De Jean Duvivier, je ne connaissais que
Le petit Monde de Don Camillo, et si je ne trouve pas de dernier forcément mauvais (j'avoue que la nostalgie a un rôle à jouer, étant l'un des films familiaux de prédilection tournant en boucle durant les vacances), il aurait été dommage que j'en reste là tant
La Belle équipe se situe à plusieurs crans au-dessus. Surtout que ma découverte des films de Carné m'avait donné forte envie de découvrir d'autres films du réalisme poétique, et ma foi, c'est plutôt une belle réussite même si Carné m'avait davantage convaincu, surtout au niveau de la gestion de sa dramaturgie.
Ce film, c'est tout d'abord l’histoire d’une franche amitié pleine d'authenticité qui nous met le baume au coeur, où Duvivier y insuffle une pointe de pessimisme qui lentement mais sûrement s’empare de nos cinq camarades devenus propriétaires d’une ruine (qu'ils veulent transformer en guinguette) grâce à un coup de bol monumental. Malheureusement, malgré une tournure (plus noire) assez surprenante en termes de tonalité, je trouve que Duvivier loupe un peu le coche dans la dernière ligne droite, alors que jusqu'à lors, il parvenait à construire un propos particulièrement juste, pertinent, et moderne sur les limites de la communauté, aussi petite et fraternelle soit-elle, à fructifier et à partager un bonheur commun (je serais du coup bien curieux de voir si l'autre fin, de réputation plus lumineuse, ne serait pas un peu plus adaptée à la manière dont l'histoire évolue et au caractère des personnages).
Mais le gros point fort du film, outre son sujet, c'est son cadre, doté d'une aura toute particulière où l'influence du réalisme poétique prend tout son sens. Que ce soit pour souligner la complicité des cinq camarades (la séquence du vol des objets dans le stand, attendrissante comme jamais) ou la manière dont le partage semble être une valeur primordiale, et surtout, cette fameuse maison dont ils vont devenir propriétaires, symbole vivant de leur relation (séquence géniale où ils sont soudés l’un à l’autre sur le toit durant l’orage à boucher les trous) mais aussi de leur isolement le plus total lorsque le destin se referme sur eux. Et comment ne pas penser à ce moment où la caméra se rapproche de ces deux derniers à rester dans la course jusqu'à les présenter, pour l'ultime fois, seuls contre le monde (et en l’occurrence cette femme vénale qui finit par les mettre l’un contre l’autre dans un jeu de manipulation assez ambigu). Il n'y a pas à tortiller, la réalisation est bourrée de petites idées de mise en scène plutôt inspirées de cet ordre venant servir le récit ou mettre en valeur le cadre.
Pour animer tout ça, le casting est franchement bon, entre Jean Gabin dans l’un de ses premiers grands rôles, où l’on aperçoit déjà cette force tranquille et magnétique au naturel fou, et les autres ne déméritent pas dans leurs rôles respectifs dont le tout forme un portrait saisissant de la France de l’avant-guerre. Mais encore une fois, j’aurais des griefs contre la fin. Qu’elle sombre vers un certain pessimisme, pas de problème, mais elle ne cadre tout simplement pas avec le personnage de Gabin et ses aspirations (tout opposées), et semble clore le triangle amoureux dont il est question un peu trop brusquement, dont la dynamique est par ailleurs justement dépeinte. Dommage qu’on termine sur une telle note, car je l’aime bien la vision de Duvivier des petites gens, bien qu’un poil caricaturale, trop vaillamment opposée à mon sens à cette aristocratie profiteuse de ce que ces mains travailleuses ont façonné. Passage qu’on excuse aisément, grâce à un Gabin convaincant en diable, sauf justement ce fâcheux passage (malgré tout logique avec la tournure funeste des événements) qui semble, encore une fois, en faire un peu trop.
Mais bon,
La belle équipe demeure malgré tout une belle proposition de cinéma ainsi qu'une histoire touchante sur l'amitié et le partage (et on y croit à cette camaraderie d'un autre temps qui nous rejoint en certains points) rattrapée par la réalité, ce qui me donne grande envie de découvrir d'autres Duvivier.
Note : 7/10