Les avis de vos dernières lectures

[Mark Chopper]

Bon, je pense que je vais acheter les deux

[Val]

J'ai réussi a récupérer le Bellanger de septembre. Verdict dans quelques jours.

[elpingos]

Je me suis enfin attaqué à ce monstre qui m'a longtemps fait de l'oeil mais que je me gardais sous le coude. Mais l'engouement renaissant autour de Damasio avec la sortie de son dernier livre m'a fait sauter le pas. Et je dois dire que je ne regrette rien.

[Jack Spret]

"Le Palais des rêves" d'Ismail Kadaré - 1993

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Mélange entre "Le procès" de Kafka et "1984" d'Orwell, le tout à la sauce ottomane, Kadaré transforme le rêve oriental en cauchemar poussiéreux. En dénonçant la dictature de son pays, il se met dans la position du frondeur face à un Goliath imposant. C'est ce gouvernement oppressant qui est imagé dans l'architecture du Palais, les intrigues politiques dénoncées par les couloirs labyrinthiques et interminables, le conservatisme de l'état démonté par les protocoles désuets dont sont victimes les employés.
En imaginant un monde dans lequel le gouvernement filtrerait les rêves de chaque citoyen à la recherche de complots et de rébellion, il s'attaque au cœur même de la liberté de penser, montrant qu'un état totalitaire serait prêt à violer impunément toute impunité pour asseoir son autorité et son pouvoir. Et il le fait d'une manière très subtile, en usant d'un membre d'une famille aisée, symbole de la grandeur passée du pays. Cruel dans son dénouement, il ne laisse que peu de place à la lumière, nous plongeant tout du long dans les profondeurs du bâtiment pour n'en sortir qu'à a nuit tombée, transformant le héros en véritable vampire obsessionnel, se nourrissant des rêves le jour, lui qui fait des insomnies la nuit l'empêchant de prendre la mesure de son implication dans les rouages meurtriers du système. Une oeuvre vitale !

[Val]

Val, tu as jeté un oeil à l'essai d'Aurélien Bellanger qui vient juste de sortir ?

En attendant mon avis sur le prochain roman de Bellanger (j'en suis à la moitié et ne sais pas encore quoi en penser vraiment, même si c'est déjà moins bien que Le Grand Paris), ce dernier était invité dans l'excellente émission d'Adèle Van Reeth sur Public Sénat (seconde moitié de l'émission). Hasard de la programmation, j'ai rencontré trois des quatre invités de l'émission :

[Olrik]

Très intéressant de le lire, même après avoir vu et revu (et apprécié) le film de Boorman. La différence essentielle vient que l'on a ici un narrateur interne. Tout est vécu en effet à travers le personnage d'Ed (celui-ci joué par Jon Voigt). La passage narrant le guet-apens qu'il tend pour buter le deuxième red neck est infiniment plus développé et nous fait bien sentir comment l'homme des villes peut sentir revenir en lui l'instinct de l'homme des cavernes.
Concernant la scène du viol de Bobby, c'est plus brut de décoffrage. On comprend que les "fais le cochon!" du film étaient là pour tenter de désamorcer un peu le côté insoutenable de la scène. A part cela, le film est resté très fidèle au roman (ah ! le film est quand même plus ambigu aussi sur la mort de Drew).

[Val]

Le livre sort cette semaine et je m'aperçois que j'ai zappé de faire un retour comme promis alors que je l'ai fini il y a deux mois.

On retrouve le talent de l'auteur pour mêler des éléments de pure fiction, au sens le plus stricte du terme à tel point qu'on lit certains passages comme une grande saga historique avec ses coups bas et ses trahisons, et de longues digressions lorgnants vers l'essai politique.
Il y a une dimension iconoclaste qui rend le livre souvent réjouissant. Bien que s'attaquant à un sujet sulfureux, le livre échappe en permanence à tout enfermement partisan. Il y a notamment une forme de défense de BHL assez inattendue et, pour moi qui déteste le bonhomme, c'est assez déstabilisant et ça porte à réfléchir.

Je n'ai pas la prétention d'avoir toujours tout compris aux digressions, notamment mathématiques, du livre mais ce n'est pas grave, cela fait presque partie du plaisir de la lecture d'être baladé de considérations très techniques à des longs passages romanesques. Et on reste avant tout fasciné par cette capacité à saisir l'air d'une époque, à mettre en évidence les points de rupture de l'histoire (le siège de Sarajevo présenté comme un moment clé amorçant un renversement idéologique en Europe) dans un récit dense mais toujours passionnant.

Toutefois, je trouve le livre clairement inférieur au Grand Paris qui avait pour lui un pouvoir de fascination, notamment dans les errances du personnage principal. Ici, comme le dit les Inrocks dans le numéro de cette semaine "c'est bien, mais on peine parfois à voir où il veut en venir".
C'est un livre vraiment à réserver aux amateurs de Bellanger et sans doute pas le meilleur pour commencer. Mais quel talent quand même.

Sinon, en parlant de rentrée littéraire, je ne saurais que trop conseiller de s'attarder sur Sur les routes de Sylvain Prudhomme, une merveille, et Les Jungles Rouges de Jean-Noël Orengo.

[Mark Chopper]

Je ne te lis pas, je l'achète la semaine pro

[Val]

Il n'y a quasiment pas de spoils de toute façon.

[osorojo]

La déception est à la hauteur des attentes que je plaçais dans ce nouveau Damasio. La plume virevoltante de La horde est toujours de la partie, mais j'ai eu cette désagréable sensation qu'elle se voulait plus politisée, bien trop moralisatrice. En redresseur des torts d'un monde moderne qui tend à cloisonner l'humanité dans un bonheur fantasmé, Damasio pointe du doigts les dérives du tout connecté, des réseaux sociaux 2.0 et va même jusqu'à faire corps avec le champ lexical des réalités virtuelles et des duels multiplayers qu'il ne maîtrise qu'à 70%. Du coup, quand Tony tout fou prend la parole, le malaise frappe, quand on est joueur en ligne depuis toujours, qu'on est rompu à l'argo anglophone de ce petit monde, lire un non initié tenter de se l'approprier est étrange.

D'autant plus que ces passages malhabiles ne font que s'ajouter à un surplus de mots qui ampoulent un récit et une mythologie pourtant exceptionnelle si on la considère du point de vue de l'imaginaire. Comme il le faisait avec le vent pour tourner les têtes d'un panel de personnages attachants, Damasio construit un monde qui s'articule autour d'une espèce fantasmée nourrie à la poésie qui fonctionne à plein tube. Dommage qu'entre les chasses stimulantes du début et l'apesanteur un brin naïf de la fin, il faille se coltiner une apologie anarchiste qui manque de nuance.

Enfin, s'il arrivait à contenir les élans fous de sa plume radicale dans la Horde, il rompt la bride dès le début du roman ici. En résulte des personnages moins touchants, voir carrément insupportables. Alors que je gloussais comme un nouveau lecteur en découvrant le symbole de chaque perso avant un énième contrage de bourrasque, je me suis vu soupirer ici à maintes reprises en me rendant compte que j'allais me taper un passage ampoulé du hacker robotique de la bande, de l'argo poussif qui essaye de faire jeune d'une forte tête du groupe ou pire encore des pages interminables qu'il faut décrypter tant le franglais chaotique est souvent à la limite du bitable et le parler furtif carrément chiant.

Enfin, alors que l'effort pour y parvenir est conséquent, j'ai trouvé la fin assez convenue, peu inspirée. J'me suis même dit "tout ça pour ça", damn, je m'en voudrais presque ( Tristesse. Peut-être que je suis passé à côté, et c'est tant mieux pour les autres.

[elpingos]

Il me reste une cinquantaine de pages et je te rejoins entièrement... Douche froide

[osorojo]

L'assassin qui est en moi, Jim Thompson

Je m'attendais à un truc de dingo vu les quelques avis lus à son propos mais bon rien d'insoutenable à l'horizon. Ça se lit d'une traite ou presque, pas vraiment de style, aucun bout de gras, juste de l'efficace. J'ai apprécié du coup, le mec va a l'essentiel, c'est nerveux quand il faut et l'humour parfois glauque est de la partie. Je vais en lire d'autres du bonhomme.

[Val]

Les premières listes des deux principaux prix littéraires sont tombées :

Renaudot :

Les petits de décembre de Kaouther Adimi (Seuil)
Le ghetto intérieur de Santiago H. Amigorena (P.O.L)
Le ciel par-dessus le toit de Natacha Appanah (Gallimard)
La Maison d'Emma Becker (Flammarion)
Le continent de la douceur d’Aurélien Bellanger (Gallimard)
La part du fils de Jean-Luc Coatalem (Stock)
Scrabble de Michael Ferrier (Mercure de France)
Un monstre et un chaos d’Hubert Haddad (Zulma)
La symphonie du nouveau monde de Lenka Hornakova-Civade (Alma)
La chaleur de Victor Jestin (Flammarion) - premier roman
Le Bal des folles de Victoria Mas (Albin Michel) - premier roman
Cora dans la spirale de Vincent Message (Seuil)
Loin d'Alexis Michalik (Albin Michel) - premier roman
Les jungles rouges de Jean-Noël Orengo (Grasset)
Par les routes de Sylvain Prudhomme (Gallimard)
Pourquoi tu danses quand tu marches? de Abdourahman A. Waberi (J-C. Lattès)

Goncourt :

Le ghetto intérieur de Santiago H. Amigorena (P.O.L)
Le ciel par-dessus le toit de Nathacha Appanah (Gallimard)
Un dimanche à Ville-d'Avray de Dominique Barbéris (Arléa)
La part du fils de Jean-Luc Coatalem (Stock)
Mur Méditerranée de Louis-Philippe Dalembert (Sabine Wespieser)
Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon de Jean-Paul Dubois (L'Olivier)
Un monde sans rivage d'Hélène Gaudy (Actes Sud)
Rouge impératrice de Léonora Miano (Grasset)
La terre invisible d'Hubert Mingarelli (Buchet Chastel)
Soif d'Amélie Nothomb (Albin Michel)
Avant que j'oublie de Anne Pauly (Verdier)
Sœur d'Abel Quentin (L'Observatoire)
Extérieur monde d'Olivier Rolin (Gallimard)
Le cœur battant du monde de Sébastien Spitzer (Albin Michel)
Les choses humaines de Karine Tuil (Gallimard)

Bien que j'ai toujours énormément de réserves sur les prix littéraires qui ne peuvent difficilement récompenser autre chose qu'un roman consensuel par définition. Mais, comme je suis cette année moi-même juré d'un prix, je ne serais pas trop méchant maintenant que je connais l'envers du décor.

Sinon, je suis définitivement du côté Renaudot qui retient les trois livres que j'ai préféré cette année : Sylvain Prudhomme, Jean-Noël Orengo et Aurélien Bellanger. Dans la liste, le Jean-Luc Coatalem et Nathacha Appanah ne déméritent pas, mais me semblent plus faibles.

Je préfère ne pas parler d'Amélie Nothomb dans le Goncourt...

Sinon, non présents dans ces listes, voici les autres livres que j'ai aimés dans cette rentrée :

Cent millions d'années et jour de Jean-Baptiste Andréa (amateurs de Werner Herzog : c'est pour vous)
Une bête au paradis de Cécile Coulon
Journal de L. de Christophe Tison
Feel Good de Thomas Gunzig
Une joie féroce de Sorj Chalandon

En attendant d'autres lectures...

[Mark Chopper]

Je ferai un top 10 de mes lectures de l'année, fin décembre ou début janvier...

Ce serait bien que tu fasses pareil... D'ici là, les médiathèques de ma ville auront fait le plein en nouveautés de la rentrée littéraire.

[Mr Jack]

L'assassin qui est en moi, Jim Thompson

Je m'attendais à un truc de dingo vu les quelques avis lus à son propos mais bon rien d'insoutenable à l'horizon. Ça se lit d'une traite ou presque, pas vraiment de style, aucun bout de gras, juste de l'efficace. J'ai apprécié du coup, le mec va a l'essentiel, c'est nerveux quand il faut et l'humour parfois glauque est de la partie. Je vais en lire d'autres du bonhomme.

J'en ai quelques uns, pas encore sauté le pas. Dans le style polar efficace et psychologique, tu peux tester David Goodis et Robin Cook (UK) si c'est pas déjà fait.