Seconde vision et autant le film n’avait pas très bien vieilli en tête depuis la séance de cinéma, autant j’ai vraiment apprécié de le revoir. Peut-être que la découverte en salle avait été synonyme de déception (dans la filmographie de PTA, c’est quand même son moins bon depuis
Hard Eight), et que cette même déception a désormais été relativisée quand on voit les deux films suivants du bonhomme (
Phantom Thread encore je peux comprendre qu’on apprécie, mais alors
Inherent Vice c’est juste un grand non). Bref, le fait est que j’ai un peu plus apprécié à la revision, sûrement parce que ça me paraît encore plus évident aujourd’hui que
The Master est une réelle continuité du film précédent de PTA,
There will be blood. On y retrouve le même rythme, la même construction scénaristique, quasiment la même équipe technique, et grosso modo la même thématique : la rencontre entre un pouvoir spirituel et un être complètement imprévisible.
Sur le même sujet, beaucoup de réalisateurs auraient simplement livré un film sur les débuts de la scientologie (car c’est clairement de ça dont il est question, bien que ce ne soit jamais explicité), et PTA arrive à déjouer ce piège de la facilité en livrant le portrait d’une relation de deux hommes que tout oppose, mais qui vont quand même se retrouver lié, chacun étant attiré par son contraire. On va donc suivre un électron libre paumé, un alcoolique en puissance qui vit au jour le jour et dont la seule qualité est d’être capable de produire de l’alcool qui déboîte avec quasiment n’importe quoi, et qui va rencontrer par hasard la route d’un maître de secte, qui va chercher à donner un sens à sa vie. Cette relation entre les deux hommes, c’est clairement le gros point fort du métrage, tout passe par elle, et c’est d’autant plus passionnant que ça revient finalement à voir l’exact opposé de
There will be blood, avec deux personnages qui attendent chacun quelque chose de l’autre, mais qui n’arriveront pas à trouver ce qu’ils cherchent, seulement une amitié temporaire.
L’autre grande qualité du film, c’est clairement son casting : Joaquin Phoenix est complètement habité au point que ça en devient flippant, Philip Seymour Hoffman trouvait là le dernier grand rôle de sa carrière, et Amy Adams montrait déjà que même avec peu de présence à l’écran elle est capable de marquer durablement (elle n’a pas beaucoup de scènes, mais le peu qu’elle a montre clairement l’ascendant qu’elle a sur le reste des personnages). Sinon, c’est marrant de revoir le film et de constater qu’il y a beaucoup de seconds rôles qui ont, depuis, percé, notamment Jesse Plemons et Rami Malek. Et puis il y a la forme du métrage, et là pour le coup je n’ai rien à redire : c’est sublime de bout en bout, une sorte de perfection visuelle
. Je ne sais pas si c’est le choix du 70mm ou si le fait d’avoir, pour la première fois, changé de chef-opérateur (on a cette fois celui des derniers films de Coppola père), a permis à PTA de trouver une sorte de rafraîchissement, mais il y a clairement un truc dans ce film qui rend chaque plan assez fascinant, notamment dans la façon de gérer les contrastes. Formellement, j’aurais presque envie de dire que c’est l’apogée du style de PTA initié depuis plusieurs années, et les deux films suivants seront à mon sens une sorte de régression et de répétitivité. Au final, le seul gros défaut que je pourrais reprocher au film, c’est son rythme moins bien géré que celui de
There will be blood, mais pour le reste sinon c’est clairement le dernier bon film de son auteur en date.