par osorojo » Dim 30 Déc 2018, 14:14
Roma : 5/10
Roma est un film de technicien avant d'être un film de narrateur et ça me pose problème. J'ai du mal à y trouver l'intime vanté partout parce que j'y sens la technique à chaque mouvement de caméra.
Je me sens fourvoyé par cette volonté de composer l'image parfaite qui conduit à une mécanisation des personnages.
Alors quand l'émotion se fraye un passage à coups de forceps dans les derniers instants du métrage, je ne parviens pas à la trouver sincère. Le coup du sort qui frappe Cléo est forcément prenant, comment rester insensible face à ce qui se joue à l'image, mais c'est bien l'horreur de la situation (et l'impudeur crasse qui la caractérise) qui serre le coeur, et non, finalement, la tristesse de voir ce personnage fonctionnel perdre une partie de sa personnalité, cette dernière étant presque inexistante.
Cette recherche de perfection formelle avait déjà bousillé mon plaisir devant Gravity, mais là elle se combine à une mise en scène maniérée qui me fait grogner. Roma est indéniablement un film de grand photographe, mais ce coup d'oeil qui cherche à convaincre en permanence est aussi son plus gros défaut. Chaque plan se prolonge inutilement pour laisser l'homme derrière l'objectif justifier son placement de caméra, on pourrait presque l'entendre ronronner de satisfaction. C'est un vrai problème pour moi.
Du coup, je sors du film avec un respect immense pour le savoir-faire du bonhomme mais j'étais déjà bien conscient de son habileté à ce niveau-là. Par contre, les inquiétudes que j'avais de le voir se complaire à composer du bel ouvrage au détriment de ses histoires/personnages se cristallisent : après Sandra Bullock qui faisait le clébard dans Gravity, la pauvre Cléo est réduite dans Roma à un punching ball sans libre arbitre que son auteur dépossède sadiquement du peu de pudeur qu'il consentait à lui accorder.
De là à dire que je trouve la démarche malhonnête, il n'y a qu'un pas que je ne franchirai pas, mais j'avoue avoir du mal à saisir l'enjeu global du film et je me questionne encore du choix d'inviter la caméra au sein d'une cellule familiale bourgeoise en crise tant ce contexte ne se contente que d'être un accessoire facililant les belles prises de vue dans des demeures aux espaces flatteurs. L'accolade finale est parlante : très belle dans sa symbolique mais dépouillée de toute émotion : les mots que la matriarche consent enfin à offir à Cléo n'ont pas l'effet escompté.
TLDR : Roma c'est 10/10 pour une expo au Centre Pompidou. Mais c'est à peu près tout et c'est bien trop court à mon sens pour porter 2 longues heures de film.