Une très belle surprise ce
Pleasantville qui m’apparaît être un film injustement méconnu (il a son cercle de fans, mais j’ai l’impression qu’il ne soit pas très étendu) alors qu’on pourrait facilement le ranger parmi les réussites du cinéma américain de la fin des années 90, célébrant le passé pour finalement en faire table rase et pousser le spectateur à penser le nouveau siècle qui arrive. Alors clairement, le CV du réalisateur, qui a depuis alterné entre le sympathique (
Seabiscuit) et le mauvais (le reboot d’Oceans, c’est lui) ne joue pas en la faveur du film, mais rapidement on se rend compte que le mec avait réellement quelque chose à dire à l’époque et qu’il y a mis ses tripes. De là à penser que ça restera l’homme d’un seul film, il n’y a qu’un pas.
On se retrouve donc avec un film particulièrement ludique, que j’oserais définir comme étant à la télévision ce qu’était
Last Action Hero pour le cinéma, et pour cause : le script se base sur le même concept, avec deux ados des 90’s qui vont se retrouver propulsé, à cause d’une télécommande magique, à l’intérieur d’une sitcom des années 50. Comme le film de McTiernan,
Pleasantville se veut être un récit sur les illusions : en apparence l’univers de la sitcom est parfait au possible, et peu à peu, avec les personnages principaux qui bousculent les conventions, on va peu à peu se rendre compte que derrière la société parfaite se cache un refoulement de quasiment tout ce qui fait la nature humaine. Non seulement le film se révèle être une comédie particulièrement drôle (les passages où la sœur fait découvrir les joies du sexe aux personnages aseptisés de la sitcom), mais plus le film avance et plus la profondeur du script donne le vertige, où derrière le divertissement sympathique se cache une réflexion sur l’art, l’amour, la cinéphilie, le totalitarisme, le racisme, et plus globalement sur la société américaine du 20ème siècle.
A partir de là,
Pleasantville captive par son propos, et s’avère particulièrement fin avec sa morale finale, invitant les spectateurs à apprendre des erreurs passées (souvent dissimulées étant donné que la période américaine des 50’s est particulièrement idéalisée) pour construire un avenir meilleur. Ça donne au film un aspect feel-good tout ce qu’il y a de plus plaisant, et c’est d’autant plus surprenant que, encore une fois, on n’attendait pas forcément ça d’une comédie basique en apparence (ce qui pourrait expliquer le semi-échec du film au box-office). Visuellement, le film n’est pas en reste : au-delà d’un travail de la caméra qui pourra paraître fonctionnel, toute la mise en scène est transcendé par un parti-pris simple, à savoir celui d’avoir une majorité du métrage en noir et blanc, avec des éléments en couleur qui apparaissent de plus en plus au fur et à mesure que les sentiments humains sont assumés. Sur le papier, ça peut paraître simpliste, mais c’est d’une redoutable efficacité à l’écran. Et puis le film avait la qualité de révéler deux excellents acteurs : Tobey Maguire et Reese Witherspoon, tout en ayant une super galerie de seconds rôles, Joan Allen et Williams H. macy en tête (“Honey, I’m home !”
). Cerise sur le gâteau, la chanson de fin : une jolie reprise de Across the Universe par Fiona Apple, dont je connaissais le super clip réalisé par Paul Thomas Anderson, mais dont j'ignorais totalement la filiation avec
Pleasantville. Un beau petit film, ludique, naïf (mais pas niais) et intelligent, qui mériterait largement d’être plus connu.