De toute la filmographie d'Albert Dupontel en tant que réalisateur,
Le Créateur est certainement son film le moins connu et réputé, certainement à cause du fait que le métrage fût à sa sortie une déception au box-office. Un échec que Dupontel lui-même a eu du mal à accepter après le succès surprise qu'avait été
Bernie à l'époque, et la réaction peut tout à fait se comprendre en découvrant le film, vu que ce dernier est sans aucun doute le plus personnel du réalisateur, en plus d'être un de ses plus réussis. Le script part d'un postulat assez simple, à savoir le retour de cure de désintoxication d'un auteur de théâtre alcoolique, ce dernier étant persuadé que son talent d'écriture ne vient qu'en étant complètement bourré. Alors qu'il est sous la pression d'une commande d'une seconde pièce après son chef-d’œuvre, il essaie de trouver la solution pour retrouver l'inspiration. Jusqu'ici, rien de bien sorcier puisqu'on est typiquement dans l'analyse du syndrome de la page blanche avec un personnage principal haut en couleur, mais Dupontel oblige le film va peu à peu se transformer en une farce bien méchante comme il faut, le héros devenant persuadé qu'il doit commettre les pires atrocités pour devenir ce qu'il souhaiterait être, à savoir quelqu'un de talentueux.
Derrière ce script, difficile de ne pas y voir l'auto-analyse de Dupontel lui-même qui, durant toute sa carrière a cherché à prouver à son entourage (et notamment son père) qu'il était capable d'être un artiste à part entière. Entre les réglages de compte avec la famille, le voisinage, les collègues de travail ou même sa terre de naissance (le passage où le héros va chercher à tuer un maximum de bretons, "Kenavo les bouseux"
), il y a clairement une volonté de Dupontel de se mettre lui-même en scène dans cette comédie satirique virant carrément dans le malsain dans son dernier tiers. Globalement, le film ressemble beaucoup à
Bernie dans son côté jusqu’au-boutiste, mais bénéficiant à la fois d'une rigueur d'écriture plus forte lui permettant d'avoir un fond vraiment pertinent, mais aussi d'un budget plus confortable où Dupontel s'exprime visuellement de façon plus libre (il y a un gros boulot d'éclairage sur le film, ça fait bizarre de voir une comédie française aussi chiadée). Et puis Dupontel oblige, le casting est nickel avec beaucoup de têtes revenant de l'expérience
Bernie, je citerais notamment Michel Vuillermoz dans un rôle bien fun et surtout Philippe Uchan dans un rôle moins secondaire que d'ordinaire (je m'attendais d'ailleurs pas du tout au retournement final, que j'avais pourtant suspecté assez tôt dans le récit). A noter aussi la présence de Terry Jones en Dieu
, symbole plus qu'évident pour un Dupontel qui n'a jamais caché son amour pour les Monty Python. Un film vraiment drôle et intéressant à bien des égards, cruellement sous-estimé à mon sens, et qui mériterait d'être réévalué.