Il était une fois l’Amérique de Quentin Tarantino. Né en 1963 dans le Tennessee, le ptit Quentin, prénommé ainsi d’après le personnage de Burt Reynolds dans la série Gunsmoke, grandit à Los Angeles dans l’ombre de ses idoles, Burt donc, et Steve McQueen, symboles d’une masculinité robuste à jamais disparue. 1969. L’année qui changea l’Amérique à tout jamais. Son Amérique rêvée, celle des longues voitures flashy, des feuilletons radios, des grands studios de cinéma et ses décors en carton, de l’âge d’or des networks, de la Pan Am, de la clope et de l'alcool décomplexés, des diners turquoises et roses, des burgers gras, des milkshakes, des Drive-In ; en somme de l’Amérique qui roule et qui construit son propre modèle de liberté que le monde entier envie. Quentin a 6 ans, inconscient, et son monde s’écroule. Les « hippies » retournent le modèle contre lui-même et détruisent son Amérique fantasmée. Les stars deviennent has-been, la censure tombe, la violence et le sexe s’insèrent dans les pores d’un Hollywood aux lettres jadis dorée, suintant le sang des morts gratuites. Quentin n’est ni un baby boomer, ni un esprit rebelle, il voit le monde qu’il a fantasmé disparaitre, et se retrouve plongé dans un monde inconnu. Une nouvelle liberté gagnée dans la violence. C’est ça, l’Amérique. Une telle violence dans l’a-coup qui forcément, va définir le cinéma de Tarantino, fait de mélancolie sanglante et de pastiches postmodernes. OUAT in Hollywood ne correspond peut-être pas à son meilleur film (Jackie Brown) mais assurément à son plus personnel en plus de résumer toute son approche : reconstruire le réel par la fiction pour mieux détruire par la création. La force qu’il met dans ce travail de reconstruction, c’est tout ce qui a fait et continue à faire de Tarantino un des meilleurs réalisateurs actuels. On retrouve sa façon si particulière de digérer les références (ici très personnelles, parce qu’il utilise Burt et Steve, par le biais de Rick (Steve dans Wanted Dead or Alive) et Cliff (Burt et sa vraie doublure Hal Needham) et de les transformer pour donner à ses personnages (ici idoles) le rôle de sauveurs d’un souvenir gardé désormais intact à tout jamais. Sans négliger l’essence même de son effort, la violence, frontale ; et la mort, qui entoura la production du film (Manson en 2017, Burt lui même en 2018, Luke Perry en 2019) et qui par son aura macabre aidera à laisser une trace toute particulière dans l’esprit de chaque spectateur. Ce qui était n’est plus, mais pas tout à fait. Il reste les souvenirs, et les oeuvres elles-mêmes : singulières par leur liberté et leur insouciance et par leur refus de toute forme de conformisme. Par peut-être ce qui sera son dernier film, Tarantino nous dit que l’on peut encore changer le monde, mais que d’une façon : la nôtre ; et que par une seule forme : l’art.