Très compliqué de parler de ce jeu qui suscite en moi plein d'opinions contradictoires. Un jeu qui m'a fasciné autant qu'il m'a agacé, qui m'a subjugué par son innovation autant qu'il m'a désespéré par son classicisme. Un jeu qui me fait ressentir une extrême jalousie envers tous ceux qui sont parvenus à faire fi de ses erreurs pour n'en garder que le meilleur. Gamekult, seul site à émettre des réserves (à être lucide ?) sur ce jeu, résumait parfaitement la chose :
NieR Automata est certainement plus grand que ses erreurs, mais pas sûr que tous les joueurs ferment les yeux sur ses travers. Je fais partie de ces joueurs, à mon grand regret.
Car je suis arrivé au bout de Nier Automata. Et au terme de ces 37h de jeu, je me suis pris la fameuse fin [E] en pleine face, avec son désormais célèbre choix final qui est, je crois, du jamais vu (hormis dans le premier Nier ?). Et clairement, malgré toutes éloges que j'avais pu lire sur cette fin, j'étais pas prêt pour une telle claque. C'est extrêmement osé, jusqu'au boutiste et même complètement WTF... tout en étant d'une cohérence sans faille avec tout le propos du jeu. Ce qui aurait pu n'être qu'un délire méta pour la frime se révèle en fait d'une parfaite sincérité. Je ne vais pas plus m'étaler là dessus, le but n'est pas de spoiler, ceux qui ont fait le jeu comprendront, et on pourrait de toute façon disserter des heures entières sur cette fin et sur le propos général de cette oeuvre qui fera date dans l'histoire, c'est indéniable.
Mais voila, avant d'en arriver là, j'ai quand même pas mal souffert, et aussi magistrale soit-elle, cette conclusion ne peut pas me faire occulter les multiples soupirs que m'aura provoqué cette aventure. Car si Nier Automata est assurément une grande oeuvre qui fait bouger le jeu vidéo par son discours, on ne peut pas vraiment dire qu'il s'agisse d'un grand jeu qui fait bouger ce medium par son gameplay et ses mécaniques. C'est là le plus gros souci que j'ai avec lui. D'un côté, on a un auteur, Yoko Taro, qui entend faire bouger les codes par un art subtil de la déconstruction, mais qui en même temps tombe à pieds joints dans les pires travers et clichés du médium. A partir de là, comment pleinement apprécier un tel propos quand on te sert des quêtes annexes FedEx sans saveur (je pèse mes mots, ces quêtes sont des purges), des allers-retour infernaux, du recyclage permanent des mêmes mécaniques tout le long... ? Même le système de combat, jouissif aux premiers abords, révèle bien vite son manque de profondeur flagrant (privilégiez le mode difficile pour vous forcer à diversifier les approches), notamment dans le 2ème run qui a la mauvaise idée de nous faire refaire le même jeu avec un gameplay de baston encore moins poussé.
Car oui, il faut finir le jeu plusieurs fois. 3 fois pour être précis, même si tout cela est relatif vu que le 3ème run est totalement inédit... mais dans les mêmes environnements, autre défaut majeur du jeu. Cet open world, ou plutôt ce rafistolages de hubs plus ou moins grands, est désespérément vide. Normal pour du post-apocalyptique me direz vous ? Oui mais non, il y a vide et vide. Zelda BotW est vide en apparence, mais extrêmement riche sur le plan ludique, un véritable bac à sable où il est impossible de s'ennuyer si on est un tant soit peu explorateur dans l'âme. Le monde de Nier lui est complètement vide d'apparence ET d'intérêt. Il ne propose aucune interaction, presque aucune exploration engageante pour le joueur. Ce n'est pas un terrain de jeu. C'est un simple décor propice à nous balader d'un point d'intérêt à un autre pour faire progresser l'aventure. Le monde en soi n'est pas plaisant à parcourir, ce qui renforce ce sentiment de corvée déjà amené par la structure de l'aventure et de ses à côtés. Attendez-vous à parcourir de nombreuses fois la cité en ruine, le désert ou la forêt, sans jamais y découvrir de nouvelles choses à y faire, mais uniquement pour aller valider des quêtes et tabasser des machines. Et si encore le jeu était beau comme un Shadow of the Colossus, il y aurait peut-être de la place pour la contemplation. Mais non, c'est techniquement bien trop dépassé pour qu'on ait envie de s'arrêter pour admirer tout ça.
Entre ça et les multiples run, Nier Automata est assurément un jeu de la répétition, ce qui est d'ailleurs plutôt raccord avec son discours, mais de là à dire que c'est voulu comme tel pour être en parfaite cohérence, j'ai un doute. Et si c'est le cas, c'est une bien mauvaise idée, car en l'état, on a régulièrement l'impression de pénétrer dans un tunnel sans fin de check lists à valider.
Et c'est terriblement frustrant, car en dehors de ces errances infernales qui plombent le rythme, le jeu est bon, et traversés par plusieurs instants de grâce. Si on se contente de rusher l'aventure principale, il y a moyen de ne pas trop ressentir cet ennui. Le souci, c'est que les quêtes annexes offrent des récompenses non négligeables, et parfois quelques éléments de scénario assez savoureux. Donc on prend son courage à deux mains, et on les fait autant que possible...
Mais comme je disais, en dehors de ça, le jeu est très bon, avec un rythme assez fou sur certains arcs scénaristiques. La variation des gameplay, entre beat them up et Shoot them up, en 3D ou 2,5, est savoureuse à souhait, et nombre de séquences de pure action filent des frissons de plaisir indéniables, à l'image de cette longue introduction dans l'usine, ou des mémorables premières heures du 3ème run, assurément le passage le plus marquant du jeu avec sa toute dernière fin déjà évoquée. Et bien sûr, parce qu'il faut bien mentionner l'évidence, il y a cette bande son complètement folle. Et bien que je ne sois pas du tout friand des versions chantées à une ou deux exceptions près, impossible de ne pas reconnaître la maestria de ces compositions qui viennent toujours parfaitement souligner l'action et vous coller des frissons. Sérieusement, comment ne pas fondre pour
ça ou
ça ?
Je suis quand même content d'avoir fait ce jeu. Car au bout du compte, il méritait d'être fait, et surtout d'être vécu. Et je suis heureux que de tels jeux aussi généreux et ambitieux puissent exister à notre époque où la production de jeux à gros budget a tendance à s'uniformiser.
Nier Automata, c'est clairement du jeu indé avec plus de budget, mais qui commet des maladresses en tentant de s'approprier les codes du AAA. Mais il a le mérite d'exister, et ça c'est beau.
Les + - Cette fin qui te retourne le cerveau
- Une vraie oeuvre d'auteur d'une cohérence absolue
- Les combats classes et intuitifs
- Les variations de gameplay fonctionnent à fond
- Des séquences mémorables
- La bande son épique
Les -- Un monde vide d'intérêt
- Des quêtes annexes insipides
- Des aller-retours imbuvables
- Souvent répétitif
- Le manque de profondeur des combats
- Des pans entiers de scénario sous forme de texte
7/10