Lost City of Z, James Gray (2017)
J'avoue que je nourrissais quelques craintes vis-à-vis de ce film. Beaucoup voyaient en lui un film d'aventures dépassé par ses ambitions, mais peut-être s'est-on trompé de cible? Car effectivement on perçoit davantage l'influence de John Huston que celle de David Lean dans ce voyage de prime abord intérieur, ce qui n'est pas pour me déplaire. L'écriture autour de ce soldat anglais obsédé par son rêve d'Amazonie dépassant les conventions sociales de son pays et son temps, est en effet sublime et d'une tension terrible. On retrouve ici la verve et la profondeur de la plume de James Gray avec ses thématiques autour de la famille, dont les liens sont d'abord fébriles, pour finalement retrouver une force nouvelle qui anime cette quête belle et désespérée, humaniste et teintée en même temps d'une folie fiévreuse.
Et pour donner corps à cette épopée, les acteurs sont tous d'une solide justesse, et heureusement car on n'est pas loin du film de personnages, où le décorum est presque secondaire. Ce qui ne veut pas dire que le film soit moche, bien au contraire, on y retrouve ici et là de jolies compositions, notamment lors des rencontres avec les autochtones, mais ce n'est clairement pas là où le film met l'accent, mais plutôt, encore une fois, sur les personnages. Du coup, j'ai été happé par ce désir non pas de l'aventure pour de l'aventure, mais bien pour une aspiration vers l'inconnu, au péril de la santé mentale et physique des uns et des autres. Et James Gray prend bien son temps pour nous raconter ça, et du coup, on ressent bien, malgré les nombreuses ellipses et de son étalement sur plusieurs années, l'évolution du périple et de ses enjeux.
Lost City of Z est donc pour moi un film qui m'a hanté grâce à des thèmes qui m'ont semblé d'une modernité cuisante, d'autant plus que c'est réalisé avec une conviction frémissante, à fleur de peau. Particulièrement lorsque Gray fait de l'intimisme et nous parle de famille (c'est le Gray que j'avais déjà tant aimé dans
La nuit m'appartient et
Two Lovers), nous gratifiant d'une résolution finale d'une beauté et d'une tristesse glaçantes, et somme toute logique. Un beau film, tout simplement.
Note : 8.5/10