"Wang, Tome 1: Les portes d'Occident" de Pierre Bordage - 1996¤¤¤
Quel talent de conteur ! Après la trilogie des "Guerriers du silence", je pouvais difficilement en douter. Mais de le voir renouveler l'exercice avec cette saga, c'en est presque fou de jalousie que je me suis délecté de cette histoire. Les thèmes déjà dépeints dans la saga précédente y sont une nouvelle fois présentés mais sous une lumière plus crue et une forme plus violente: la religion, les inégalités sociales, le racisme, l'immigration, la fuite en avant vers l'hypertechnologie sont autant de gardes-fous qui jalonnent l'intrigue de Wang. D'une fluidité exemplaire, il nous entraîne aux côté de son personnage éponyme, héros malgré lui qui tente de rejoindre l'Occident tant fantasmé et qui s'avérera une autre forme, plus évoluée, de l'Enfer qu'il vivait en Orient. Tout est mis en place pour que la situation explose dans le second tome qu'il me tarde de commencer.
"La Nouvelle rêvée" d'Arthur Schnitzler - 1926¤¤¤
En moins de 100 pages, Schnitzler réussit le tour de force de nous plonger dans cette Vienne mystérieuse et romantique de l'après-guerre, dans laquelle la position sociale élevée des personnages ne les éloigne pour autant du danger de la perte d'identité. Ils naviguent sur un océan de bonheur feint, entre fantasmes et songes, où la mort les ramène brusquement à la triste réalité (dans le métier du mari, dans les rêves de sa femme, dans les articles de journaux,...). Nul doute que la relation rêve/réalité qui existe également entre un spectateur de salles obscures et le film qu'il visionne est la principale raison qui a poussé Kubrick à s'emparer de cette nouvelle pour tourner "Eyes Wide Shut". L'intrigue et ses personnages mariés qui ne s'aiment plus ont été un matériau de choix pour le réalisateur qui réclama comme acteurs principaux le couple Kidman/Cruise, eux aussi en froid dans la vraie vie suite à la scientologie prenant une place de plus importante au sein de leur couple. Scientologie qui résonne également avec la société secrète du livre de Schnitzler. Deux œuvres qui, aujourd'hui, sont étroitement liés tant l'imagerie visuelle et musicale du film de Kubrick est marquante, mais dont la lecture après coup n'a rien de fade tant le récit va encore plus avant dans la thématique exploitée.
"- Ça vous dirait un petit échange dans la ruelle, derrière le bar ?
- Si c’est un échange de fluides corporels, je suis pas contre. Mais alors dans ce cas, tu passes devant."