Je nourrissais certaines attentes au sujet de ce nouveau Hosoda, non seulement car je considère ce dernier comme l'un des meilleurs réalisateurs du genre depuis que Miyazaki s'est mis en pré-retraite, mais aussi parce que je me demandais bien comme il allait traiter le
chambara, qui est lui aussi l'un de mes genres de film préférés. En toute logique je devais adorer, mais finalement je suis assez partagé sur le résultat. Le truc c'est que Hosoda parvient toujours à proposer quelque chose au-dessus de la moyenne des productions du genre, mais force est de constater qu'il commence à recycler sévèrement ses thématiques, et j'espère qu'il parviendra à se renouveler davantage par la suite.
On suit un gamin qui fuit ses parents adoptifs (ils sont de la même famille, mais la façon dont ils sont montrés ne jette aucun doute possible sur le fait qu'ils ne sont rien pour lui) et se fait recueillir par une bête habitant dans un royaume adepte de l'art du sabre. S'ensuit ensuite une quête classique d'initiation entre un père et son fils symboliquement adoptifs. Mais le soucis caractéristique du film, c'est que le trait est un peu forcé, ici en s'attardant beaucoup sur leurs disputes. En contrepartie, le message en amont est simple et fort : on ne peut progresser sans les autres. Alors si en effet le rapport de force est assez fonctionnel dans le sens où ils n'évoluent guère en tant qu'équipe, n'empêche qu'individuellement, surtout le gamin, l'évolution se fait sentir au détour de séquences assez fortes, même si celles-ci tardent à sortir, ce qui donne lieu à une petite impression de redondance sur la durée (plus dans la forme que dans le fond, le sens des engueulades progressant petit à petit).
Alors certes toutes ces thématiques, de l'animalité et de l'union qui fait la force, on les a déjà vues ailleurs, mais tout de même, cette manière dont tout s'imbrique m'a fasciné, et rejoint totalement le message sous-jacent que j'ai souligné. En ce sens,
Le Garçon et la bête ne fait peut-être pas dans la simplification pure et simple des oeuvres précédentes de Hosoda, mais propose quand même des nouvelles choses, à commencer, encore une fois, par une insistance particulièrement importante sur le thème de la complémentarité (autant au niveau des protagonistes que des différentes dimensions et thématiques traitées), puis l'environnement du Japon médiéval que Hosoda n'avait jamais traité auparavant, ce qui offre le cadre parfait pour une telle dualité, entre humanité et bestialité, et entre maître et disciple.
Mais c'est aussi quelque part là où le bat blesse, car au niveau visuel, au-dehors des séquences nocturnes et de la fameuse déambulation entre les rues menant à la ville des bêtes, je trouve que Hosoda est en régression à ce niveau là. La mise en scène monte d'un cran durant les affrontements (surtout avec le dernier, via une référence un peu forcée, mais qui offre une résonance franchement sympa au sein du récit) et lorsque débute la quête initiatique en terra incognita (dommage que celle-ci passe à une vitesse folle), mais pour le reste, on passe souvent par les mêmes endroits avec un rendu graphique pas toujours top, voire un peu enfantin pour le coup, sans oublier des protagonistes qui reprennent grosso-modo le même style que les précédents opus (
Les enfants loups en tête).
Enfin, Hosoda oblige, la seconde partie du film offre certaines remises en perspective intéressantes avec son passage dans le monde contemporain. Le soucis c'est qu'elles n'ont rien de novatrices pour les initiés, mais n'empêche qu'on est au-dessus du lot avec un message positif et néanmoins très contrasté sur l'identité, où le gamin devenu adulte aura à faire ses propres choix de vie. Par contre, si les séquences ont une certaine force par elles-mêmes, il est à regretter que l'ancrage émotionnel soit parfois un peu déficient (ça passe surtout par des artefacts, que ce soient la petite bestiole, le fil rouge, ou le sabre ultime, mais entre les protagonistes, il manque parfois un petit truc pour être totalement emporté).
Donc voilà, même si
Le garçon et la bête ne remplit pas toutes ses promesses en termes de rendu visuel, de renouvellement thématique, de narration (un poil bancale et forcée), et même d'émotion (les protagonistes demeurent un peu trop fonctionnels), on se retrouve quand même avec une oeuvre qui transcende son statut de divertissement populaire avec une véritable réflexion sur les relations parentales et la condition humaine. J'irais même jusqu'à dire que c'est le film idéal pour découvrir Hosoda à travers cette manière d'articuler toutes ces obsessions qui hantent son travail (et ce foisonnement évite dans tous les cas l'ennui) avant de commencer les choses «sérieuses». Maintenant reste à espérer qu'il ne s'agissait que d'une mise au point avant de passer un peu à autre chose, histoire d'éviter la franche redite.
Note : 7/10