparé sa sortie). Cela regarde chacun en son for intérieur. Mais en tant que citoyen, on ne peut pas le réduire à son crime et lui refuser le droit de poursuivre sa vie comme tout un chacun.
Il ne s'agit pas de donner un blanc seing de complaisance à des salauds mais de s'en tenir à une des bases fondatrices de l'état de droit.
Comme l'explique bien la vidéo de Anal Génocide, on raconte beaucoup de bêtise sur "l'affaire Polanski". On peut penser ce qu'on veut du chef d'accusation et de la peine assortie mais toujours est-il que Polanski a été condamné, a purgé sa peine (même plus que si il avait été un inconnu, tout le monde s'accorde à la dire). Donc, que doit-il faire de plus ? Pourquoi ce qui est la base d'un Etat de droit lui serait refusé ?
Comme le dit très bien la tribune postée plus haut par Alegas, Polanski n'a pas a devenir un "violeur universel". Il n'est pas comptable de toutes les violences faites aux femmes tout ça parcequ'une nuit de 1977, il a commis quelque chose de grave mais pour lequel il a assumé les conséquences. Je n'aime pas les gens que l'on fusille pour l'exemple. Chaque homme doit assumer ses actes et c'est déjà beaucoup. Pas la peine de charger la mule pour qu'une société qui se sent coupable d'avoir laisser faire des choses ignobles pendant des décennies soulage sa conscience en traînant un homme dans la boue en se disant "c'est pas bien grave si il n'y est pour rien, après tout il n'avait qu'a pas faire le con il y a 40 ans".
Je suis très surpris que l'on ne comprenne ça. Si l'on commence à tergiverser avec ces principes fondamentaux du droit, alors c'est l'arbitraire qui se met en place. Et cela peut aller très loin et même si vous vous pensez à l'abri, vous finirez par en être victime. On peut ressortir par exemple toutes les blagues antisémites ou misogynes prononcées ici ou au Bomcast (je ne les mets pas sur le même plan que l'acte de Polanski, je parle en terme d'arbitraire et de relecture du passé).
Pour finir sur l'affaire des photos de nues. Je rappel juste que le nu est juste un classique de l'Art en général depuis l'Antiquité et qu'il n'a rien a voir avec la sexualité. Si certains ressentent un émoi sexuel devant des enfants nus, c'est leur problème, et c'est très grave.
Perso, quand je vois des photos de Helmut Newton par exemple (les modèles sont adultes pour ceux qui ne connaisse pas), je ne les associe pas à la sexualité, ça ne me donne pas envie de me branler pour dire les choses clairement. Ce n'est juste pas le sujet.