Le Privé - Robert Altman (1973)
Il n'y a pas a dire depuis sa découverte quelque peu hasardeuse au détour d'un Cash Converters il y a de cela quelques années,
Le Privé reste un des jalons de mon panthéon perso en amoureux de polar, et plus encore de sa période décalée, les années 90 où certains inconnus comme Quentin Tarantino et Shane Black montrait que l'on pouvait aborder le genre différemment. Sauf que voilà dans l'esprit des cinéphiles, tout semble avoir commencé avec ces deux noms or découvrir
The Long Goodbye aujourd'hui devrait faire l'effet d'une bombe car tout y était sans l'ombre d'une hésitation, le privé a côté de ses pompes, les bons mots et les situations cocasses (l'intro du perso de Marlowe qui consiste en une balade nocturne dans les rues de LA a la recherche d'une boite de pâtée pour chat pendant une bobine entière
).
Pourtant, c'était loin d'être gagné avec Robert Altman a la réal, le pape du film choral reussit le pari haut la main, en limitant ses personnages a leur strict minimum et en optant pour une mise en scène audacieuse avec un refus du champ contre-champ, allant parfois jusqu'a utiliser les reflets des vitres pour rajouter un personnage dans le cadre sans procéder a la moindre coupe. Idem pour les zooms poussés dans leur derniers retranchements, a se focaliser en plein dialogue sur un détail qui amorce progressivement en arrière-plan (la scène de la plage en pleine nuit). Au delà de son intérêt technique, Le Privé doit beaucoup et surtout a son acteur principal, Elliott Gould qui campe l'anti-thèse du privé tel qu'on le connaissait jusque là : lunaire, constamment malmené par son environnement, fumeur compulsif qui craque ses allumettes partout, anachronique par ses vêtements, sa bagnole et sa droiture morale. Un personnage qu'on pourrait voir comme un nigaud mais qui dans sa nonchalance de tous les instants en dégage un cool comme rarement au ciné et un humour plus finaud qu'il en a l'air, surtout quand ses assaillants sont hystériques ou menteurs, le décalage n'en est plus que savoureux. D'ailleurs, j'aime bien le fait qu'Altman ne fasse pas complètement table rase du passé et entretient une série de dialogues avec les différents films noirs qui l'ont précédé, tout comme Shane Black se souviendra a son tour du
Privé dans
The Nice Guys, une manière humble de rendre a César ce qui appartient a César.
45 ans après, je trouve que l'ensemble n'a pas pris de rides (a moins d'être allergique au style des 70's, mais on peut plus rien faire pour vous
). A découvrir si ce n'est pas encore fait !
9/10