J’avoue que celui-là, depuis l’annonce du projet, je n’y ai jamais cru. L’obsession qu’a Eastwood sur le mythe du héros américain devient de plus en plus gênant au fur et à mesure de ses projets, et celui-ci on pouvait sentir dès la bande-annonce que ça serait le film qui va trop loin. L’existence même du projet est fascinant tant ça ne mérite pas un film, ou comment Eastwood, d’une action de quelques minutes dans un train, va en tirer un métrage de 1H30 qui va expliquer que les actions décisives des personnages ont été le résultat de choix précis faits durant leur existence
. Sur ce point, le script va tellement loin que ça a provoqué chez moi des rires nerveux, entre les dialogues du style “il faut passer par la France car mon intuition me dit de le faire, et je ne dois pas résister à la force du destin qui me pousse à aller là-bas” et la scène de la prière du gamin de six ans qui vient de décevoir sa mère, où il demande à Dieu de faire de lui un défenseur des bonnes causes, c’est puant à l’extrême et ça témoigne d’une absence de recul total sur le sujet.
On me dirait que le film a été écrit à l’arrache en quelques jours que je ne serais pas surpris (et c’est le premier travail d’une scénariste, autant dire que la nana a zéro avenir dans le ciné
). En fait, dès les premières minutes le film pose le niveau de ce qui va suivre, avec une scène où une prof convoque deux mères en leur disant que leurs gosses respectifs doivent prendre des médocs pour soigner un trouble de l’attention. L’espace d’un instant, on se dit que Eastwood en profite pour critiquer l’éducation aux States, mais à partir du moment où l’une des mères rétorque “mon Dieu est plus grand que vos statistiques”
on sait qu’on navigue dans le délire conservateur simplet le plus complet, aux accents de propagande religieuse, mais aussi militaire (le salut militaire pour se dire au revoir des deux gosses de dix ans lorsque l’un d’entre eux doit déménager, c’est complètement gênant
).
Eastwood essaie vaguement de raconter une histoire d’amitié au début, mais même dans cette partie qui est la moins insupportable du film ça sonne complètement faux entre les gamins à la ramasse, les dialogues insipides et les moments où tu te demandes comment quelqu’un a pu approuver ça (tu veux devenir ami avec un black : tu vas en colle avec lui, tu lui fais un check, il fait un check à ta mère, et le tour est joué
). La partie militaire n'arrange clairement pas les choses : ça a beau ne pas tomber dans le sucage de l’institution militariste, Eastwood ne sait toujours pas quoi raconter en enchaînant les séquences sans intérêt. Dans cette partie, qui dure un bon gros tiers du métrage, la seule chose utile qu’on apprend est que l’un des héros a appris à arrêter une hémorragie et à maîtriser un adversaire au corps à corps chez les Marines, merci Eastwood il me fallait vraiment quarante-cinq secondes noyées dans vingt minutes sans intérêt pour le comprendre…
Et puis vient le coup de grâce : le voyage en Europe. Pour le coup c’est bien simple, c’est Eastwood qui se paye des vacances à Venise, Amsterdam et Gennevilliers (bah oui c’est le meilleur endroit pour y tourner une scène berlinoise, c’est bien connu
), et qui filme par moment ses personnages en train de prendre des selfies, de boire des bières, de manger des pizzas ou de danser en boîte. Là aussi, le niveau des dialogues est de haute volée avec des trucs du genre “il est cool ton selfie, le mien est un peu trop flou, je vais recommencer”
et ça pendant vingt minutes
. A ce stade, c’est vraiment du non-cinéma, et de la part d’un gars qui représente à lui seul une grande partie du cinéma américain contemporain, c’est quand même la loose ultime. Et puis mention spéciale au final avec François Hollande, ça aura au moins eu le mérite de nous rappeler que le monde entier avait de quoi rire en voyant la gueule de notre président
. Très sincèrement, quand j’avais vu
Au-delà, je pensais que Eastwood avait touché le fond, mais le mec a réussi à faire encore pire, et ça c’est pas un mince exploit. Comme quoi vieillir ça ne réussit pas à certains.