En ayant en tête
Les Brasiers de la colère que j'avais très moyennement apprécié, je n'attendais pas forcément ce nouveau projet de Scott Cooper. Alors, sans crier au chef-d'oeuvre, j'avoue avoir été plutôt conquis dans l'ensemble. Et pourtant ça ne partait pas très bien, car oui, on retrouve un peu l'emphase dramatique qui m'avait tant gêné dans son précédent essai, mais il faut vraiment laisser le temps au film de développer sa narration, au fond plus riche et subtile que je l'avais d'abord jugée, et qui prend véritablement son envol lorsque les personnages sont traités à égalité. Débutant comme un gros film dramatique sur fond historique plutôt classique, ça évoque en effet par la suite
Josey Wales avec cette épopée d'âmes perdues en quête de rédemption et de réconciliation au fil d'une route qu'ils empruntent ensemble bon gré mal gré, et aussi un brin
Impitoyable pour ce sentiment persistant d'une époque condamnée à disparaître, et avec elle, les individus qui la composent.
Ça semble partir tout droit vers un certain pathos, mais malgré un fond nécessairement dramatique, ça reste finalement digne dans les sentiments évoqués, surtout qu'à défaut d'être original, le récit et les traitements des personnages ne paraissent jamais manichéens, leur chemin de croix étant l'occasion d'explorer une multitude de points de vue, où la violence et les méfaits apparaissent de tous côtés. J'avoue que la première partie manque un peu de force au niveau émotionnel, ça me parait un peu too much (en tête Rosamund Pike), mais une fois qu'on a passé un peu de temps avec les personnages, ça fonctionne beaucoup mieux. Et puis quand la poudre parle, ce film fait comme les grands, violent et sans concession (mais filmé sans complaisance), ce qui sert d'ailleurs complètement le propos «oeil pour oeil, dent pour dent» qui emporte les personnages un peu malgré eux. On y trouve à mon sens les meilleures séquences du film, avec les face-à-face finalement remplis de sollicitude entre indiens et blancs.
Encore une fois, c'est très classique dans le déroulement, on n'apprend rien de nouveau, mais
Hostiles est loin d'être anecdotique, que ce soit dans la forme ou le fond. D'une part il répond à des questionnements qui résonnent encore très forts dans la conscience collective, comme la spoliation des natifs et le cycle de violence qu'elle a engendré. Mais aussi, cette manière de dépeindre tout cela comme une lourde oraison funèbre et intimiste de A à Z, sans une once d'humour, est une marque de fabrique que je n'ai pas vue souvent ailleurs, et qui fonctionne bien mieux ici que dans
Les brasiers de la colère, peut-être parce qu'elle prend plein pied dans l'Histoire américaine et son lourd passé. En ce sens, l'une des dernières séquences, par la
dead end qu'elle incarne et la viscéralité de sa résolution, elle fait bien mal, dans le bon sens du terme. Une fin qui fait plaisir car elle montre que le western est loin d'être mort, qu'il a encore beaucoup à transmettre. Et ce n'est pas la pointe d'optimisme qui vient se poindre lors des derniers plans qui viendra me contredire, apparaissant comme le dénouement plutôt logique d'une construction cathartique se réalisant dans les larmes et le sang. Bref, à défaut de réinventer la roue, ce que ce film fait, il le fait bien.
Note : 7.5/10