Sinon, après avoir partagé la mienne avec quelques membres par MP voici mon texte, pour le même concours :
http://short-edition.com/fr/oeuvre/tres ... edempteurs
Aaaah, c'est un truc sur le thème de la brume. Bon, ça explique des choses sur le texte de Jack Spret.
Ok.
Puisque ça a l'air demandé, je vais me permettre d'y aller également de mon avis, qui est mitigé. En espérant que la critique ne sera pas mal prise.
Grosso modo, on va dire qu'entre les deux textes (même thread, même concours, la comparaison vient forcément), j'ai préféré l'idée et le propos, mais la forme est très clairement en dessous.
Pour le fond d'abord, j'ai trouvé ça plutôt intéressant. On a une situation extraordinaire, et un personnage impuissant face à cela. De ce que j'en comprends, on perçoit le tout de son point de vue, les théories qu'il échafaude, etc.. Sur tout ça, ok ; la volonté d'avoir une narration presque poétique par moments, pourquoi pas, mais c'est déjà là qu'il va y avoir un moment.
Mon principal problème dans tout ça, c'est qu'on a un narrateur interne, mais que c'est écrit, sur le plan stylistique, comme si c'était un narrateur omniscient. J'ai beau relire le texte, je ne vois rien qui me dise qui est ce personnage : c'est un inconnu, un mec lambda, en ce cas. Mais la narration m'indique autre chose : il n'a pas une réaction de personne lambda, il a une réaction de poète, de rêveur... Il n'a jamais l'air effrayé par ce qu'il voit, juste fasciné. Le texte aurait gagné à avoir des moments ; certes, les règles du concours ont l'air d'imposer quelque chose de court, mais il n'empêche. D'abord l'effroi, la fuite, l'instinct ; et puis le regard en arrière, la fascination, la tentative de comprendre et de mettre des mots sur l'inexplicable.
Je rajouterais que je pense que tu es conscient de ce problème, parce que tu ajoutes des morceaux qui rappellent que c'est un narrateur interne, tant on l'oubliait presque, et ces morceaux font d'autant plus artificiels. On a une seule voix, qui passe de la fascination face à la vue de ce qui lui rappelle de champs neuronaux à un prosaïque "je me rappelais avoir lu un article". Comme si dans ce monologue, il y avait, par force de nécessité, plusieurs discours : le discours poétique, qui donne à regarder* et un discours plus concret qui vise à expliquer et donne l'impression que tu veux être sûr que le lecteur se raccroche à quelque chose de tangible. A titre personnel, j'aurais nettement préféré me contenter de regarder, fasciné, avec lui, et me faire ma propre hypothèse sur ce qui se passe.
J'ai mis un * parce que j'écris un peu tout ça à la volée et que c'est un élément frappant que je ne voulais pas oublier. J'ai mis "qui donne à regarder", parce que la vue est quasiment le seul sens sollicité ici. Bon, sur un forum de cinéma, donc lié à l'image, ce n'est pas incompréhensible, mais c'est un texte et c'est le moment d'aller chercher d'autres sens. Sans cela, on n'a qu'une suite d'images, et c'est un petit peu réducteur par rapport à ce que peuvent évoquer les mots. Et une fois que ce détail m'est apparu, je l'ai aperçu dans plein d'endroits. Par exemple, quand tu parles des réseaux qui ressemblent à un champ neuronal : c'est une image, et ça marcherait à l'écran sans aucun souci. Mais là, dans le texte, ça ne marche pas, ça marche si peu que tu es obligé de dire à quoi ça ressemblerait. Tu retires l'évocation et tu placardes l'image.
Pour prendre un exemple au sein du texte, il suffit de comparer deux passages :
Une chose se dessina derrière la brume , esquissant les traits d'une structure démesurée. Les battements continuaient , des éclairs rouges ou violets zébraient la zone et je pouvais distinguer des bâtiments durant ces brefs intervalles.
Je vis des réseaux qui ressemblaient à un champ neuronal
Dans le premier, tu assembles des éléments et tu évoques des images ; dans le deuxième, tu forces une image précise.
Au-delà de tout ça, comme je le disais, il y a un paquet de problèmes liés à la forme. Donc je vais me permettre de disséquer un peu ; mes excuses par avance pour la longueur et l'aspect quote-war de la suite.
Quand le smog dissimula la ville entière derrière une barrière brunâtre d'ozone, le vent absent laissait un vide dans ce paysage idyllique, tout de chlorophylle perlée de rosée.
Sans vouloir donner dans le cours de français, il y a un problème de concordance des temps. Pour que ce schéma fonctionne (la principale à l'imparfait, la subordonnée au passé simple), il faut une action subite (passé simple) qui vient interrompre une action longue, répétitive.
Ici, le problème vient de la principale ; si on l'isole "le vent absent laissait un vide dans ce paysage idyllique [...]". Bon, d'abord, et sans vouloir offenser qui que ce soit, elle ne veut pas dire grand chose. Mais en admettant que, "laisser un vide", c'est une action qui ne peut pas réellement être interrompue par le "quand".
Pour que cela fonctionne, il faudrait une idée de temps et de durée. "Le vent absent laissait depuis bien longtemps un vide, quand le smog dissimula la ville entière".
Et on en vient au premier souci : surtout sur un sujet de textes courts, et dans lequel il y a plein d'entrées, il faut que la première phrase capte l'attention, et soit excellente. Ici, elle est fausse, et au mieux elle est étrange et sonne bizarrement au bout de la langue. Pour être honnête, si j'avais parcouru le site en question à l'aveugle en cherchant des entrées du concours au hasard, je n'aurais pas poursuivi plus loin que celle-ci.
Je m'étais réfugié sur une colline afin de fuir, par instinct et le plus vite possible, ce à quoi mes sens éveillés avaient alertés.
"ce dont mes sens éveillés m'avaient alerté"
(l'adjectif "éveillés" me semble superflu, mais là on entre dans l'ordre du style, donc c'est autre chose)
Du haut de ce promontoire, le tableau était magnifique et sordide. A la fois insoutenable et hypnotique. Les sons du tumulte me laissaient imaginer l'horrible scène
Tiens, aparté au sein de la dissection grammaticale, mais il y a quelque chose que je ne comprends pas trop, ici.
D'abord, tu nous dis qu'il est monté sur une colline. D'en haut, il voit, c'est logique, et tu nous parles donc du tableau. Et ensuite, tu parles d'imaginer la scène. J'en ai déduit que la suite était le fruit de son imagination.
Mais de quel tableau parle-t-on alors ? Le tableau de la première phrase ? Cela ne me paraît pas clair.
On hurlait, on toussait, on se débattait mais la peur empêchait les hommes d'agir avec raison.
Le "mais" n'est pas incorrect grammaticalement, mais au niveau du sens. C'est une conjonction qui sert à opposer deux choses contradictoires, ce qui n'est pas le cas ici.
Si tu avais dit "on cherchait à s'en sortir, mais la peur empêchait les hommes d'agir avec raison", il y aurait déjà plus de sens. En l'occurrence, on pourrait remplacer par deux points, ce serait pareil, voire plus approprié.
Par ailleurs, la deuxième partie de la phrase pourrait être au présent de vérité générale : "la peur empêche les hommes d'agir avec raison" ; c'est le propre de la peur.
Les particules fines, bien plus nocives qu'auparavant, avaient asphyxié toute la population.
Au niveau du sens, je trouve ça peu clair, ici. On est encore dans ce qu'il s'imagine, ou dans ce qu'il se passe vraiment ? Si c'est ce qu'il se passe vraiment, comment le sait-il, vu qu'il s'est enfui à tire d'ailes et ne voit pas ce qu'il se passe ?
De rares rescapés émergeaient de l'énorme masse devenue brumeuse, tels des déments ou des personnes immolées mais furent vite rattrapés.
Soit "émergèrent [...] mais furent vite rattrapées", soit "émergeaient [...] mais étaient vite rattrapées".
Point plus mineur, je rajouterais une virgule après "immolées", pour bien marquer la différenciation entre les propositions.
Le sixième sens des animaux était en retraite ce jour-là et aucun d'entre nous ne se doutait de ce qui allait arriver.
Tiens, cette phrase rejoint un peu ce que je disais plus haut sur la prégnance des codes cinématographiques. Les animaux qui pressentent orages, ouragans et autres catastrophes naturelles, ce n'est effectivement pas qu'au cinéma, mais la pensée fait très peu spontanée. De la part d'un personnage, je m'attendrais bien plus à ce qu'il se fasse une réflexion à base de "Tiens, d'ailleurs, mon chien allait très bien ce matin, il n'a rien vu venir lui non plus".
Ce n'est évidemment pas impossible que quelqu'un se fasse la réflexion que tu y as mise, mais ça me paraît assez peu plausible. C'est le genre de petites phrases qui m'a tiré du point de vue que tu essaies (je crois, du moins) de donner au texte.
À mes yeux, le ciel orangé du matin offrait un spectacle inouï qui ne tranchait pas avec le massacre officiant sous mes yeux.
J'hésite à le mentionner parce que licence poétique tout ça, mais au cas où : le verbe "officier" est un verbe d'action. Ce n'est donc en théorie pas le massacre qui officie, mais plutôt le massacre qui "est officié" par quelque chose.
Sinon nouvelle incompréhension : il voit ce qui se passe, finalement, ou pas ? Jusqu'ici, on a l'impression que non, et qu'il s'imagine des choses (c'est ce qui est dit dans le paragraphe précédent, du moins).
Le nuage fulgurant se transforma, telle une mutation imprévisible annonçant une métamorphose.
Ahem. Là on est plus de l'ordre du style, mais tu dis trois fois la même chose. Une transformation, c'est une mutation, c'est une métamorphose.
Donc dire qu'il se transforme, telle une mutation, c'est déjà un peu étrange, mais si en plus ça annonce une métamorphose, c'est à n'y plus rien comprendre !
Le risque de la licence poétique et de laisser prime le style sur le sens, c'est d'alourdir pour rien et de transformer quelque chose de simple en quelque chose de pompeux.
J’eus l'impression qu'il était vivant. La masse qui emprisonnait la commune se rétracta sur elle- même à partir du sol dans un mouvement qui semblait tenir de l'arachnide, ce qui l’allongea et l'étira jusqu'au faite des plus hautes constructions, jusqu'à prendre un vague contour semi-sphérique.
Très joli, surtout le début. La deuxième phrase pourrait être séparée en deux, potentiellement après "arachnide" ; "ce qui", c'est assez inélégant et ça gâche un peu une phrase et une image du reste très réussies.
Et "faîte", pas "faite".
Mais le smog annula tout.
Un peu étrange cette interjection, surtout au regard (encore) de l'utilisation des temps.
On a l'impression que c'est fini ; alors qu'on en sait rien, c'est en cours, pour le narrateur. "Le smog venait de tout annuler" serait plus logique. Et puis, quitte à faire dans le style "balayer" ou "réduire à néant", c'est pour le coup plus joli qu'annuler qui fait assez procédurier.
J'essayais de comprendre ce qui avait pu se passer...
Urgh. On l'a compris, ça, pas la peine de le redire, surtout que tu es limité en mots !
Ou alors, sur un mode moins passif et une voix plus directe. "Qu'avait-il bien pu se passer ?", ce qui aurait la vertu de rompre le rythme de narration en ajoutant une phrase interrogative.
Tout cela tenait du surnaturel.
Idem qu'au-dessus, moins la partie interrogative.
Si tu dois dire quelque chose comme ça, c'est que ce n'est pas évident.
Or, ici, ça DOIT être évident.
Et en plus, comme quoi j'ai beau pointer plein de petites choses du doigt, il y a des choses qui marchent, ça l'est !
Je vais modérer mon propos : l'objectif peut être d'avoir un narrateur qui rationalise toute la situation et refuse d'y voir du surnaturel, quitte à jouer le ton de l'absurde ; mais ça ne semble pas être la volonté ici.
un brusque grondement me fit sursauter : des oiseaux s'envolèrent d'un arbre à quelque distance de moi et d'un groupe de survivants que je n'avais pas remarqués.
Ce passage me fait penser à mon propos précédent sur les codes cinématographiques ; on est ici aussi, à mon sens, dans quelque chose qui appartient plus au cinéma qu'à la littérature.
Le bruit qui fait tourner la tête et attire l'attention sur autre chose, ça fonctionne au cinéma, mais ici c'est assez superflu. Quel est l'intérêt narratif de ces oiseaux ? Ont-ils une signification, une importance ? Si oui, il ne me paraît pas être mis en évidence ; si non, nulle besoin de cela pour qu'un mouvement à sa gauche capte l’œil du narrateur, qui s'aperçoit qu'il y a d'autres survivants qu'il n'avait jusqu'ici pas remarqué.
Petite remarque autre sur cette phrase : tu précises plus tôt dans ton texte que le narrateur regarde autour de lui, et ne voit personne. Comme autour de lui, hors du brouillard, rien ne semble avoir changé, c'est un peu étrange.
La cloche miroitante décolla la terre trembla puis un son sismique fit renaître ma peur mais la fantasmagorie de la scène m'exalta à tel point que j'étais fasciné par ce qui se déroulait sous mes yeux.
Il manque des virgules, et peut-être même un point ou deux pour découper ça !
Je n'allais pas faire partie de ce voyage mais souhaitais-je l'inverse?
Tiens amusant, je ne m'en étais pas aperçu aux deux premières lectures, mais c'est étonnant et contre-intuitif comme questionnement.
Le bon sens, dans cette situation, du mec qui a fui, qui est effrayé et vient de vivre une simili-apocalypse, c'est de se dire "ouf, je ne suis pas là-dedans, je suis en vie". Et alors il peut s'interroger et se dire "Tiens, est-ce que j'aurais aimé faire partie du voyage ?" !
Ces astronefs d'un genre nouveau, ces champs rédempteurs dont nous formions le terreau, disparaissaient peu à peu dans la stratosphère incandescente.
disparurent*
Une tristesse m'envahit soudain dans un réflexe abandonnique
Au-delà du fait que le mot "abandonnique" me fait grincer des dents à chaque fois que je le vois, je pense qu'il est assez superflu (et laid, très laid !).
"Une tristesse m'envahit soudain. J'étais l'un des survivants [...]"
Les phrases longues, c'est casse-gueule. Quand c'est bien fait, ça peut être très beau, mais les trois-quarts du temps, ça ne marche pas comme on le souhaite.
Bon voila, j'espère ne pas avoir été trop long et cela n'ôte rien à ce qui est réussi dans le texte, mais si ça peut aider pour la suite...