The Post (Pentagon Papers) de Steven Spielberg
(2017)
(2017)
A la base, ce n’était pas spécialement le Spielberg qui me faisait trépigner d’impatience : lancé un peu en hâte en début d’année dernière, The Post sentait quand même pas mal le film conçu pour les Oscars, que ce soit à travers ses têtes d’affiche ou encore son sujet sur lequel pas mal de monde va faire la comparaison avec Spotlight. Et c’est bien dommage de constater que beaucoup s’arrêtent à cette apparence, car on est très loin du dernier film cité, et on est typiquement dans le genre de projet que Spielberg affectionne tout particulièrement ces dernières années, à savoir une histoire d’apparence consensuelle sur laquelle le réalisateur va pouvoir faire un constat de l’Amérique d’aujourd’hui. Et pour le coup, The Post est une sacrée surprise : j’attendais au mieux un petit film honnête et bien mené, et je me retrouve non seulement devant un film d’investigation journalistique qui figure aisément parmi les meilleurs du genre, mais en plus devant ce qui est à mes yeux le premier grand film anti-Trump. A la vue du traitement, on comprend aisément pourquoi Spielberg a lancé la production en hâte suite à l’élection de Donald Trump : derrière une formule somme toute assez prévisible se cache un puissant cri d’alerte pour préserver la liberté d’expression et de la presse, mais aussi un rappel de ce que doit être un bon gouvernement pour le peuple.
Impossible de ne pas penser au Capra de Mr Smith goes to Washington à la vue de The Post, auquel viendrait se rajouter la puissance narrative de All the President’s men de Pakula (le Spielberg peut d'ailleurs être vu comme un parfait complément de ce dernier), et du coup il a une véritable impression de regarder un grand divertissement intelligent à l’américaine comme on n’en voit plus très souvent, impression que l’on pouvait déjà avoir devant Bridge of spies il y a deux ans et avec qui il présente de nombreuses similarités. Tom Hanks et Meryl Streep en imposent devant des rôles taillés sur mesure, le premier jouant un mix entre James Stewart et John Wayne pendant que la seconde va jouer sur un registre plus effacé et donc plus percutant lorsqu’elle va se mettre en avant. Mais ce qui étonne surtout c’est la qualité et l’importance des seconds rôles au sein du récit (Odenkirk, Brie, Coon, Stuhlbarg, etc…), comme si Spielberg tenait à rappeler que les grands changements arrivent non pas avec un visage mis en avant, mais bien avec plusieurs anonymes qui ne sont pas forcément mis en lumière. Dans un film comme celui-ci où l’on rappelle la toute-puissance du peuple et des valeurs face au pouvoir politique, c’est d’autant plus pertinent et puissant. A cela s’ajoute un sous-texte féministe plutôt bien vu, bien que pas spécialement indispensable, mais à l’heure où Wonder Woman est traité comme une grande œuvre féministe ça fait plaisir de voir un film qui traite le sujet de façon réellement intelligente, il suffit d’ailleurs de voir comment Spielberg gère la place de Meryl Streep dans le cadre, avec une évolution progressive où elle s’affirme de plus en plus à la fois sur le papier et à l'image.
Et puis comme d’habitude avec Spielberg, c’est filmé avec une maestria évidente, et pour le coup j’ai presque envie de dire que c’est son film récent le plus intéressant à analyser d’un point de vue formel tant ça fourmille d’idées à la minute. Autant l’introduction au Vietnam n’est pas spécialement mémorable, autant dès qu’on arrive aux States ça devient un festival d’artifices de cinéma (dans le bon sens du terme), au point que des séquences assez banales sur le papier deviennent des climax de tension assez incroyables, que ce soit le dépouillement d’un lourd dossier en quête d’informations (avec plan-séquence à l’appui et dialogues de plus en plus frénétiques) une décision importante à prendre au téléphone (le travelling circulaire en plongée sur Meryl Streep, le rapide cut où elle tourne la tête comme si elle était réellement en face de ses interlocuteurs , etc…) ou tout simplement le lancement à plein régime d’une imprimerie (le plan sur Odenkirk qui écrit avec le table qui tremble, c’est limite si ça ne renvoie pas à Jurassic Park). Bref, de ce côté là le film est tout simplement admirable, et bien moins anecdotique qu’il n’en a l’air. Même d’un point de vue émotionnel le film a complètement fonctionné sur moi, et le passage où Hanks dévoile les unes de journaux m’a limite foutu une larme à l’œil, preuve s’il en est que Spielberg a toujours ce petit truc qui va faire la différence, et qui lui permet de frapper en plein cœur avant de balancer son propos. Un nouveau grand Spielberg à mes yeux donc, ce qui me chagrine d’autant plus de voir à quel point il est reçu globalement comme un vulgaire récit à récompenses alors que c’est évident qu’il vaut bien plus que ça. Maintenant, je croise les doigts pour Ready Player One, mais si Spielberg peut livrer en l’espace de quelques mois le meilleur du film engagé et du divertissement à gros budget, ça serait ce qui pourrait arriver de mieux au cinéma cette année.
Impossible de ne pas penser au Capra de Mr Smith goes to Washington à la vue de The Post, auquel viendrait se rajouter la puissance narrative de All the President’s men de Pakula (le Spielberg peut d'ailleurs être vu comme un parfait complément de ce dernier), et du coup il a une véritable impression de regarder un grand divertissement intelligent à l’américaine comme on n’en voit plus très souvent, impression que l’on pouvait déjà avoir devant Bridge of spies il y a deux ans et avec qui il présente de nombreuses similarités. Tom Hanks et Meryl Streep en imposent devant des rôles taillés sur mesure, le premier jouant un mix entre James Stewart et John Wayne pendant que la seconde va jouer sur un registre plus effacé et donc plus percutant lorsqu’elle va se mettre en avant. Mais ce qui étonne surtout c’est la qualité et l’importance des seconds rôles au sein du récit (Odenkirk, Brie, Coon, Stuhlbarg, etc…), comme si Spielberg tenait à rappeler que les grands changements arrivent non pas avec un visage mis en avant, mais bien avec plusieurs anonymes qui ne sont pas forcément mis en lumière. Dans un film comme celui-ci où l’on rappelle la toute-puissance du peuple et des valeurs face au pouvoir politique, c’est d’autant plus pertinent et puissant. A cela s’ajoute un sous-texte féministe plutôt bien vu, bien que pas spécialement indispensable, mais à l’heure où Wonder Woman est traité comme une grande œuvre féministe ça fait plaisir de voir un film qui traite le sujet de façon réellement intelligente, il suffit d’ailleurs de voir comment Spielberg gère la place de Meryl Streep dans le cadre, avec une évolution progressive où elle s’affirme de plus en plus à la fois sur le papier et à l'image.
Et puis comme d’habitude avec Spielberg, c’est filmé avec une maestria évidente, et pour le coup j’ai presque envie de dire que c’est son film récent le plus intéressant à analyser d’un point de vue formel tant ça fourmille d’idées à la minute. Autant l’introduction au Vietnam n’est pas spécialement mémorable, autant dès qu’on arrive aux States ça devient un festival d’artifices de cinéma (dans le bon sens du terme), au point que des séquences assez banales sur le papier deviennent des climax de tension assez incroyables, que ce soit le dépouillement d’un lourd dossier en quête d’informations (avec plan-séquence à l’appui et dialogues de plus en plus frénétiques) une décision importante à prendre au téléphone (le travelling circulaire en plongée sur Meryl Streep, le rapide cut où elle tourne la tête comme si elle était réellement en face de ses interlocuteurs , etc…) ou tout simplement le lancement à plein régime d’une imprimerie (le plan sur Odenkirk qui écrit avec le table qui tremble, c’est limite si ça ne renvoie pas à Jurassic Park). Bref, de ce côté là le film est tout simplement admirable, et bien moins anecdotique qu’il n’en a l’air. Même d’un point de vue émotionnel le film a complètement fonctionné sur moi, et le passage où Hanks dévoile les unes de journaux m’a limite foutu une larme à l’œil, preuve s’il en est que Spielberg a toujours ce petit truc qui va faire la différence, et qui lui permet de frapper en plein cœur avant de balancer son propos. Un nouveau grand Spielberg à mes yeux donc, ce qui me chagrine d’autant plus de voir à quel point il est reçu globalement comme un vulgaire récit à récompenses alors que c’est évident qu’il vaut bien plus que ça. Maintenant, je croise les doigts pour Ready Player One, mais si Spielberg peut livrer en l’espace de quelques mois le meilleur du film engagé et du divertissement à gros budget, ça serait ce qui pourrait arriver de mieux au cinéma cette année.
"The press was to serve the governed, not the governors."
8/10