La séquence d’introduction de
Tango est particulièrement représentative du film : un aviateur casse-cou découvre que sa femme le trompe. Dans une ambiance légère et bon enfant, alors qu’on s’attend à voir une petite comédie comme tant d’autres, l’aviateur provoque l’accident de voiture de l’amant, avant de balancer sa femme depuis son avion à plusieurs dizaines de mètres de hauteur
. A son procès, le bonhomme est considéré comme innocent à l’unanimité
. Voilà, il suffit de ce premier quart d’heure pour poser les bases d’une comédie qui ne pourrait décemment pas être produite en 2018, où on va suivre un trio d’hommes blasé par les femmes, au cours d’un périple pour aller tuer la femme de l’un d’entre eux, qui vient de le quitter à raison pour son infidélité, mais qu’il ne peut pas oublier. Clairement, il faut apprécier l’humour noir, absurde, et le non-sens pour apprécier à sa juste valeur ce road-movie atypique, dans lequel on déclare une haine profonde envers la gente féminine, avant de se rendre compte que, finalement, on ne serait pas grand chose sans elle. Tout est mis au service du rire : les situations improbables s’enchaînent et les répliques cinglantes (souvent hilarantes) fusent toutes les deux minutes, mais malheureusement cela se fait au détriment des personnages, qui sont un peu inégaux sur leur évolution. Une scène du film résume parfaitement ce qui empêche ce dernier d’être une grande comédie : en trois minutes d’apparition en tant que caméo, le personnage de Jean Rochefort est plus touchant et intéressant que les trois héros que l’on suit durant tout le film, autant dire qu’il y a de quoi se poser des questions.
"Mon grand-père disait : Une bonne branlette vaut mieux qu'un mauvais mariage.
Il joignait souvent le geste à la parole. Ma pauvre grand-mère fondait en larmes." C’est d’autant plus dommage qu’à côté de ça le film a un véritable charme, par son humour tout d’abord (c’est rare de voir ce genre de gags ou répliques dans un film français), mais aussi par la mélancolie qu’il dégage, et sur ce point on sent tout à fait la patte et la poésie de Leconte (le tango dont on ne peut régler le volume notamment). En plus côté casting, ça fait bien le taff, le seul sur lequel j’aurais quelque chose à redire c’est Lhermitte où l’on sent assez vite ses limites de jeu (ça va la majorité du temps, mais par moment il récite de façon trop théâtrale son texte). Pour le reste, Noiret vole quasiment chacune de ses scènes (faut voir le rôle aussi
), Bohringer est nickel dans ce registre, Rochefort comme je l’ai déjà dit il lui suffit de quelques minutes pour montrer qu’il est le meilleur acteur, et cerise sur le gâteau le casting féminin est très agréable à regarder : Miou-Miou, Godrèche, Laroque, Bouquet et même Bouchez le temps de quelques plans, il fallait clairement d’aussi jolies femmes pour faire tourner la tête à des personnages aussi misogynes ("Accélère, je suis en train de m'attacher"
). Sur la mise en scène, je dirais clairement pas que c’est ce qu’on peut trouver de mieux chez Leconte, mais encore une fois on sent une réelle différence avec la comédie française de base : là on sent une identité, des idées de mise en scène, et rien que le générique de début, qui est pourtant tout bête sur le papier (un long plan le long d’une route, deux mouvements de caméra) permet d’apporter une ambiance. Bref, c’est pas la comédie la plus réussie ou la plus subtile de Leconte, mais c’est tellement agréable de voir un humour aussi jusqu’au boutiste que c’est un film que je conseillerais sans aucun problème (sauf à des féministes endurcies qui risquent de passer à côté du message du film, cf la polémique de misogynie qui a accompagné la sortie du métrage
).