[Dunandan] Mes Critiques en 2018

Modérateur: Dunandan

12 hommes en colère (1957) - 10/10

Messagepar Dunandan » Dim 04 Mar 2018, 22:34

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12 Angry Men, Sidney Lumet (1957)

Dès le premier plan, avec ce bâtiment institutionnel surplombant la scène, on se demande si la justice va triompher. Et 12 Angry Men incarne à ce titre le film de procès par excellence. L'histoire est connue, 12 jurés sont rassemblés dans une pièce avec un coupable tout désigné, mais un seul se dresse contre tous, car un doute, un petit doute, l'envahit, et il en fait part aux autres. Et l'une des grandes forces de ce film est évidemment sa mise en scène, avec cette manière de reconstituer les faits en jouant avec l'espace pour exhiber les rapports de force, les duels, ou tout simplement nous laisser sur les divergences de points de vue de chacun. Et c'est bien cela le centre du film, ce qui fait toute sa pertinence et sa modernité, au-delà de sa mise en scène méticuleuse, pointilleuse, et pourtant toujours au service de son sujet, à savoir cette façon visuelle de briser l'harmonie de groupe en faisant entrechoquer les faits, les grilles de lecture, et les vérités de chacun. Tel un architecte (pas un hasard que le protagoniste en soit un), Sidney Lumet, avec un soucis du détail hallucinant, nous remet toutes les pièces du puzzle en main, et on découvre avec les personnages les aspérités d'une telle affaire au dénouement simple au départ, mais où finalement la frontière entre objectivité et subjectivité est plus que jamais ténue, jusqu'à ce que les fondations factuelles et les préjugés s'effondrent les uns après les autres.

Alors certes, le seul petit défaut dommageable tant le reste est inattaquable, mais moi aussi j'aime bien jouer l'avocat du diable, c'est cette façon de faire croire, à travers l'écriture des personnages qui est tout de même brillante vu l'exercice du huis-clos total (et faisant dans le temps réel en plus), que chacun finalement juge à travers son histoire ou son background personnels. Mais c'est aussi ce qui m'a passionné dans ce film, d'humaniser en quelque sorte une affaire qui allait être jugée de manière quasi mathématique, alors qu'au fur et à mesure, tous ces liens logiques vont être discutés, questionnés, voire remis en question. Une manière de dire que l'erreur est humaine, que la pure logique appartient à un ordre qui nous dépasse, et donc que la justice n'est pas juste ce gros Léviathan monolithique pointé du doigt d'entrée de jeu, une représentation absolue qui sera démentie par la suite en mettant les hommes en avant.

Autre chose qui m'a frappé, c'est de voir à quel point chaque personnage semble avoir un «temps de parole» à peu près égal, ce qui renforce admirablement la vision démocratique du film. Ainsi, si la présence de l'excellent Henri Fonda au casting semble indiquer le fait qu'il sera le centre de l'attention, et si ce n'est pas tout à fait faux dans le sens où il joue l'élément déclencheur de tous les jeux décisionnels qui vont se faire par la suite, il est fort intéressant de voir à quel point chacun y va de sa petite importance, en incarnant un type de personne très caractérisé, et même si certains profils nous paraissent un peu lointains (comme l'amateur de base-ball), leur attitude n'en est pas moins moderne et universelle. Un autre petit mot sur l'interprétation, qui ne donne jamais l'impression de se mater une pièce de théâtre filmée, et contribue à l'immersion assez incroyable du film (à la limite je regrette un peu le surlignage dramatique avec la météo mais c'est quand même bien trouvé comme idée pour rendre l'atmosphère encore plus pesante).

Bref, de par son interprétation et sa mise en scène on ne peut plus incarnées (on a beau se retrouver entre quatre murs, la tension est à son comble, la caméra bouge avec les personnages et leurs témoignages, avec un gros boulot sur les points de vue et les focales, c'est la classe absolue), Sidney Lumet plante un gros coup dans le genre. Un film qui rentre évidemment dans la catégorie des films nécessaires, tant par la pure leçon de cinéma qu'il nous offre (ou comment créer une adaptation intelligente d'une pièce de théâtre en jouant avec le dynamisme de l'image et du montage) que par la puissance de sa démonstration, le tout allié à un postulat tout simple mais diablement puissant, celui de la quête de la vérité et du consensus réfléchi.

Note : 10/10
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Re: [Dunandan] Mes Critiques en 2018

Messagepar Dunandan » Mer 07 Mar 2018, 04:43

Bon celui-là il rentre direct dans mon top 20-30 je pense... (j'ai trop pensé à Harakiri en voyant ce film, ouais je suis peut-être le seul :mrgreen:)

J'aurais d'ailleurs à l'actualiser, mon top 100, une dizaine pourraient y trouver leur place, easy.
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Re: [Dunandan] Mes Critiques en 2018

Messagepar Mark Chopper » Mer 07 Mar 2018, 09:13

Merci pour le crash-test :D
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Re: [Dunandan] Mes Critiques en 2018

Messagepar Jed_Trigado » Mer 07 Mar 2018, 09:22

:eheh:
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Re: [Dunandan] Mes Critiques en 2018

Messagepar osorojo » Mer 07 Mar 2018, 09:34

:eheh:
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Re: [Dunandan] Mes Critiques en 2018

Messagepar Alegas » Mer 07 Mar 2018, 12:26

Ce running-gag. :eheh:
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Re: [Dunandan] Mes Critiques en 2018

Messagepar Mark Chopper » Mer 07 Mar 2018, 12:35

Je propose de le faire durer une semaine, pas plus. Je ne voudrais pas vexer le taulier :mrgreen:
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Re: [Dunandan] Mes Critiques en 2018

Messagepar Dunandan » Mer 07 Mar 2018, 12:52

Vous allez finir par crash-tester ma patience... :mrgreen:.
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Re: [Dunandan] Mes Critiques en 2018

Messagepar Mark Chopper » Mer 07 Mar 2018, 12:56

:eheh:
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Re: Singe en hiver (Un) - 7,5/10

Messagepar noname007 » Ven 09 Mar 2018, 14:36

Dunandan a écrit:
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Un Singe en hiver, Henri Verneuil (1962)

...dans un petit village de Bretagne moyennement pluvieux...


:carton: C'est en Normandie, entre Trouville et Honfleur et plus exactement à Villerville ( « Tigreville » dans le film).
On va mettre ça sur l'abus de Picon biere... et ce n'est pas moitié-moitié...Ca peut le devenir, mais pas maintenant :soif:
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Re: [Dunandan] Mes Critiques en 2018

Messagepar Dunandan » Ven 09 Mar 2018, 16:07

C'était un crash-test pour savoir si vous lisiez mes critiques :chut:.

(Je vais corriger ça)
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Quelques minutes après minuit - 8/10

Messagepar Dunandan » Dim 11 Mar 2018, 22:18

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A Monster Calls, J.A. Bayona (2016)

À la base, vu la gueule du projet vu et revu (le deuil lentement accepté par la force de l'imaginaire) et l'angle choisi (celui du conte), je ne me voyais pas forcément aimer ce film. D'autant plus que le fantastique fait une entrée fracassante dans le réel, le genre de truc à te faire sortir vite fait du film. Mais Bayona m'avait fait le même coup avec The Impossible (ou comment un «simple» fait divers devient finalement une aventure humaine absolument marquante), et il réussit de nouveau à me cueillir par la puissance et la pureté de son cinéma, non sans invoquer des références évidentes (comme celle de King Kong pour évoquer l'injustice du mal contre les apparences), mais finalement essentielles car vraies et fortes dans ce qu'elles nous proposent.

Car encore une fois, même si le déroulement s'avère totalement prévisible (le principal défaut du film), le traitement l'est beaucoup moins, ce qui fait toute la différence. À commencer par la façon dont sont racontées les différentes petites histoires racontées par le «monstre» faisant des liens symboliques avec la difficile réalité de ce jeune garçon, un style mélangeant l'animation à l'ancienne, l'aquarelle, et la 3D, au résultat tout simplement magnifique, et qui offre une puissance narrative d'une maturité assez exceptionnelle pour le genre. Des passages animés qui ne jurent pas du tout avec les CGI du «monstre», l'atmosphère lorgnant vers la dark fantasy faisant le liant entre les deux techniques, le tout apportant une composition graphique intéressante vu le sujet funèbre, voire apocalyptique du film (je parais exagérer, mais le ton des «rêves» du garçon et sa rage à peine rentrée m'indiquent le contraire).

Mais ce qui m'a surtout frappé, c'est avec quelle facilité Bayona parvient à gérer l'émotion en dernière ligne, alors qu'encore une fois, on le voit venir. Il est certain que le casting particulièrement impliqué, joue (Bayona confirme d'ailleurs dans son talent à diriger les enfants, en témoigne la réaction négative somme toute crédible du garçon face à l'arrivée du «monstre» qui m'a beaucoup aidé à accepter l'inclusion pas toujours finaude du fantastique). Et la complexité des personnages joue aussi, étonnamment touffue pour un film tout public, chacun ayant une raison d'être qui échappe au jugement trop hâtif (même le bagarreur de l'école pourtant si antipathique au début). Plus encore, Bayona réussit à percer, lentement mais sûrement, les frontières entre le fantastique et le réel pour nous parler de cette vérité intime au coeur des choses (vérité des personnages, de leurs émotions, et de l'image), alors que bien sûr, tout cela est artificiel, tant dans les mécaniques narratives que dans la forme, mais il arrive à nous y impliquer avec une sincérité si accrocheuse, tant dans les intentions que dans ses applications, qu'il est difficile de ne pas répondre à son appel, et c'est même fait avec une certaine subtilité et délicatesse (la douleur exprimée le temps d'une porte entrebaillée ou la mère qui semble reconnaître à la fin la présence du «monstre» à ses côtés).

Bref, Quelques minutes après minuit est une histoire touchante et remuante, mais surtout une pure expérience de cinéma qui permet de sublimer un déroulement somme toute balisé, et où Bayona gère pour la première fois plusieurs formats (le cinéma live, les CGI, et le cinéma d'animation) en même temps, et franchement, ça le réussit, tant ça sert pleinement ses thématiques de prédilection sur les liens sacrés de la famille (en dépit des tensions internes et externes). Et malgré une telle richesse dans le matériel, Bayona ne renie pas pour autant la simplicité du propos de départ (on revient toujours aux mêmes questions sur le deuil et l'acceptation, mais posées autrement), ce qui en fait un film admirablement accessible, mais qui surtout sait parler à nos émotions sans asséner de morale facile, avec en prime un rapport à la création artistique juste fascinant dans ce qu'il implique (je pense particulièrement au passage sur l'oeil qui, tout en offrant un lien essentiel à l'art et à la mère, est très fort en termes d'émotion ressentie).

Note : 8/10
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Re: [Dunandan] Mes Critiques en 2018

Messagepar lvri » Dim 11 Mar 2018, 22:21

:super:
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Re: [Dunandan] Mes Critiques en 2018

Messagepar Dunandan » Mar 13 Mar 2018, 05:26

Petite maj que j'indique au passage, je suis impayable :mrgreen:. J'ai tendance à ne pas parler des détails du film qui m'ont fait chavirer, c'est chose faite...
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Dernier train pour Busan - 7,5/10

Messagepar Dunandan » Sam 17 Mar 2018, 03:11

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Dernier train pour Busan, Yeon Sang-ho (2016)

Peut-être pas la baffe que j'attendais, mais clairement une bonne surprise. Dernier train pour Busan se différencie du gros de la concurrence par son amour du genre en instillant des petites ruptures de ton propres au cinoche coréen, le tout sans cynisme. On retrouve donc rapidement le déroulement habituel des codes du film de zombies avec la menace qui se dessine peu à peu et les survivants qui se barricadent là où ils peuvent - mais dans un train, ce n'est quand même pas si commun - où s'ensuit un petit jeu de cache-cache à la sauce survival. Mais la différence, on la trouve d'abord avec la critique sous-jacente des différences de classes, qui n'est peut-être pas toujours subtile, mais c'est pour mieux mettre en exergue ce petit coeur qui bat à travers un groupe de personnages qui vont apprendre à surmonter les épreuves ensemble malgré leurs backgrounds éloignés, voire aux antipodes. Et particulièrement ce père qui, dans un premier temps, s'avère un égoïste forcené, va subir ensuite une transformation positive via le regard que porte sa fille sur le monde en toutes circonstances. Une évolution psychologique qui évite avec brio l'écueil du pathos en plongeant ce personnage dans l'action et en mettant en avant son intelligence à se sortir de situations bien tendues, aidé par un contrôleur plus bad-ass, tu meurs (ce plan valant tous les mots dévoilant de quel zombie il se chauffe est tout simplement jouissif).

Ainsi, ce film de zombies parvient à s'assumer comme tel, mais met aussi en scène des personnages consistants et loin d'être fonctionnels, puisque même le méchant de service nous renvoie en bout de course à une situation finalement universelle, explosant ainsi en vol le manichéisme forcé (mais quand même assez drôle dans cette forme d'excès, c'est vraiment le mec prêt à tout pour sa propre gueule) défendu jusqu'à lors. Et même au niveau de la forme c'est plutôt réussi, les vagues de zombies ressemblent vraiment à quelque chose, le concept derrière (ils deviennent aveugles dans l'obscurité ou si l'on leur obstrue la vue) est bien trouvé et utilisé, et la marchandise en chair déchiquetée est délivrée sans jamais tomber dans la violence putassière (on est très loin de la gratuité inhérente à la série Walking Dead, ce qui n'est pas un mal). Sans oublier l'aspect huis-clos qui est lui aussi bien exploité, sans être trop répétitif puisque l'intérêt est renouvelé à mi-parcours en variant un chouïa les situations vécues par les personnages en exploitant le terrain et en «allégeant» la chaîne des survivants, non sans conséquence pour ces derniers. Ainsi, difficile de ne pas se sentir tout chamboulé avec cette fin qui fait appel à un moment-clé du film, ouvrant les vannes de l'émotion avec une certaine sensibilité. Tout n'est pas parfait (encore une fois, l'affrontement des classes et des positions qu'elles renferment est faite parfois de manière un peu grossière, et quelques incohérences demeurent par rapport aux transformations qui durent plus ou moins longtemps selon les besoins du scénario), mais c'est le genre de divertissement «total», généreux, et plutôt grand public, qui fait du bien.

Note : 7.5/10
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