12 Angry Men, Sidney Lumet (1957)
Dès le premier plan, avec ce bâtiment institutionnel surplombant la scène, on se demande si la justice va triompher. Et 12 Angry Men incarne à ce titre le film de procès par excellence. L'histoire est connue, 12 jurés sont rassemblés dans une pièce avec un coupable tout désigné, mais un seul se dresse contre tous, car un doute, un petit doute, l'envahit, et il en fait part aux autres. Et l'une des grandes forces de ce film est évidemment sa mise en scène, avec cette manière de reconstituer les faits en jouant avec l'espace pour exhiber les rapports de force, les duels, ou tout simplement nous laisser sur les divergences de points de vue de chacun. Et c'est bien cela le centre du film, ce qui fait toute sa pertinence et sa modernité, au-delà de sa mise en scène méticuleuse, pointilleuse, et pourtant toujours au service de son sujet, à savoir cette façon visuelle de briser l'harmonie de groupe en faisant entrechoquer les faits, les grilles de lecture, et les vérités de chacun. Tel un architecte (pas un hasard que le protagoniste en soit un), Sidney Lumet, avec un soucis du détail hallucinant, nous remet toutes les pièces du puzzle en main, et on découvre avec les personnages les aspérités d'une telle affaire au dénouement simple au départ, mais où finalement la frontière entre objectivité et subjectivité est plus que jamais ténue, jusqu'à ce que les fondations factuelles et les préjugés s'effondrent les uns après les autres.
Alors certes, le seul petit défaut dommageable tant le reste est inattaquable, mais moi aussi j'aime bien jouer l'avocat du diable, c'est cette façon de faire croire, à travers l'écriture des personnages qui est tout de même brillante vu l'exercice du huis-clos total (et faisant dans le temps réel en plus), que chacun finalement juge à travers son histoire ou son background personnels. Mais c'est aussi ce qui m'a passionné dans ce film, d'humaniser en quelque sorte une affaire qui allait être jugée de manière quasi mathématique, alors qu'au fur et à mesure, tous ces liens logiques vont être discutés, questionnés, voire remis en question. Une manière de dire que l'erreur est humaine, que la pure logique appartient à un ordre qui nous dépasse, et donc que la justice n'est pas juste ce gros Léviathan monolithique pointé du doigt d'entrée de jeu, une représentation absolue qui sera démentie par la suite en mettant les hommes en avant.
Autre chose qui m'a frappé, c'est de voir à quel point chaque personnage semble avoir un «temps de parole» à peu près égal, ce qui renforce admirablement la vision démocratique du film. Ainsi, si la présence de l'excellent Henri Fonda au casting semble indiquer le fait qu'il sera le centre de l'attention, et si ce n'est pas tout à fait faux dans le sens où il joue l'élément déclencheur de tous les jeux décisionnels qui vont se faire par la suite, il est fort intéressant de voir à quel point chacun y va de sa petite importance, en incarnant un type de personne très caractérisé, et même si certains profils nous paraissent un peu lointains (comme l'amateur de base-ball), leur attitude n'en est pas moins moderne et universelle. Un autre petit mot sur l'interprétation, qui ne donne jamais l'impression de se mater une pièce de théâtre filmée, et contribue à l'immersion assez incroyable du film (à la limite je regrette un peu le surlignage dramatique avec la météo mais c'est quand même bien trouvé comme idée pour rendre l'atmosphère encore plus pesante).
Bref, de par son interprétation et sa mise en scène on ne peut plus incarnées (on a beau se retrouver entre quatre murs, la tension est à son comble, la caméra bouge avec les personnages et leurs témoignages, avec un gros boulot sur les points de vue et les focales, c'est la classe absolue), Sidney Lumet plante un gros coup dans le genre. Un film qui rentre évidemment dans la catégorie des films nécessaires, tant par la pure leçon de cinéma qu'il nous offre (ou comment créer une adaptation intelligente d'une pièce de théâtre en jouant avec le dynamisme de l'image et du montage) que par la puissance de sa démonstration, le tout allié à un postulat tout simple mais diablement puissant, celui de la quête de la vérité et du consensus réfléchi.
Alors certes, le seul petit défaut dommageable tant le reste est inattaquable, mais moi aussi j'aime bien jouer l'avocat du diable, c'est cette façon de faire croire, à travers l'écriture des personnages qui est tout de même brillante vu l'exercice du huis-clos total (et faisant dans le temps réel en plus), que chacun finalement juge à travers son histoire ou son background personnels. Mais c'est aussi ce qui m'a passionné dans ce film, d'humaniser en quelque sorte une affaire qui allait être jugée de manière quasi mathématique, alors qu'au fur et à mesure, tous ces liens logiques vont être discutés, questionnés, voire remis en question. Une manière de dire que l'erreur est humaine, que la pure logique appartient à un ordre qui nous dépasse, et donc que la justice n'est pas juste ce gros Léviathan monolithique pointé du doigt d'entrée de jeu, une représentation absolue qui sera démentie par la suite en mettant les hommes en avant.
Autre chose qui m'a frappé, c'est de voir à quel point chaque personnage semble avoir un «temps de parole» à peu près égal, ce qui renforce admirablement la vision démocratique du film. Ainsi, si la présence de l'excellent Henri Fonda au casting semble indiquer le fait qu'il sera le centre de l'attention, et si ce n'est pas tout à fait faux dans le sens où il joue l'élément déclencheur de tous les jeux décisionnels qui vont se faire par la suite, il est fort intéressant de voir à quel point chacun y va de sa petite importance, en incarnant un type de personne très caractérisé, et même si certains profils nous paraissent un peu lointains (comme l'amateur de base-ball), leur attitude n'en est pas moins moderne et universelle. Un autre petit mot sur l'interprétation, qui ne donne jamais l'impression de se mater une pièce de théâtre filmée, et contribue à l'immersion assez incroyable du film (à la limite je regrette un peu le surlignage dramatique avec la météo mais c'est quand même bien trouvé comme idée pour rendre l'atmosphère encore plus pesante).
Bref, de par son interprétation et sa mise en scène on ne peut plus incarnées (on a beau se retrouver entre quatre murs, la tension est à son comble, la caméra bouge avec les personnages et leurs témoignages, avec un gros boulot sur les points de vue et les focales, c'est la classe absolue), Sidney Lumet plante un gros coup dans le genre. Un film qui rentre évidemment dans la catégorie des films nécessaires, tant par la pure leçon de cinéma qu'il nous offre (ou comment créer une adaptation intelligente d'une pièce de théâtre en jouant avec le dynamisme de l'image et du montage) que par la puissance de sa démonstration, le tout allié à un postulat tout simple mais diablement puissant, celui de la quête de la vérité et du consensus réfléchi.
Note : 10/10